Si les Français étaient moins nuls en anglais

Photo par Pascal Guillon

Photo par Pascal Guillon

Une publicité vue à la télévision en France : une voiture de marque française (qui ne se vend pas aux États-Unis) roule dans les rues d’une ville américaine. Au volant, un jeune blond genre surfeur de Waikiki, explique en anglais pourquoi c’est une voiture formidable. Le tout est sous-titré en français. J’en suis épous-
touflé. Ça veut dire que les publicitaires français ont compris que pour le consommateur, le produit aura plus de valeur s’il a la bénédiction du monde anglo-saxon, plus spécifiquement les États-Unis car ce n’est pas tellement la Grande-Bretagne et le reste du monde anglophone qui fascinent les Français.

Les experts de la publicité l’ont bien compris et c’est pour ça qu’une école qui vend des cours de langue affiche des pubs dans le métro parisien où l’on peut lire « Speak Wall Street English ». Les menus des restos McDo sont en français au Québec mais sont presque entièrement en anglais en France. Les Français sont habitués à faire leurs courses dans des magasins appelés Leader Price ou Carrefour Market. Ils voyagent avec des compagnies aériennes « low cost » où il serait ringard de chercher la billetterie plutôt que le « ticketing ». Pour eux c’est simple : si c’est moderne, c’est en anglais. L’anglais, c’est « cool », c’est le « top ».

A chaque fois que je retourne en France, j’essaie de comprendre d’où vient cette admiration béate pour le monde anglophone, surtout l’Amérique. Certes, l’Amérique, de par sa superpuissance et l’impact de son industrie culturelle, a réussi à influencer le monde entier. Mais les Néerlandais et les Scandinaves, qui parlent tous bien l’anglais, ne m’ont jamais paru avoir, face au monde anglophone, ce mélange d’envie et d’admiration qui caractérise l’attitude de beaucoup de Français.

Photo de Pascal Guillon

Photo de Pascal Guillon

L’anglais, est devenu, de fait, la langue unificatrice de l’Europe moderne. Quand un Danois parle à un Portugais, quand un Italien fait la cour à une Allemande et quand un Grec fait des affaires avec un Belge, tout se fait en anglais. Dans les gares et les aéroports, les annonces sont, le plus souvent, dans la langue du pays et en anglais. C’est bien pratique pour nous francophones de l’Ouest canadien qui sommes tous bilingues. Mais pour beaucoup de Français, cette nouvelle Europe est un monde où ils se sentent de plus en plus aliénés. Patrick et Mireille, un couple de retraités qui habitent à Saint-Raphaël (Côte d’Azur) avaient pensé voyager un peu. Mais, comme l’explique Patrick, « nous sommes les derniers idiots d’Europe à ne pas parler anglais, alors on n’ose pas ». Mireille ajoute « nous allons un peu en Italie et en Espagne, mais jamais très loin de la frontière pour être sûrs de trouver des gens qui parlent français ». Ils se contentent donc de la France, la Suisse, la Belgique et le Luxembourg. Ils pourraient, comme beaucoup d’Européens, se contenter d’un vocabulaire anglais d’une centaine de mots, histoire de se débrouiller dans les hôtels et les restaurants. Ils ont d’ailleurs pris des cours d’anglais à l’école, mais ils n’osent pas, par peur de paraître stupides, ou de ne pas être compris à cause de leur accent gaulois. Mais comme tous les Français qui ne parlent pas anglais, ce sont de fervents admirateurs des États-Unis qui passent leur temps à regarder des films et des séries américaines. C’est le grand paradoxe des Français. Moins ils parlent anglais, plus ils sont béats d’admiration pour le monde anglo-saxon et plus ils mettent des mots anglais bidon dans leur vocabulaire, jusqu’à parler des gens qui font du « bronzing » sur les plages. Pour les Canadiens francophones pour qui la défense de la langue est une bataille perpétuelle, cette manie qu’ont les Français de truffer leurs phrases de mots anglais est profondément agaçante. Mais peut être que cette manie ridicule cessera le jour où les Français parleront anglais aussi bien que les autres Européens.

Mais ce n’est pas demain la veille. Slate.fr révèle qu’une enquête effectuée auprès des élèves de même âge à travers l’Union européenne place les Français en dernière position pour ce qui est des connaissances de l’anglais. Seuls les Espagnols étaient aussi nuls. Encore que du point de vue de l’apprentissage des langues étrangères en général, les rois des nuls sont les Britanniques, mais ils s’en foutent, puisque les Européens apprennent tous l’anglais.

Une « belle » enseigne en anglais à Paris. | Photo de Pascal Guillon

Une « belle » enseigne en anglais à Paris. | Photo de Pascal Guillon