La salle de classe (verte !) qui avait beaucoup à apprendre

Photo par Anne-Diandra Louarn

Photo par Anne-Diandra Louarn

Quand elle en parle, c’est toujours avec émotion, parfois même avec quelques larmes. Stacy Smedley, architecte basée à Seattle et maman engagée, a mis au point une salle de classe portative qui pourrait bien réinventer nos manières d’enseigner et d’apprendre. Cette petite révolution verte arrive à Burnaby… Explications.

Mur végétal purificateur d’air, récupérateur de pluie et système de filtration d’eau, lumière naturelle, panneaux solaires… Les salles de classe du futur imaginées par Stacy Smeldey ont été pensées pour être totalement autonomes et ne nécessitent aucun apport en eau ou énergie. « J’aime souvent expliquer que nos salles de classe portatives ont la durée de vie d’un arbre et fonctionnent comme une fleur », confie Stacy Smeldey. D’où le nom donné au concept : SEEDs (Sustainable Education Every Day), Graines en anglais.

Stacey Smedley, l’architecte et la cofondatrice des classes SEEDs. | Photo par Anne-Diandra Louarn

Stacey Smedley, l’architecte et la cofondatrice des classes SEEDs. | Photo par Anne-Diandra Louarn

Le tout premier prototype de ces classes vertes déclinables et personnalisables presque à l’infini a été conçu avec l’aide des élèves d’un établissement de Jasper en Alberta, dans le cadre d’un projet d’école. Écoutant attentivement les idées et envies des petits Albertains, les ingénieurs de SEEDs ont dessiné une salle de classe intelligente et écologique. Quelques mois plus tard, c’est à Seattle que les plans sont sortis de terre, après qu’une école maternelle privée du nord de la ville a décidé d’investir dans le projet. Le première graine était plantée.

Un bol d’air pur en classe

En pénétrant dans cette salle de classe pilote, c’est l’odeur fraîche et boisée qui frappe d’abord. Un vrai bol d’oxygène. Puis il y a cette lumière ni trop criarde, ni trop tamisée. On se sent immédiatement bien. Rapidement, nos yeux se portent sur tout un système de tuyaux électriques, à nu. Inquiétant pour la sécurité des petits ? « Pas le moins du monde ! », assure Zoe Dash, l’institutrice qui enseigne dans cette classe. « Les tuyaux sont volontairement laissés à l’air libre pour que les élèves apprennent et suivent le fonctionnement du système électrique, ça fait partie du programme de sciences. Nous faisons la même chose avec l’eau. Ça permet de prendre conscience de notre consommation et nous révèle à quel point l’eau est précieuse. »

Les élèves disposent également de plusieurs moniteurs électroniques installés dans la classe afin de surveiller la production d’énergie du bâtiment, et ce qu’ils dépensent. Ils collectent et analysent toutes ces données au fur et à mesure de l’année. « Les classes SEEDs sont un véritable laboratoire vivant. Elles permettent de faire entrer les sciences, les mathématiques, la technologie et l’ingénierie de façon ludique et concrète pendant les cours », affirme Stacy Smeldey.

Au delà de l’aspect éducatif et écologique, l’équipe de SEEDs souhaitait placer la santé au cœur de ses salles de classe vertes. « Notre crédo, c’est : Créer. Éduquer. Inspirer… mais dans un espace éducatif le plus sain possible ». Or, les classes portatives dans lesquelles les enfants passent leurs journées depuis des décennies sont toutes construites à partir de matériaux nocifs. Moins connus que l’amiante ou le plomb, il existe dans certaines peintures ou colles des composants volatiles dangereux comme le mercure, le PVC ou encore le formol. Ce dernier est aisément identifiable à l’ « odeur de voiture neuve » que l’on peut sentir parfois. Très peu d’études existent sur la qualité de l’air et le confort dans les constructions portatives qui sont – par essence – censées être temporaires. Mais les chercheurs en ont aujourd’hui la certitude : en cas de forte présence dans l’air, les particules de formol, de mercure et de PVC peuvent a minima déclencher maux de tête, saignements de nez, yeux irrités et difficultés respiratoires.

Burnaby investit dans le projet

Budgets de plus en plus serrés, manque de place et classes bondées conduisent de plus en plus les municipalités et les institutions privées à investir dans des classes portatives. Stacy Smeldey indique que les États-Unis, à eux-seuls, utilisent actuellement 300 000 classes portatives. Et des milliers d’autres sont en cours d’acheminement. Dans certains districts surpeuplés de Californie ou de Floride, ce sont des écoles entières qui sont construites en préfabriqués.

En Colombie-Britannique, et notamment dans la région de Vancouver où la population est particulièrement concentrée, cette problématique se pose chaque année. À Burnaby, l’Université Simon Fraser et le Childcare Society s’apprêtent à faire germer les deux premières salles de classe SEEDs au Canada. Une victoire pour Stacy Smeldey qui se réjouit de voir qu’un établissement public est prêt à débloquer du budget pour ce type de projet.

C’est un fabricant canadien – dont les matières premières répondent aux critères sanitaires de SEEDs – qui est chargé de la construction de la classe. Les premiers coups de pioche seront donnés dans les prochaines semaines pour une première rentrée des classes dès septembre 2015.