Une mère « nourricière » pour les communautés nordiques

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La famille Milortok après la réception d’un colis de son parrain. | Photo de HONN

 

Face aux prix exorbitants de certaines denrées alimentaires et produits de base dans le nord du Canada, ce qui laisse des familles littéralement sur leur faim, la Britanno-Colombienne Jennifer Gwilliam a décidé d’agir et de mobiliser via les réseaux sociaux, donnant jour à un véritable pont alimentaire nord-sud inversé. Les colis de vivres migrent désormais… du sud au nord !

Le mouvement a un nom, HONN, qui est l’abbréviation en anglais de Helping Our Northern Neighbours ou « Aider nos voisins du Nord ». C’est en fait l’intitulé d’un groupe Facebook lancé l’été dernier par Jennifer Gwilliam, une Américaine établie à Shawnigan Lake (sur l’île de Vancouver), qui compte plus de
13 000 membres et qui ne cesse de grandir.

Des crevettes congelées à 62,99 $.

Des crevettes congelées à 62,99 $. | Photo de HONN

C’est déjà sur Facebook, via la page Feeding My Family, que Gwilliam a découvert la réalité à laquelle sont confrontées bien des familles des communautés nordiques du Canada. Sur le journal de cette page, alimenté par les familles elles-mêmes, sont publiées de nombreuses photos de produits aux prix exorbitants, étiquettes et reçus de caisse à l’appui. On y parle, entre autres exemples frappants, de 28 $ pour des têtes de choux, de 55 $ pour des boîtes de lait maternisé ou de 200 $ pour une dinde ! En voyant cela, le sang de la Britanno-Colombienne n’a fait qu’un tour et elle a décidé de prendre l’initiative.

Pont alimentaire
Le groupe HONN, créé l’été dernier, met en relation les familles du nord qui en montrent le besoin et les familles du sud qui souhaitent mettre la main à la pâte. Jennifer Gwilliam propose deux formules à ces derniers : l’envoi ponctuel de colis de vivres et produits de base (programme Next Up) ou le parrainage d’une famille (programme de Sponsorship).

Pour aiguiller les volontaires, une liste d’une trentaine de produits prioritaires à envoyer est disponible sur la page Facebook. Seules contraintes : pour les envois ponctuels, les colis doivent être envoyés dans la semaine qui suit l’attribution d’une famille. Dans le cas d’un parrainage, les volontaires doivent s’engager à faire partir au moins quatre colis par an.

Dans les deux cas, le groupe, désormais organisé en « chapitres » répartis dans tout le pays, agit comme intermédiaire : il met en lien les familles et crée le « pont ».

Jusqu’ici, le réseau a ainsi permis plus de 500 « jumelages » nord-sud, et plus de 500 autres sont « en attente ». Les responsables de HONN cherchent notamment des personnes ou des familles intéressées à parrainer des familles nombreuses (10 à 14 enfants) dans le nord. Et, outre les jumelages entre familles, Jennifer Gwilliam cherche à lancer des jumelages entre classes.

Défi organisationnel

Mais, de l’avis même de Jennifer Gwilliam, HONN est un peu victime de son succès ! Les demandes et les offres de services se multiplient (jusqu’à 607 messages courriel par jour) et la logistique ne suit pas toujours derrière.

Sur la page Facebook du groupe, on peut ainsi lire de nombreux commentaires d’encouragement, mais aussi plusieurs messages d’internautes un peu dépités qui attendent une réponse à leur message ou à leur offre de parrainage. Jennifer Gwilliam s’en est excusée, expliquant avoir quelques ennuis de santé et faire de son mieux dans les circonstances.

Le gouvernement « à bon entendeur »

De son côté, le gouvernement de Stephen Harper a sans doute eu les oreilles qui sifflent en entendant parler de ce vaste élan de solidarité sud-nord et en ayant vent des nombreuses critiques à son endroit sur ce dossier. Le ministre des Affaires autochtones et du Développement du nord a annoncé fin janvier vouloir « des suggestions » pour changer son programme Nutrition Nord, pour lequel il dépense 60 millions de dollars par année (et qui a remplacé le Programme d’approvisionnement alimentaire par la poste en 2011).

L’idée du programme Nutrition Nord est de fournir aux détaillants une subvention leur permettant – en théorie ! – de baisser les prix en magasin. Problème : jusqu’ici, les détaillants n’étaient pas tenus de déclarer leur marge de profit (ce sera le cas dès le 1er avril), donc le gouvernement ignorait si la subvention avait une véritable influence sur les prix affichés.

Par ailleurs, les critères de sélection des communautés aidées sont discutables, comme le relève le rapport du vérificateur général : « Alors que le ministère devrait choisir les communautés en fonction des besoins de la population, il les sélectionne plutôt si elles sont accessibles par une route à l’année et si elles ont participé au programme précédent. »

En conclusion, on serait presque tenté de dire que sur cette criante question de la faim dans le Nord, Gwilliam et son groupe Facebook sont en train de faire mieux et plus vite que le ministère réputé « compétent »… Ce qui laisse quand-même songeur. Mais avec le phénomène HONN et l’exposition médiatique qui l’accompagne, espérons que les « suggestions » vont fuser !