« Chaque vote compte »

Photo par BBC Radio 4

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Les élections sont unes des conditions nécessaires d’une démocratie digne de son nom. Pour le dire simplement, il ne peut y avoir démocratie sans élections libres et équitables.

Les élections sont le lien essentiel entre le peuple et le pouvoir politique : elles permettent aux citoyens et aux citoyennes de choisir le gouvernement et elles autorisent ce dernier à exercer le pouvoir. Dans une démocratie, l’exercice du pouvoir trouve son fondement dans la volonté citoyenne.

En termes concrets, le système électoral traduit les préférences des citoyens et des citoyennes en sièges dans des institutions représentatives. Le parti politique qui remporte le plus de sièges obtient le droit de former le gouvernement.

Dans leurs plates-formes politiques respectives, les libéraux et les néo-démocrates promettent de revoir le système électoral actuel. Le Parti libéral propose la création d’un comité parlementaire multipartite chargé d’étudier la question et d’émettre des recommandations. Un projet de loi sur la réforme électorale sera déposé à la Chambre des communes dans les dix-huit premiers mois de son mandat.

Le NPD fait preuve d’audace. Nul besoin d’étudier davantage la question, la plate-forme néo-démocrate met de l’avant un nouveau mode de scrutin : le scrutin proportionnel mixte. Des variantes de ce système électoral sont utilisées dans de nombreux pays à travers le monde, incluant l’Allemagne, le Mexique, la Russie et Taïwan.

Plus intéressant et significatif, le Parti libéral et le NPD emploient la même formule pour justifier la réforme électorale : « Nous ferons en sorte que chaque vote compte » déclarent les libéraux, tandis que les néo-démocrates veulent « veiller à ce que chaque vote compte ».

Bref, les deux partis visent à ce que « chaque vote compte ». Or, est-ce le cas que chaque vote ne compte pas dans le système électoral actuel ? C’est ce que semble suggérer la formule choisie.

La difficulté relève de notre système électoral : le scrutin majoritaire uninominal à un tour, ou sous son nom anglais le first-past-the-post. Ce mode de scrutin a le mérite d’être simple dans son fonctionnement. Le candidat qui obtient le plus grand nombre de votes dans une circonscription est élu et le parti qui remporte le plus de circonscriptions forme le gouvernement.

Le first-past-the-post a une longue histoire en contexte canadien. Il est en vigueur autant aux élections fédérales que provinciales depuis au moins la création de la Confédération canadienne. Ses forces son indéniables : il est facile à comprendre, il établit un lien de représentation clair entre l’électeur et l’élu et il produit, plus souvent que non, des gouvernements majoritaires.

Cela étant, le first-past-the-post comporte aussi de nombreuses faiblesses : un décalage récurrent entre les votes et les sièges obtenus, la domination de la vie politique par un seul parti pendant quatre ou cinq ans et la sous-représentation des plus petits partis politiques. Par exemple, lors des élections britanno-colombiennes en 2013, le Parti vert a obtenu 8,13% des votes exprimés et 1,18% des sièges à l’Assemblée législative.

Selon les libéraux et les néo-démocrates, le prix à payer est désormais trop élevé. Au nombre des faiblesses du mode de scrutin uninominal à un tour, les deux partis misent sur les votes qui
« ne comptent pas ». Le problème est le suivant : les votes exercés en appui à un candidat ou une candidate qui ne remporte pas son siège n’ont aucune incidence sur la composition éventuelle de la Chambre des communes. Le first-past-the-post ne tient pas compte des votes des électeurs ayant voté pour des candidats perdants.

Les libéraux et les néo-démocrates visent à relever ces défis en adoptant un système électoral qui transforme les votes obtenus en nombre adéquat de sièges.

Nombreux experts sont d’avis que ce phénomène des votes ignorés ou bafoués – qui « ne comptent pas » – contribue au déclin de la participation électorale et plus globalement au désengagement de la population, et en particulier des jeunes, à l’égard de la politique.

En résumé, tous les systèmes électoraux traduisent les préférences en sièges, mais ces systèmes ne sont pas créés égaux.

 

Rémi Léger est professeur de sciences politiques à SFU