Anita Majumdar danse l’adolescence

Anita Majumdar dans The Fish Eyes.

Anita Majumdar dans The Fish Eyes.

Vous rappelez-vous votre adolescence, vos premières amours et ces interrogations ?

Pour Anita Majumdar, danseuse et actrice, ce souvenir est encore vibrant, si bien qu’elle met en scène ce passage à l’âge adulte à travers trois portraits de trois lycéennes au Canada. The Fish Eyes Trilogy se tiendra du 27 au 31 janvier dans le cadre du festival PuSh à Vancouver. Alliant le drame et l’humour, elle dépeint l’adolescence inspirée par ses expériences à Port Moody, ville d’origine d’Anita Majumdar.

Ce spectacle, et ces trois personnages qu’elle incarne à elle seule, l’anime depuis des années. Avec ferveur et espièglerie, Anita Majumdar danse le quotidien d’une adolescence indo-canadienne et de ses réalités parfois heurtantes. Trois volets car comme elle dit, « j’avais l’impression d’avoir quelque chose à dire à propos de ce que c’est que de vivre cet âge, ça ne pouvait pas se résumer à l’expérience d’un seul personnage. »

Les trois portraits de la trilogie
A l’École nationale de théâtre du Canada, ses talents de danseuse sont reconnus. Désirant donner une autre perspective à son art, elle écrit The Fish Eyes, qui n’était pas encore une trilogie. Il met en scène Meena. Jeune fille dansant tout le temps, elle est la moins expérimentée de la vie, la plus innocente. Elle veut être comme toutes les autres mais doit se débattre avec son milieu. Fish Eyes est aussi la signification de son prénom, un symbole du poisson qui nage dans les eaux troubles de l’adolescence.

Le second acte, Boys with Cars, suit l’histoire de Naz et suscite toujours de vives réactions tant ce qui lui arrive paraît impensable. Dure et sarcastique, elle est celle souffrant le plus, et subissant les mauvais traitements de son entourage. Silencieuse et intelligente, elle a une conscience du monde dans lequel elle vit. Derrière Naz se cache peut-être Anita Majumdar : « Je pense que ce 2e acte est celui avec lequel j’ai été la plus sincère et sans concessions. Il décrit à quel point nous pouvons être sombre à ce tournant dans la vie », confie-t-elle.

Le dernier volet, intitulé Let Me Borrow That Top, dévoile le personnage de Candace. Débordante d’énergie, elle a sa propre manière de s’exprimer, souvent familière. Mais derrière ce masque se cache beaucoup de tristesse. Elle mène la vie dure aux deux premières. C’est un personnage avec ses propres soucis, elle est à la fois une victime et celle qui agresse.

Ces trois visages explorent le contexte, toujours actuel, dans lequel la jeunesse apprend à devenir adulte. La danse est « un instrument de pouvoir qui les aide à naviguer avec les problêmes », indique Anita Majumdar. « Je crois vraiment que le lycée est un microcosme, un reflet de la société. » Ces jeunes femmes ne sont pas des cas isolés, elles traversent des situations communes à tous. « Je connais toutes ces filles, j’ai grandi à Port Moody, je connais ces personnalités. »

Ouvrir à la discussion
Découvrant l’histoire de la colonisation en Inde et le traitement subi par ce pays, Anita Majumdar a ressenti une profonde colère qu’elle a voulu exprimer artistiquement et que l’on retrouve dans sa trilogie. « Même si je suis canadienne, c’est une part du Commonwealth, c’est l’autre côté de mon identité, ils ont pris toutes les ressources du pays, sans le construire. Il me fallait un moyen de m’exprimer, que ce soit utile pour dépasser cette colère. » Utiliser la comédie et la danse permet de capter l’attention du public et de le garder pour lui montrer des réalités qui ne sont pas toujours mises en avant-scène.

La colonisation, le racisme, le traitement des femmes, être une femme de couleur au Canada, les premières amours, les identités culturelles, rien de la vie adolescente n’est laissé de côté. Anita Majumdar interprète habilement trois jeunes femmes avec humour et malice, suscitant chez certains des souvenirs, ouvrant les yeux pour d’autres. « Quand j’ai commencé The Fish Eyes, je pensais le faire pendant trois à cinq ans. Onze ans plus tard, les gens sentent toujours qu’il y a des choses à dire, particulièrement dans des contextes comme Port Moody. » Cette trilogie, dansante et provocante, devrait encore avoir de beaux jours devant elle. Mais pour l’heure, Anita Majumdar pose ses valises à Vancouver pour partager ses histoires, nos histoires. « Venir à Vancouver représente une occasion spéciale, c’est l’endroit le plus proche de Port Moody d’où sont issues ces histoires, je suis impatiente et nerveuse ! »

The Fish Eyes Trilogy
Du 28 au 31 janvier
The Cultch, Vancouver

Festival PuSh
www.pushfestival.ca

www.anitamajumdar.com