Les médias russophones en quête d’équilibre

Après s’être intéressée aux journaux dédiés aux populations portugaise, chinoise ou encore juive, La Source continue sa série sur les journaux communautaires en allant cette semaine à la rencontre des médias russes de Vancouver, les magazines Vancouver & Us et Vancouver Express.

Vancouver & Us, c’est le travail d’une femme. Irina Donskaia, journaliste de formation née à Irkoutsk, dans la Sibérie russe. Arrivée à Vancouver en octobre 1995, elle ne perd pas de temps et monte son journal en février 1996. « Le journalisme, c’est ce que j’ai toujours fait, explique-t-elle. En arrivant, je ne souhaitais pas être correspondante au Canada pour des médias russes, je voulais monter mon propre journal, et que cela soit pour moi un emploi à temps plein ».

La journaliste se concentre donc sur son projet, avec pour but d’informer la communauté russophone de Vancouver. « Nos lecteurs peuvent nous trouver dans les églises orthodoxes, magasins d’alimentation, librairies, à Vancouver et sa région, et même jusqu’à Bellingham, aux Etats-Unis, où il y a une petite communauté russe, explique l’éditrice. Mais qu’ils soient Russes, Ukrainiens, Kazakh…peu importe leur origine ou leur âge, du moment qu’ils sont intéressés par la vie vancouvéroise, et qu’ils lisent le cyrillique bien sûr ! ».

Pages de Vancouver Express.

Pages de Vancouver Express.

Une ligne éditoriale similaire à celle de Vancouver Express, créé en 2004. Si autrefois des articles écrits en ukrainien, ouzbek et bélarusse étaient publiés dans ses pages, le magazine n’écrit maintenant qu’en russe, avec des contenus variés, répondant aux demandes des différents types de lecteurs : « Il s’agit tout de même davantage de personnes de plus de 30 ans, à la recherche d’occasions de carrière par exemple. Pour le lectorat plus âgé, c’est principalement la lecture de l’actualité vancouvéroise en russe et des infos pratiques qui les intéressent », explique Olga Toporkova, rédactrice en chef de Vancouver Express.

Un contenu similaire pour ces deux magazines donc. Toporkova explique que leur principale différence s’attache à la périodicité – Vancouver Express publie 3 000 copies chaque semaine, Vancouver & Us est quant à lui publié bimensuellement à hauteur de 3 500 exemplaires. Les deux magazines sont à destination de tous les peuples de l’ex-URSS, et interrogés sur leur positionnement par rapport à la situation actuelle en Russie et en Ukraine, et le regard porté par les Occidentaux, leur réponse est similaire. Irina Donskaia répond ne pas toucher à ce sujet : « Mes lecteurs ou clients sont originaires de différents pays de l’ancienne Union soviétique, je ne souhaite donc pas heurter les sentiments de qui que ce soit. Il ne s’agit tout simplement pas de la ligne éditoriale de Vancouver & Us ; nous vivons maintenant au Canada ». Même son de cloche au Vancouver Express, sa rédactrice en chef préfère « rester à l’écart de la scène politique mondiale afin d’éviter tout conflit entre les communautés russophones de Vancouver ».

Quelques unes de Vancouver & Us. | Photo par Irina Donskaia

Quelques unes de Vancouver & Us. | Photo par Irina Donskaia

Peu de moyens financiers, et donc peu de journalistes

Irina Donskaia est la seule de son équipe pour qui Vancouver & Us représente un emploi à temps plein. Elle se charge de toute la partie graphique et photographie du magazine, ainsi que de l’actualité de Vancouver, la Colombie-Britannique, et plus globalement du Canada. « Ce sont donc des rédacteurs ponctuels qui se chargent des sujets plus spécifiques liés à la finance, la santé, l’immobilier ou encore l’immigration », explique-t-elle. Comme pour beaucoup de journaux communautaires, ce ne sont pas toujours (souvent) des journalistes. La plupart souhaite s’essayer à l’art journalistique tout en gardant un lien avec la communauté russe. « Bien sûr, j’aimerais embaucher de vrais journalistes dans le futur, mais de bons journalistes doivent être rémunérés. Avant la dégringolade de l’économie je pouvais indemniser mes collaborateurs, c’est aujourd’hui un luxe que je ne peux plus me permettre », déplore la journaliste. Une situation plus ou moins similaire à Vancouver Express, dont le nombre de rédacteurs contractuels varie. Olga Toporkova explique : « Nous avons en permanence un rédacteur en chef, un graphiste, un photographe. Nous ne pouvons pas créer d’emploi à temps plein pour les rédacteurs. La plupart d’entre eux sont des journalistes professionnels, ils écrivent pour le plaisir, ou arrondir les fins de mois ».

Nécessité de faire évoluer le magazine

Depuis sa création il y a plus de 10 ans, Vancouver Express n’a cessé d’augmenter son format pour atteindre 48 pages aujourd’hui. Le site internet a bien entendu évolué lui aussi, et une nouvelle équipe est d’ailleurs au gouvernail depuis peu, même si le magazine craint que le développement des médias sociaux ne les prive d’une partie de leurs revenus.

Son concurrent a lui aussi grandi. En dépit des difficultés financières – du fait de la crise, il est plus dur de remplir les encarts publicitaires – Irina Donskaia est elle aussi passée de 12 à 48 pages, vingt ans après la création de Vancouver & Us. C’est son fils qui depuis Montréal, gère le site internet du magazine. Elle reste optimiste et confie : « Pour le moment, il y a beaucoup de choses que je ne peux pas me permettre en termes de reportage. Mais j’espère que quand l’économie reprendra, il sera plus facile de travailler. Embaucher une ou deux personnes au graphisme et à la rédaction, et faire grandir le journal ».

www.vancouverexpress.ca
www.vancouverandus.com