Influence francophone : Lever La Barre, le véritable changement ?

L’initiative de l’Association de la Presse Francophone (APF) avait pourtant ses mérites. Pour une première fois, un groupe réussissait à se mobiliser afin de définir « l’Influence « d’un francophone hors-Québec, ce qui n’était déjà pas facile. Des « experts » issus du milieu universitaire et des médias devaient retenir dix candidats pour refléter équitablement le vaste territoire. Un travail ardu, compte tenu de l’état des lieux, ses non-dits, ses défis de financement et les retours d’ascenseurs en cause. Cela alors que la crise perdure dans les médias, l’académia se porte mal et la gouvernance franco sort à peine d’un régime qui l’a meurtrie considérablement.

En outre, les interprétations des cours de justice sont de moins en moins « généreuses », coûtent de plus en plus cher à obtenir et le déclin de l’influence est manifeste, l’argent demeurant le nerf de la guerre partout. L’ère des égoportraits bat dorénavant son plein, accompagné de surenchère et de coups de théâtre pour se différencier parmi la surabondance de contenus. Le cynisme citoyen s’en retrouve « turbochargé ». L’initiative ouvrait néanmoins une porte à des conversations malgré l’apathie citoyenne du « Bâdrez-moi pas, j’ai suffisamment donné ». Rappelons ici que l’APF est une fédération de journaux communautaires du hors-Québec principalement financée par la Fédération des communautés francophones et acadiennes (FCFA), elle-même financée par Patrimoine Canadien. Le défunt journal L’Express du Pacifique en faisait jadis partie.

Mais à en juger par la réponse initiale, peut-on se demander quelle sera l’influence de l’initiative, selon ses propres termes : «obligatoirement positive: le pouvoir qui accompagne une fonction, l’innovation et la capacité d’agir au moment opportun ». Deux entretiens à la radio ajoutaient peu à l’article publiant les résultats. Aucune rétroaction. Cinq internautes ont commenté sur le site web de l’Acadie Nouvelle qui reprenait l’article. Aucune réaction sur le site web de l’APF où personne n’a jamais commenté. Ni sur la page Facebook diffusant l’article, ni même un effort de diffusion Twitter ? Quelques centaines de partages sur Facebook mais peu de commentaires, outre ledit « non-dit ». Une des rares rétroactions: « Soyons francs, on ne doit pas avoir la même définition d’influence ». Pour moi, l’influence, elle est politique, économique, ou culturelle. C’est quoi exactement l’« influence » d’Yvon Godin (avec qui je partage pourtant des intérêts certains) ? Toute cette liste de gens utiles et sans doute efficaces dans leurs domaines me semble personnellement totalement dénuée d’« influence ». Mais répondre plutôt au travail sans charisme de fonctionnaires et d’organismes. » Seulement quelques réactions sur Twitter sous #frcan en l’absence d’un meilleur mot-clique. Comme si l’APF ainsi que les membres du comité préféraient le statu quo de la chasse gardée. Les médias québécois et du Canada anglais ont encore une fois évité. Rien en partance de la grande tour ou encore à CBC. Pas d’influence.

Yvon Godin, ancien député fédéral. | Photo de United Steelworkers

Yvon Godin, ancien député fédéral. | Photo de United Steelworkers

Peut-on regretter l’absence de francophiles, celle d’autres médias (TFO, CBCICI, UNIS), et celle de Québécois qui portent encore attention au hors-Québec ? Peut-on déplorer le choix de candidats grassement rémunérés pour « se battre » sur les innombrables junkets de la francophonie ? Fussent-ils commissaires, députés, ou porte-parole officiel. Choisir quelqu’un qui ne s’était pas même présenté aux dernières élections et pour qui le parti a été rayé de la carte provinciale était mal éclairé. Tout autant que le choix de l’ancienne présidente de l’APF maintenant responsable pour son financement à la FCFA ! Le groupe médiatique s’est notablement tenu coi durant les années noires du régime antérieur, les consultations bidon, les détournements financiers répétés de la feuille de route des Langues Officielles, et les retards notables sur les médias sociaux. Enfin une culture malsaine de huis-clos s’est maintenue sous sa gouverne. Retenir trois candidats sur dix associés à des recours judiciaires envoyait le message que la principale « Influence » était dans le domaine juridique, cela malgré les épuisements financiers et mentaux qui en résultent et empêchent de porter attention ailleurs. Selon ces « experts », les médias, ou le quatrième pouvoir, ainsi que le pouvoir citoyen ne comptent pas, à moins de le récupérer dans le pouvoir judiciaire. Donc pas vraiment de « pouvoir qui accompagne une fonction, l’innovation et la capacité d’agir au moment opportun ». Pas d’influence non plus. Déjà vu.

Cela dit, l’initiative de l’APF mériterait de meilleurs suivis et une véritable réflexion sur « l’influence ». Il faudrait se soucier cette fois-ci d’inclusion et de mobilisation. Parce que l’initiative n’a pas réussi à lever la barre pour aspirer à de véritables changements. Allez l’APF, relevez-vous, la tâche est à peine entamée. #InfluenceFr

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En l’absence de toute contribution citoyenne à nos “experts” de la francophonie, j’ajoute ma sélection des francos* les plus influents”:

1) Pierre Y. Allard : natif du hors-Québec, journaliste émérite à la retraite, libre-penseur, et résident de la région de Gatineau de longue date, il commente avidement l’actualité du hors-Québec dans son blogue et sur les médias sociaux, cela malgré ses affinités souverainistes; il est une des rares voix capable de rejoindre le Québec et le hors-Québec. Modeste comme pas un, son influence est énorme malgré l’évitement total du milieu institutionnel hors-Québec à son égard. Il précède le travail d’autres commentateurs québécois tels Tania Longpré, Jean-Benoît Nadeau et Marc-François Bernier, tous très actifs sur les médias sociaux. Il accompagne bien le travail de Jean-Paul Perreault (Impératif Français), de Rino Morin Rossignol (Acadie-Nouvelle), et de Dean Louder, parrain de la franco-Amérique.

2) Michel Lavigne: le super-caricaturiste de l’APF saisit à chaque semaine l’humeur du hors-Québec et nous accompagne comme pas un, en l’absence d’un Infoman , d’une Garnotte, et d’un “This hour has 22 minutes” en français dans le hors-Québec ; Lavigne n’est pas actif sur les médias sociaux mais est amplement rediffusé sur Facebook et Twitter.

3) Maria Chaput : sénatrice franco-manitobaine, une des premières à s’activer sur Twitter malgré l’absence de soutien de son parti, simplement pour cela, je souhaite la reconnaître.
4) James Laforest, David Vermette, Suzanne Beauregard et Jon Tremblay: quatre Franco-américains (même s’ils s’expriment principalement en anglais) ont réussi à susciter énormément d’intérêt sur les médias sociaux ; ils ont su développer leur juste part d’intérêt au Québec pour la franco-Amérique, sans vraiment d’influence équivalente dans tout le hors-Québec canadien!

5) Jean Barman/Bruce Watson : deux francophiles historiens émérites ont su rétablir l’histoire franco-métisse du Pacifique Nord-Ouest; Barman se méritait un prix d’excellence du Gouverneur général en 2015; les médias canadiens (anglophones et francophones) ont en grande partie ignoré l’énorme travail; Barman et Watson ne se diffusent toutefois pas sur les médias sociaux mais ont inspiré!

6) Jeanne d’Arc Gaudet : une des rares du milieu associatif, présidente de la SANB, résidente de l’Acadie à comprendre l’impasse et à utiliser abondamment les médias sociaux, de là son influence.

7) Cyrille Simard : un autre Acadien, maire d’Edmundston et catalyseur dans le réseau des villes du maire Labeaume, une nouvelle forme de regroupement et alternative au milieu associatif fort mal en point; il utilise abondamment les médias sociaux, de là son influence
8) Jean-Pierre Picard (et Sébastien Németh) : deux rédacteurs du média communautaire fransaskois de l’Eau Vive en grande difficulté, ont réussi pendant plusieurs mois à tenir le fort et commenter dans des éditoriaux percutants l’état véritable des lieux; ils ont montré de remarquables exemples à travers le réseau de l’APF, de là leur influence, peut-être moins immédiate mais néanmoins pertinente pour l’avenir du réseau.

9) Laurence Gatinel, Céleste Godin, Glyn Lewis, Pascal Raiche-Nogue, François Pierre Dufault, Benjamin Vachet et Étienne Fortin-Gauthier; des jeunes francophones (dont des nouveaux Canadiens) et francophiles qui relèvent des défis en entreprenant de nouvelles initiatives, souvent en se servant habilement des médias sociaux et du web; leur influence est importante en assumant une certaine relève malgré les énormes défis de la tâche, tels l’apathie et le cynisme citoyen « turbochargé »; bravo ne lâchez surtout pas!

10) Pascal Guillon: l’ancien journaliste de Radio-Canada Colombie-Britannique a su se réincarner à la retraite et se publie dans un journal bilingue de Vancouver orienté vers la promotion de la “diversité” (Journal La Source/The Source Newspaper). Ses “cartes postales” venues d’ailleurs demeurent complètement pertinentes *ici*. Tout autant que ses chroniques environnementales qu’il tient toujours à l’occasion.

Référence-web:
1. www.francopresse.ca
2. www.acadienouvelle.com

Réjean Beaulieu,

Burnaby
Ancien travailleur en cartographie numérique et télécommunications, Réjean Beaulieu s’intéresse depuis plus d’une dizaine d’années à la francophonie canadienne en milieu minoritaire.