Le VIFF : grand écran francophile

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Si le Festival international du film de Toronto (TIFF) a tendance à « voler » les vedettes sur le tapis, son petit frère vancouvérois (VIFF) n’a pas à rougir de la comparaison, y compris dans la langue de Molière. La sélection de films et documentaires en français présentés du 24 septembre au 9 octobre est riche et bien dosée, mettant de l’avant autant de talents en herbe que de vétérans et des productions en provenance du monde entier, même si la France jouit d’une carte privilège avec sa propre série.

Pour PoChu AuYeung, directrice de la programmation, interrogée sur la provenance géographique des films choisis et sur le pourcentage de productions françaises en comparaison avec leurs pendants québécois, suisses, belges ou africains, il ne faut pas chercher de savants calculs. « On pense d’abord au public, on y va aux coups de coeur », confie la programmatrice, elle-même francophile, qui sélectionne la plupart des films présentés. Qu’ils soient en provenance de l’Hexagone, de la Belle Province ou d’autres contrées, ce sont donc avant tout « de bons films », sourire à la ligne.

Pleins feux tricolores

Dans la série Spotlight on France, qui braque les projecteurs sur la riche production annuelle hexagonale, 12 films sont au programme. Le VIFF s’offre ainsi une première nord-américaine, avec la projection, en ouverture le 27 septembre, de La Tête haute (Standing Tall en anglais). Premier film dirigé par une femme – Emmanuelle Bercot – à avoir ouvert le Festival de Cannes, ce drame relate une décennie dans la vie du jeune Malony, délinquant abandonné par sa mère aux autorités dites « compétentes » dès l’âge de six ans. Inteprété par Rod Paradot, ce « petit monstre » se retrouve souvent dans le bureau de la juge Florence Blaque – magistrale Catherine Deneuve en magistrate ! – qui tente de lui montrer une voie pour sortir du cercle de la récidive. Le film est un hommage réaliste au métier de juge pour enfants et « un éclairage unique sur le système social et judiciaire français », selon PoChu AuYeung.

Toujours dans la veine cannoise, après avoir ouvert la 47e Quinzaine des réalisateurs plus tôt cette année, L’Ombre des femmes (In the Shadow of Women en anglais), coproduction franco-suisse mise en scène par Philippe Garrel, prendra l’affiche le 4 octobre. Dans cette « banale » histoire d’infidélité au sein d’un couple d’abord fusionnel, personne n’est vraiment tout blanc ou tout noir, même si le film, lui, est entièrement en noir et blanc. C’est cette exploration des zones grisées de l’homme, et la façon dont le mari infidèle se justifie lui-même (donnée à entendre par la voix off de Louis Garrel, célèbre fils de Philippe), qui saisit. Sur la forme, le VIFF pourrait être tenté de dérouler le tapis rouge, puisque Clotilde Courau, Manon à l’écran et « princesse de Venise et de Piémont » (par son mariage avec Emmanuel-Philibert de Savoie) à la ville, fera le déplacement. Mais outre les attraits de la couronne, le public devrait surtout se déplacer pour aller voir ce que le critique Pascal Merigeau décrit dans L’Obs comme un pur bijou : « Diamant noir et diamant blanc, comme les images somptueuses taillées dans la lumière et dans l’ombre par Renato Berta. Un diamant qui éclaire les relations entre les êtres telles que tous les humains les vivent. »

Mon amie Victoria (My Friend Victoria), autre film français sélectionné, sera défendu les 1er et 3 octobre en présence de son réalisateur, Jean-Paul Civeyrac. Inspiré d’une nouvelle de Doris Lessing intitulée Victoria and the Staveneys, qui suit la vie d’une jeune femme noire accueillie dans une famille bourgeoise et bohème de Paris, mais tourné par un Français à la peau blanche, c’est une autocritique à peine voilée du parisianisme dans le septième art. Mais surtout « un drame qui aborde les questions de classe et de race en toute subtilité, et qui fait éclater au grand jour le talent de Guslagie Malanda, jeune actrice prometteuse », souligne PoChu AuYeung.

Dheepan de Jacques Audiard.

Dheepan de Jacques Audiard.

Enfin, on ne manquera pas la dernière Palme d’or, en présentation spéciale les 29 septembre et 2 octobre : Dheepan, du grand Jacques Audiard. Brûlant d’actualité, le film suit au plus près trois Sri Lankais ayant fui la guerre et tentant de faire famille dans la banlieue de Paris, qui se heurtent à de nouveaux murs de violence.

Sans étiquettes

Côté québécois, on se mettra dans le bain électoral avec Guibord, s’en va-t-en-guerre (My Internship in Canada), une comédie politique signée Philippe Falardeau, à qui l’on doit Monsieur Lhazar, qui sera présentée les 25 et 27 septembre. Les rires devraient fuser de bon coeur, quelles que soient les étiquettes. Et, histoire de finir en bonté, on tombera dans les bras des Êtres chers (Our Loved Ones), dernière réalisation de la « chouchoute » Anne Émond, qui remue les silences et les secrets de famille avec une certaine légèreté. À voir les 7 et 9 octobre.

Pour rebondir sur Anne Émond, quelque chose qui frappe dans ce crû 2015 concocté par PoChu AuYeung et son équipe, outre l’équilibre entre cinéastes vétérans et jeunes « va-t-en guerre », c’est le nombre de femmes caméra au poing. « Il y a beaucoup de films réalisés par des femmes cette année, dont plusieurs françaises comme Alice Winocour et Emmanuelle Bercot ». Le début d’une nouvelle vague ?