Contribution: Les réfugiés syriens et le Canada : Un mal pour un bien dans la campagne électorale mais pour combien de temps

Réfugiés syriens dans un camp à la frontière Serbo-hongroise.

Réfugiés syriens dans un camp à la frontière Serbo-hongroise. | Photo de Freedom House

Il y avait longtemps qu’on avait vu une photo avoir un impact aussi marqué sur une campagne électorale. La photo du petit migrant syrien de 3 ans, Alan Kurdi, mort par noyade a obligé les leaders des partis à une pause non prévue. Nous avons alors assisté à un débat collectif sur le Canada et ses valeurs. Finalement un vrai débat qui a donné à la campagne électorale une importance imprévue. Mais ce débat de société va-t-il durer ?

La discussion porte non seulement sur le Canada et ses actions vis-à-vis du problème des réfugiés syriens mais aussi sur notre histoire face aux crises semblables concernant les réfugiés (juifs, sikhs, hongrois, italiens, vietnamiens, chiliens, ougandais, bosniens). Les dix années du gouvernement Harper ont-ils changé le Canada ? Mais au grand chagrin des Conservateurs nous ne parlons plus seulement d’argent.

Malgré la réponse positive des Canadiens à l’accueil de plus de réfugiés syriens, M. Harper garde le statu quo ; on ne peut pas faire plus sinon, comme il le dit : « ils seront des millions à venir. » Pour lui, l’important est de détruire ISIS. Comme si l’engagement militaire excluait l’aide aux réfugiés syriens. Quelques jours plus tard, un petit coup de barre, la peur de voir des terroristes parmi ces réfugiés fait maintenant partie des excuses données pour ne pas accepter plus de réfugiés.

Finalement, face à la forte réaction humanitaire des Canadiens, M. Harper doit ajuster son tir et promettre plus de ressources pour ces réfugiés. Rien de très concret et de très différent de sa position initiale. De plus on n’a pas vu le ministre de l’Immigration depuis ses réponses ineptes aux questions d’une journaliste de la CBC sur le sujet des réfugiés syriens. Et où sont les ministres des Affaires étrangères et de des Finances ?
Les a-t-on rayés du scénario ? Mauvais acteurs probablement.

Et, finalement, M. Harper est sauvé des eaux. Le Ministère des Finances annonce un budget avec un surplus de 1.9 milliards pour l’année fiscale 2014–2015. Voilà une bonne nouvelle qui éclipse la noyade du petit Kurdi et des réfugiés syriens. De toute façon, de nos jours le temps efface vite les plus grandes tragédies.

Voilà enfin une occasion de changer le message conservateur centré sur le leadership de M. Harper. Le parti conservateur se doit de sortir des sables mouvants de la crise des réfugiés syriens mal gérée par M. Harper. Aussi depuis l’annonce du surplus, on ne voit plus le mot « leadership » derrière Harper. C’est maintenant « Protégeons notre économie ». Un signe que l’image de M. Harper en a pris un coup.

Vous me direz qu’on est déjà bien loin de la crise des réfugiés et de la question « Qui sommes-nous comme Canadiens ? ». Par contre cette question pourrait bien devenir la question fondamentale de cette campagne, du moins pour ceux qui iront voter.

Suis-je trop idéaliste face à l’expression « l’économie, stupide, c’est ça qui compte ? ». Va-t-on continuer sur la pente initiée par la disparition du Parti progressiste conservateur et la création du Parti conservateur en décembre 2003 ? La disparition du mot « progressiste » en disait déjà long sur leur vision du Canada. Cette vision inclut la diminution des ressources accordées aux programmes sociaux de toutes sortes et leur manque d’aide aux plus démunis, ce qui explique entre autres le surplus budgétaire.

Je continue de croire qu’une grande majorité de Canadiens sont progressistes dans le sens d’une vision de progrès social et économique pour tous. Par contre le système électoral canadien est ainsi fait que même avec un pourcentage de 30-32% des voix le parti conservateur pourrait se retrouver avec plus de sièges et être le parti au pouvoir le lendemain des élections.

Un mal (La crise des réfugiés) pour un bien (Qui sommes-nous comme Canadiens ? ) ne sera peut-être que de courte durée. Subjugués par le message de « Protecteur » de M. Harper et de son parti conservateur, les Canadiens auront-ils le courage de continuer de se poser la question: « Qui sommes-nous comme Canadiens » ou plutôt se demanderont-ils tout simplement : « Qu’est-ce que ça me donne à moi ? ».


Pierre Grenier

Enseignant pendant 20 ans en Sciences humaines à l’école Vancouver Technical Secondary. Diplômé en Sciences politiques de l’Université Laval à Québec.
A Vancouver depuis 1980.