Une soirée en compagnie du producteur, journaliste et romancier Lawrence Hill

Rituel annuel désormais consigné dans l’agenda culturel de la ville, le festival Hapa-Palooza ouvre de nouveau ses portes en septembre, pour célébrer le mélange des races, le métissage et le brassage des cultures. Rendez-vous du 16 au 20 septembre, à la Bibliothèque publique de Vancouver.

Vous y trouverez de nombreux artistes venus de divers horizons. Parmi eux, Lawrence Hill, producteur, journaliste et romancier que l’encyclopédie canadienne considère comme un des écrivains les plus appréciés au Canada. Très connu du grand public anglophone, il passe presque inaperçu chez les francophones du Canada.

Pourtant, les livres de Lawrence Hill sont de plus en plus traduits dans la langue de Molière. Citons De grandes choses, Un grand destin et surtout le best-seller qui lui a valu plusieurs récompenses littéraires, Aminata, plus connu sous le titre The Book of Negroes, désormais adapté à la télévision.

Aminata, c’est l’histoire saisissante d’une fillette née au Mali au 18e siècle. Elle va, contre son gré, traverser l’océan Atlantique dans un bateau négrier ; son voyage aux enfers va la conduire dans les tréfonds obscurs de l’esclavage, en Caroline du Sud. Éprise de liberté, la guerre d’indépendance américaine lui offre une perche qu’elle va saisir en s’enfuyant avec d’autres loyalistes à New York, puis à Halifax, au Canada, en 1783.

Qui est cet écrivain ?

L’espoir se transforme très vite en désillusion. Les Britanniques, que le Canada a soutenus pendant la guerre, ne respectent pas leurs engagements. Où sont les aides et les terres promises ?
Forte de sa liberté, mais en quête de dignité, avec des milliers de loyalistes noirs, elle décide de traverser à nouveau l’océan Atlantique, dans l’autre sens, pour créer la colonie de Freetown en Sierra-Léone.

« Laurence Hill donne parfois l’impression de marcher aisément sur le fil du rasoir. Les pieds nus, évidemment, confie à chaud un lecteur sur le site Amazon.fr. Qui est cet écrivain ? Est-il un francophone, un Noir ou un anglophone ? »

Lawrence Hill, qui s’exprime dans un français châtié, est né à Toronto en 1957 de parents immigrants, originaires des États-Unis. Son père, Daniel Grafton Hill, est noir, sa mère Donna, est blanche. La famille s’installe à Don Mills, dans la banlieue nord de Toronto. Daniel Grafton, vétéran de la Deuxième Guerre mondiale, deviendra plus tard le premier directeur de la Commission ontarienne des droits de la personne. Daniel et Donna vont créer l’Ontario Black History Society. « Mes parents ont été mes premiers mentors », explique le romancier dans un média du Huron University College.

Bachelier en économie de l’Université Laval à Québec, le futur journaliste du Globe and Mail est en outre titulaire d’une maîtrise en rédaction de l’université américaine Johns Hopkins. En 1979, pendant ses études d’économie à l’Université Laval, il s’engage dans un projet humanitaire au Niger. « J’ai été accueilli comme un frère de retour [après un long voyage] ». Malheureusement, le jeune Ontarien contracte une grave gastro-entérite. « J’ai dû subir des transfusions sanguines sur mon lit de mort. Cela a changé ma vie »,
dit-il, au cours d’une entrevue à la chaîne TVO.

Olivier Le Jeune, le premier esclave canadien

Lawrence, cet enfant issu du métissage, vit dans sa chair une tension identitaire. « Le sang que j’ai reçu, est-ce celui d’un Africain ? Si oui, suis-je plus Africain pour autant ? Est-ce du sang d’un Européen ? Si c’est le cas, suis-je plus Blanc ? ». Cette crise de conscience s’achève par un constat. « Si j’ai survécu, c’est parce que les jeunes Québécois avec qui j’étais ont pris soin de moi et m’ont conduit à l’hôpital ».

Laurence Hill : « Mon père me racontait des histoires... Ma mère nous faisait la lecture tous les soirs. »

Laurence Hill : « Mon père me racontait des histoires… Ma mère nous faisait la lecture tous les soirs. »

Lawrence se lève de son lit d’hôpital avec une plus grande estime de soi et la conviction que l’identité n’a rien à voir avec le sang et l’héritage génétique. L’identité est le produit de notre filiation culturelle. « Elle dépend des gens avec qui je vis et de la perception que j’ai de moi-même. » Le journaliste va ainsi entamer un travail documentaire colossal en creusant dans ses origines culturelles et historiques au Canada. Il découvre des pépites.

« L’esclavage a existé au Canada jusqu’en 1834. Le premier esclave [documenté] canadien apparaît dans la ville de Québec en 1628. Il s’appelait Olivier Le Jeune, il avait huit ans quand il est arrivé à Québec ». Il insiste sur le fait que les Canadiens ignorent ces pages de leur histoire. « Alors, moi je suis là en tant que romancier afin de dramatiser les aspects de notre passé qui me passionnent et qui sont généralement inconnus ».

L’auteur d’Aminata reste par ailleurs viscéralement attaché à cette terre d’Afrique, sur laquelle il a trouvé ses réponses existentielles. Il a séjourné au Mali et au Cameroun.

« Ces voyages m’ont ouvert le monde de l’écriture. Tous mes livres ont un lien quelconque avec l’Afrique ».

Les organisateurs du festival Hapa-Palooza invitent les Vancouvérois à passer la soirée du 17 septembre en compagnie de Lawrence Hill, pour continuer à explorer les pans inconnus du passé et du présent, au Canada et ailleurs dans le monde.