Pour un oui ou pour un non

Permettez moi, d’emblée, de vous faire part de mes réticences quant à la tenue du référendum, ou du plébiscite si vous préférez, sur la surtaxe provinciale destinée à améliorer le système de transport en commun à Vancouver et dans sa grande région.

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Le gouvernement provincial, à la demande des maires des villes touchées, compte sonder la population concernée, afin de déterminer si une surtaxe de 0,5 %, qui s’ajouterait à la taxe de vente provinciale, serait de bon aloi. Il suffira de répondre par oui, ou par non, comme le veut tout référendum respectable et digne de ce nom. Pour le moment les sondages nous font croire que ce sera plutôt « Peut-être ben que oui, peut-être ben que non », prouvant ainsi que de nombreux Normands ont bien accompagné Jacques Cartier lorsqu’il a mis les pieds sur cette terre promise, à laquelle il n’avait aucun droit comme peuvent l’attester les Premières Nations.

Donc, référendum il y aura. Sous peu, nous devrions recevoir les formulaires par la poste. J’attends donc, bien obligé, mais je ne suis pas content. Mon objection n’a rien à voir avec l’idée de prélever une taxe supplémentaire, bien qu’à priori, comme tout le monde, je n’aime pas ça. Mais, si c’est pour le bien de la nation, qu’on passe à l’action, comme disait Winston Churchill, sans être certain que cette phrase, fort patriotique, soit bien de lui. Non, mon opposition tient à l’idée même de ce référendum.

Pourquoi consulter la population alors que, en les élisant, nous avons accordé à nos responsables municipaux la charge de s’occuper de nos intérêts et du bien-être de nos villes? C’est une question qui devrait se régler entre le gouvernement provincial et les maires de Métro Vancouver. Ni plus, ni moins. Si les représentants des différentes municipalités estiment essentielle l’expansion des services de transport en commun, qu’ils prennent leurs responsabilités et qu’ils assument leurs opinions. Qu’ils en négocient les modalités avec Victoria. Depuis quand cherche-t-on à connaître l’opinion de l’électorat sur des questions dont la réponse est d’une limpidité aveuglante? Et ce n’est pas un référendum sur la gestion de Translink, comme certains partisans du non le suggèrent. Non, la question est de savoir si, avec la constante augmentation de la population de Métro Vancouver, le système de transport en commun actuel est adéquat et prêt pour l’avenir.

De toute évidence, il ne l’est pas. D’où la nécessité, pour les gouvernements concernés, d’intervenir afin qu’il le soit. Si j’en crois les faits qui me sont rapportés, à savoir que si nous n’agissons pas maintenant, nous risquons de connaître bientôt d’énormes embouteillages et de sérieux problèmes de circulation, ainsi que de mettre en péril plusieurs infrastructures. Si la machine n’est pas à la hauteur, ou risque de ne pas l’être sous peu, qu’on prenne les mesures qui s’imposent. La ville nous demande-t-elle notre avis avant d’augmenter nos taxes foncières? Pas que je sache. Et pourtant nos échevins ne se gênent pas pour le faire de façon régulière et systématique. Veut-on nous faire croire que l’enjeu est aussi important que l’a été, par exemple, la tenue des référendums sur l’avenir du Québec en 1980 et 1995 ? Est-ce que nos élus souffriraient de plébiscite aiguë ? Il paraît que ça s’attrape facilement dans les pays dits démocratiques. Ce serait une maladie incurable, selon la curie, à moins de faire appel à un exorciste. Le Vatican, jusqu’à présent, refuse de s’intéresser à la question et, à ma connaissance, n’a pas l’intention d’envoyer d’émissaires. Qui peut l’en blâmer ?

Mais, puisque référendum il y aura, je me soumets, non sans protester, à ce triste jeu orga-
nisé par nos élus locaux. Cela ne veut pas dire pour autant que je suis prêt à leur donner carte blanche. Loin de là. Alors que le gouvernement provincial et les maires de Métro Vancouver ont une question sous forme de référendum à nous poser, moi, par contre, j’en ai quelques unes qui attendent leurs réponses. Par exemple, j’aimerais qu’on me démontre, chiffres et rapports à l’appui, quelle serait l’ampleur du problème si rien n’est fait. J’aimerais aussi savoir de quelle façon cette surtaxe sera distribuée et, surtout, comment et qui va la gérer ? De plus, comment va-t-on me garantir la transparence nécessaire des différents niveaux de gouvernement et de leurs gestionnaires ? Et finalement, quand va-t-on cesser de nous prendre, nous les enfants du bon Dieu, pour des canards sauvages ?

Malgré tout ça, je n’oublie pas qu’un référendum représente un exercice démocratique à ne pas négliger. Mais il ne faut pas, cela va de soi, en abuser. Nos élus n’ont pas à nous consulter à chaque fois qu’ils doivent prendre une décision. Si c’est le cas on pourrait commencer par tenir un référendum pour savoir si oui ou non nous devrions tenir un référendum. Vous voyez où cela peut nous mener. Tout droit au royaume de l’absurdité. CQFD, ce qu’il me fallait démontrer, ce référendum est absurde. Ubu, de son trône, doit se régaler. Que la réponse soit oui ou non, il va rigoler. Tant mieux pour lui. Tant pis pour nous.