Dis-moi ce que tu écoutes et je te dirais (peut-être) qui tu es

Le sociologue Gerry Veenstra.

Le sociologue Gerry Veenstra.

Nos goûts musicaux seraient-ils influencés par notre milieu social ? C’est la question que s’est posée Gerry Veenstra, professeur au département Sociologie de l’Université de Colombie-Britannique (UBC). Les résultats de sa recherche publiés dans la Canadian Review of Sociology établissent un lien pas si évident entre goûts musicaux et origine sociale et ethnique. Explications.

Country, disco, vieux tubes du passé, rap et heavy metal… voilà ce que les personnes à revenus modestes et ayant moins d’années d’études au compteur ont tendance à préférer en matière de musique. En parallèle, les plus riches ayant poursuivi des études poussées aiment davantage la musique classique, le jazz, l’opéra, la chorale, la musique pop, le reggae, le rock ou encore la musique du monde.

Un constat qui peut paraître simpliste mais qui se révèle bien plus complexe, à en croire les conclusions de l’étude de Gerry Veenstra. « On a tendance à opposer niveau d’éducation et richesse pour définir les goûts culturels et musicaux. Mais en réalité, ces deux aspects peuvent se juxtaposer, énonce-t-il. Je n’ai trouvé aucun élément prouvant que les personnes ayant fait plus d’études et ayant plus d’argent ont des goûts musicaux plus variés et développés que les autres. » Plutôt que d’opposer les couches sociales, Gerry Veenstra a découvert que les classes les plus élevées aimaient des genres musicaux spécifiques et que les classes moins élevées en appréciaient d’autres.

Désacraliser la lutte des classes

Des conclusions qui veulent, en quelque sorte, démystifier la lutte des classes. « On ne peut pas définir les élites ou les pauvres avec un profil culturel particulier », précise le chercheur. « L’âge, le sexe, ou encore l’origine ethnique » sont des facteurs essentiels qui entrent en ligne de compte, ajoute-t-il.

En outre, ce que les gens « ne veulent pas écouter » joue un rôle très important dans la création de ponts culturels avec autrui. C’est surtout là que l’on retrouve un clash entre les classes : « ce que les milieux sociaux élevés n’aiment pas, est généralement apprécié des milieux modestes, et inversement », affirme Gerry Veenstra.

De quoi donner des maux de tête à plus d’un, y compris l’auteur de la recherche. « Je ne sais pas en quoi ces résultats pourraient être utilisés seuls ; ils peuvent, en revanche, servir dans d’autres recherches sur les inégalités sociales qui regrouperaient différent aspects de la vie des individus ou qui se pencheraient sur la question de la classe sociale », conclut-il.

À propos de la méthodologie du sondage

J’ai fait appel au Support Survey Centre de l’Université de Victoria. Il s’agissait d’une enquête par téléphone d’une durée de 20 minutes, avec des numéros composés aléatoirement. Au total, nous avons interviewé un échantillon de 1600 personnes à Vancouver et Toronto sur 21 genres musicaux différents.

Gerry Veenstra