Bénévolat : les dessous d’un business controversé

Des bénévoles en classe. \ Photo de DR

Des bénévoles en classe. \ Photo de DR

Le « volontourisme » ou tourisme humanitaire est un secteur en pleine expansion depuis quelques années, permettant à de jeunes adultes de faire du tourisme tout en venant en aide aux populations locales dans des pays en voie de développement. Si le principe de départ est louable, ce mode de voyage est de plus en plus décrié. Brad Quenville, réalisateur vancouvérois, a écrit, réalisé et coproduit le documentaire Volunteers Unleashed dans lequel il mène l’enquête sur ce secteur controversé.

Le tourisme humanitaire n’est pas nouveau, mais il a longtemps été géré par des ONG comme Cuso International ou Peace Corps, qui s’occupaient en priorité de répondre aux besoins des pays en voie de développement par l’envoi de volontaires formés et qualifiés, pour des missions de longue durée. Ce qui est récent est l’accent mis sur l’aspect tourisme : ainsi, des jeunes peuvent partir deux semaines, faire du volontariat la première semaine et du tourisme la deuxième.

La propre fille de Brad Quenville, Jennica, est partie trois mois en Tanzanie lorsqu’elle avait 19 ans. C’est en voyant la façon dont sa fille avait changé et grandi à travers cette expérience que Brad Quenville s’est intéressé au monde du volontourisme. « Je n’ai trouvé aucun documentaire sur le sujet » dit-il. Aussi a-t-il entrepris d’en réaliser un. Jennica s’est chargée de faire des recherches et de trouver des contacts, et en 2013 ils sont repartis ensemble, accompagnés du directeur de la photographie Kyle Sandilands.

Brad Quenville en plein tournage. | Photo de DR

Brad Quenville en plein tournage. | Photo de DR

Le documentaire s’ouvre sur la blogueuse Pippa Biddle dont l’article intitulé The problem with little white girls (and boys) : why I stopped being a voluntourist [le problème avec les filles blanches (et les garçons) : pourquoi j’ai arrêté d’être une volontouriste »], daté du 18 février 2014, a été le point de départ de la controverse sur le volontourisme. La jeune femme y partage son expérience et sa vision du phénomène. Elle raconte notamment que lorsqu’elle était en Tanzanie, elle s’est aperçue que des ouvriers refaisaient la nuit le mur que les volontaires avaient construit le jour, car bien qu’animés des meilleures intentions, les volontaires n’avaient pas les compétences nécessaires pour accomplir cette tâche. Mais d’autres problèmes se posent, que Brad Quenville met en lumière dans le documentaire.

Différents problèmes éthiques

Le premier problème que soulève le film est l’exploitation du phénomène par des sociétés commerciales qui s’occupent de mettre en relation offre et demande, mais qui s’attachent plus à satisfaire les souhaits des volontaires (proximité des lieux touristiques, boîtes de nuit, safaris) que les besoins des populations locales, tout en prélevant de généreuses commissions au passage.

Le second problème concerne la mise en place d’un cercle vicieux : selon le documentaire, au Cambodge, afin de répondre à l’intérêt des volontaires pour ce pays, des orphelinats sont montés de toutes pièces dans des conditions précaires. La journaliste Juliana Ruhfus, lors d’une enquête en caméra cachée reprise dans le film, a également démontré que des volontaires pouvaient très facilement emmener des enfants hors de l’orphelinat sans supervision.

Enfin se pose un troisième problème : le manque de qualification des volontaires. Brad Quenville nous emmène dans la clinique d’Arusha en Tanzanie qui emploie des bénévoles dont certains n’ont aucune expérience du milieu médical. Ils pratiquent pourtant des actes médicaux sans supervision après une formation sommaire. Si certains mettent en avant que toute aide est mieux que pas d’aide du tout, et que l’administratrice de la clinique admet que sans les volontaires, ils ne pourraient pas faire face à l’afflux de patients, d’autres s’interrogent sur la moralité de ce système et ne sont pas très à l’aise avec les conditions de leur volontariat.

Pour autant, Brad Quenville ne pense pas que le volontourisme soit le problème « à condition de s’engager avec la bonne attitude, la volonté d’apprendre et non pas de changer le monde » dit-il, et d’être vigilant au sujet des intermédiaires et des conditions d’accueil, en utilisant le bouche-à-oreille et en contactant d’anciens volontaires, « le tourisme humanitaire peut être une façon très intéressante de voyager, d’acquérir une expérience, de se réaliser et de tisser des liens forts avec des gens d’une culture différente ».

Le documentaire de 45 min. sera diffusé le jeudi 19 mars 2015 à 21h sur CBC dans Doc Zone.