La communauté arabo-musulmane face aux défis de l’intégration

 Un collage d’événements organisés au cours des années par le CCAFCB.

Photo par Yousef Barakat

Le mois de l’histoire de l’islam du Canada, qui vient tout juste de s’achever, a mis à l’honneur une communauté dynamique et grandissante encore méconnue. On l’assimile souvent, par commodité ou méconnaissance, à la population arabe. Or, cette dernière ne constitue que 35 000 musulmans sur les 100 000 qui résident dans la province. Dans sa quête d’intégration, elle rencontre des défis qui lui sont propres, mais aussi d’autres qui sont le lot de tous les nouveaux arrivants ou immigrants au Canada.

La population arabo-musulmane en Colombie-Britannique, essentiellement installée dans le Grand Vancouver (Surrey, Richmond, Burnaby et Vancouver), est constituée de ressortissants des pays du Moyen-Orient et du nord de l’Afrique. Comme l’indique Yousef Barakat, fondateur et président du Forum arabe canadien de la C.-B. (Canadian Arab Forum of BC) : « Les membres de la communauté arabo-musulmane de Colombie-Britannique viennent surtout de la Palestine, du Liban, de la Syrie,de l’Irak, de l’Égypte, mais aussi du Maroc, de la Tunisie, de l’Algérie et de la Libye. Il y a aussi près de 7 000 étudiants originaires de l’Arabie Saoudite. »

Puis il ajoute que cette population connaît depuis les dernières années une importante croissance du fait de l’arrivée de réfugiés syriens et irakiens. Un nouveau type d’immigration qui mobilise d’ailleurs activement la communauté arabo-musulmane locale désireuse de les aider à surmonter les défis économiques, psychologiques ou linguistiques qui se présentent à eux.

Bien qu’il s’agisse d’un choix volontaire de venir s’installer dans « un pays connu pour son multiculturalisme et sa diversité », comme aime à le souligner Yousef Barakat, les réfugiés ne sont pas toujours préparés à cette différence de vie majeure. C’est sans évoquer, comme l’explique Ershad Fawcett, fondatrice de la cellule de conseil Genesis Family Empowerment Society, la difficulté des services d’aide psychologique à leur offrir un soutien adapté. Selon elle, la méconnaissance des traumatismes auxquels les réfugiés ont été confrontés, couplée au manque de compréhension spirituelle et linguistique, n’aide pas la thérapie.

Les rites, la foi et le quotidien

Que l’immigration soit ancienne ou non, il existe tout un pan de la religion musulmane qui peut parfois poser des petits défis quotidiens. En effet, les rites constitutifs del’islam peuvent, dans une culture occidentale, demander quelques arrangements indispensables.

Qu’il s’agisse des cinq prières quotidiennes, de la possibilité de trouver de la nourriture halal, du jeûne du ramadan, de l’Aïd, de l’accès à une mosquée ou de l’importance d’être enterré dans un cimetière musulman, tout a dû être repensé, adapté, construit. Sans toutefois que cela pose un réel problème puisque la communauté évoque la nécessité d’une telle adaptation. Ce que Mehdi Boukhal, 31 ans, originaire du Maroc, vient aussi confirmer : « C’est sûr que de ne pas pouvoir suivre le rituel habituel peut être difficile, mais on s’adapte, et c’est tout à fait normal. »

Il ajoute même que vivre sa foi au sein d’une communauté importante, comme à Vancouver, Victoria ou encore Nanaimo, facilite les choses. Il est en revanche selon lui plus complexe pour les communautés plus isolées et éloignées de suivre facilement certains rites. Enfin, il évoque le plaisir de vivre dans un cadre multiculturel fermement tourné vers la tolérance : « Je n’ai jamais rencontré d’hostilité. Généralement on me pose des questions. Je n’ai jamais vraiment senti de préjugés, de jugement ou de comparaison, mais de la curiosité innocente. »

Des membres de la communauté arabo-musulmane. | Photo par Youcef Barakat

Des membres de la communauté arabo-musulmane. | Photo par Yousef Barakat

Être musulmane en terre occidentale

Être une femme peut entraîner son petit lot de tracas au quotidien. Mais être musulmane dans une culture occidentale où les rapports hommes-femmes sont difficiles à appréhender, voire à adopter, peut engendrer des difficultés d’intégration. Le port du voile, jugé comme un symbole de soumission par certains, la difficulté pour certaines musulmanes de se faire soigner par les hommes ou de leur serrer la main, peut susciter l’incompréhension de la société locale. Ce qui a pour effet de ralentir, de limiter ou d’empêcher l’intégration de ces femmes.

Une tendance que Farida Bano Ali, présidente du Conseil des femmes de BCMA – l’association des musulmans de la province – souhaite décidément renverser : « Porter le voile est mon symbole et ma fierté et je crois qu’on doit davantage gagner en confiance en tant que musulmanes. C’est en se positionnant avec fierté et confiance par rapport à qui nous sommes que nous réussirons à dépasser les barrières. »

Et c’est justement pour leur redonner une voix qu’elle a créé ce conseil qui leur propose à l’année des conférences, séminaires et ateliers « pour les aider à gagner en confiance et leur donner les moyens de se dépasser. » Des formations complétées par la présence de conseillères musulmanes arabophones, avec lesquelles elles peuvent partager librement leurs questionnements, peurs et défis, et qui témoignent d’un profond désir de mieux se comprendre pour mieux vivre ensemble.