Chapeau, madame Chaput !

Le mardi 2 février, la sénatrice franco-manitobaine, Madame Maria Chaput, annonçait son départ prématuré de la Chambre haute à Ottawa. Âgée de 73 ans, la sénatrice quittera ses fonctions environ 18 mois avant l’âge de la retraite obligatoire, évoquant des raisons de santé. « Je n’ai plus l’énergie pour fournir ma part du travail », aurait-elle expliqué aux journalistes.

Madame Chaput était sénatrice depuis 2002. Elle avait été nommée par l’ancien premier ministre Jean Chrétien. C’est donc pendant presque quatorze années que la sympathique et énergique dame aura œuvré à la défense des intérêts de ses compatriotes franco-manitobains, mais aussi des francophones ailleurs dans l’Ouest canadien et plus globalement en milieu minoritaire à travers le pays.

À plusieurs égards, la sénatrice Chaput avait repris le flambeau laissé par le défunt sénateur franco-ontarien Jean-Robert Gauthier. Pendant plus de trente ans, d’abord en tant que député, ensuite en tant que sénateur, Monsieur Gauthier avait mené une bataille acharnée à la défense des minorités francophones.

Maria Chaput, sénatrice depuis 2002.

Maria Chaput, sénatrice depuis 2002.

Le dossier des langues officielles à Ottawa est une lutte d’acharnement. Les droits consentis ne sont pas toujours respectés, les programmes sont rarement adaptés et les minorités francophones sont trop souvent mises de côté. Pendant une décennie et demie, la sénatrice franco-manitobaine a prêté main forte aux luttes et donné voix aux revendications des francophones

Dépôt de projets de loi, déclaration au sénat, plaintes au Commissariat aux langues officielles, rapports devant le comité parlementaire des langues officielles et interventions ciblées dans les médias, Madame Chaput s’est fréquemment portée à la défense de la francophonie canadienne.

Il ne faut pas passer sous silence son appui indéfectible aux organismes communautaires voués à la promotion des intérêts des minorités francophones.

Enfin, sa plus grande bataille en matière de francophonie canadienne aura été sa lutte de longue haleine pour moderniser la Loi sur les langues officielles. Depuis 2010, la sénatrice a pour ambition d’élargir la définition de la francophonie canadienne. Elle estime – avec raison, je pense – que les critères pour déterminer l’offre de services publics dans les deux langues officielles sont désuets. De manière précise, la francophonie canadienne a beaucoup changé au cours des quarante dernières années. Selon la sénatrice, la Loi sur les langues officielles doit refléter la nouvelle
réalité marquée par l’immigration, l’immersion et l’exogamie.

Pourtant, c’est une lutte que la sénatrice ne pourra mener à terme, puisque son projet de loi n’a toujours pas été adopté. Les trois premières versions du projet sont mortes au feuilleton en 2010, 2012 et 2015. Femme acharnée, la sénatrice a déposé son projet de loi pour une quatrième fois en décembre dernier. Il est à souhaiter que sa collègue franco-albertaine Claudette Tardif, qu’elle qualifie de « marraine du projet », saura guider le projet à travers les diverses étapes du processus législatif.

En somme, pour nous francophones hors-Québec, surtout dans l’Ouest canadien, qui essayons, tant bien que mal, de vivre en français, le départ de Madame Chaput est une perte immense. La sénatrice franco-manitobaine fut une alliée incontournable au Parlement canadien pendant de nombreuses années. Pour moi personnellement, elle représentait une lueur d’espoir dans un pays qui vibre de moins en moins dans les deux langues officielles.

Je vous dis donc chapeau pour le travail accompli, Madame la sénatrice, et une bonne retraite bien méritée.

 

Rémi Léger est professeur en sciences politiques à SFU.