L’orage

À la fin du mois d’août, mois qui jusqu’alors, par son beau temps, nous avait pas mal gâté, Mère Nature nous a servi un orage pas piqué des vers et dont, par sa rage, nous allons nous souvenir longtemps encore : arbres déracinés, électricité coupée, pompiers éreintés, électriciens surchargés, voitures écrabouillées et… Jean passe. En moins de vingt-quatre heures, nous avons payé cher les belles journées d’été.

La campagne électorale s’avérant morne, ne soulevant que très peu d’enthousiasme et d’intérêt, après un départ plutôt prometteur, il va sans dire qu’un orage de l’ampleur de celui qui s’est abattu sur la région vancouvéroise n’a pas, malgré la pluie, trop déplu. Enfin un évènement pour nous distraire et nous tenir occupés. L’orage devenant l’objet majeur de préoccupation et le sujet de toutes les conversations. D’une manière ou d’une autre, soit personnellement soit par amis ou parenté interposés, tout un chacun a été affecté par cet orage peu ordinaire. Mes voisins ont dû remettre à plus tard leur voyage à Tofino. Le portail en fer du garage de leur immeuble, faute d’électricité, est resté bloqué. Pas de voiture, pas d’aventure.

Un poteau de BC Hydro endommagé pendant l’orage. | Photo par Reva G

Un poteau de BC Hydro endommagé pendant l’orage. | Photo par Reva G

J’ai, pour ma part, dû annuler une soirée à laquelle j’avais invité chez moi quelques amis. Sans courant ça ne passe pas. Faute de jus, je ne peux mijoter de bons jus pour accompagner mes viandes et légumes non cuits. Les courts-circuits causés par la rupture de câbles électriques sur des lignes de haute tension ont, au fur et à mesure, fait monter la tension. Après des heures sans jus, l’inquiétude grimpe. L’anxiété ronge la patience dont on aimerait tant faire preuve. L’épreuve s’annonce difficile. De quoi vous rendre malade et éprouver le besoin de chercher des boucs émissaires. Les politiciens font l’affaire. Somme toute, on ne leur a pas demandé de choisir ce métier. C’est à leurs risques et périls. Autant s’en prendre à eux plutôt qu’aux dieux des cieux. Ces derniers n’aimant pas être insultés à la légère. Ils ont leur fierté après tout. Ce qui n’est pas l’apanage de nos représentants politiques qui se sont montrés incapables de neutraliser cet orage. Eux qui nous promettent monts et merveilles et prétendent faire la pluie et le beau temps, à quoi servent-ils lorsque l’on a vraiment besoin d’eux. Leur impuissance en la matière m’exaspère. J’enrage. Je sens venir l’orage.

J’encourage donc toute personne ayant subi les affres de ce violent orage à voter, lors du prochain suffrage, pour le parti le plus sage, le mieux susceptible d’endiguer les futurs gros orages. Le leader qui saura le mieux faire face aux intempéries aura mon appui et donc un vote en sa faveur, ce qui n’est pas à négliger. Si tout le monde veut bien suivre mon exemple ce sera le déluge en faveur du
Jupiter de la politique canadienne. Noé pourra alors ranger son arche. Nous n’en aurons plus besoin. Zeus viendra à notre rescousse. Autre petit conseil que je me permets de prodiguer à qui voudra bien m’entendre : pour gagner cette élection, le candidat au poste de premier ministre devra, bien que ce soit à la mode, cesser de parler de récession. Qu’ils ou elle promettent un parapluie pour tous et l’affaire est dans le sac. Un petit coin de paradis (fiscal) pour un coin de parapluie, on n’y perd pas au change, pardi, chantait Brassens. Il n’avait pas tort.

Ayant conscience du peu de crédibilité et du manque d’objectivité que je possède en matière politique, je désire laisser de côté, si vous me le permettez (et je suis sûr que vous n’y voyez pas d’inconvénient), cette campagne électorale devenue, avant que l’orage nous tombe sur la tête, aussi sèche et aride que notre saison estivale. Non, je préfère laisser ce soin à mon nouveau collègue, chargé de couvrir la campagne électorale canadienne, à qui je souhaite bien du plaisir et surtout bonne chance. À l’allure à laquelle se déroule la campagne électorale, il va avoir besoin d’une bonne dose de caféine pour se tenir quotidiennement éveillé.

Ne voulant pas marcher ainsi sur ses plates-bandes, je retourne à mes oignons, qui de nouveau respirent. La pluie a donc fait son retour et mon gazon est ravi. Petit à petit il reprend des couleurs. Il en est de même avec mes topinambours qui gaiement célèbrent leur résurrection. Des champignons tout mignons lèvent la tête et les limaces se montrent la face. Le retour à la normale. Au cinéma d’à côté on rejoue « Autant en emporte le vent ». Je n’irai pas le voir.