Génération 1.5 : Le multiculturalisme en héritage

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Proposé par l’Université Simon Fraser, le Philosopher’s Cafe qui aura lieu le 17 février prochain à Surrey sera l’occasion de discuter de la « Génération 1.5 ». Nous parlons ici de ces enfants et adolescents nés hors du Canada qui quittent leur pays d’origine et suivent leurs parents, immigrants ou réfugiés, dans leur nouvelle terre d’accueil.

Parmi les milliers d’immigrants qu’accueille le Canada chaque année, on dénombre une part importante d’enfants et d’adolescents qui suivent leurs parents dans leur nouveau projet de vie. La migration a un prix pour les adultes mais aussi et surtout pour ces jeunes déracinés, à cheval entre leur culture d’origine et celle de leur pays d’adoption, à un âge critique de leur construction identitaire.

Sociologie de la Génération 1.5

Quelle que soit leur origine, les immigrants de génération 1.5 partagent certains traits. Mariko Takashina, de l’Université Simon Fraser, témoigne de trois grands maux – elle qui est aussi mère de deux filles concernées par le phénomène.

La barrière des langues, pour commencer. L’anglais et le français, que les jeunes n’ont pour la plupart jamais pratiqués, un problème d’autant plus marquant lorsque les enfants sont trop jeunes pour seulement maîtriser leur langue d’origine. Ensuite, la confrontation avec une culture de l’école qui remet en question une part importante de leur expérience préalable de l’éducation. Et puis le tiraillement entre deux cultures, celle, traditionnelle, de la cellule familiale et celle de la société du pays hôte où ils doivent trouver leur place.

Au cœur de ces problématiques, la construction de leur identité. Comme le décrit Mariko, « il s’agit d’une lutte pour déterminer qui ils sont et les personnes qu’ils deviendront ».

Enjeux identitaires : de l’individu au pays

Sur la seule année 2001, Statistiques Canada annonçait déjà que 17% de l’ensemble des immigrants étaient des écoliers âgés de cinq à seize ans. Depuis, le phénomène ne s’est pas démenti, au contraire : il s’amplifie. On estime qu’en 2031, au moins 25% de la population du Canada sera née à l’étranger – dont 55% originaire d’Asie.

La Colombie-Britannique est particulièrement concernée par ces questions générationnelles, elle qui s’affiche comme la seconde terre d’accueil des immigrants au Canada – Vancouver en abritant à elle seule 15%.

L’intégration des générations 1.5 est donc un enjeu fondamental dans l’épanouissement des provinces et du pays, puisque la question identitaire de ces jeunes générations pose également, à long terme, la question de celle de leur terre d’accueil. Comme le souligne Mariko Takashina, l’accompagnement de ces générations doit se faire sur trois fronts : « institutionnel, par des programmes éducatifs adaptés ; familial, pour promouvoir l’exposition des enfants à leur culture d’origine ; et enfin social, dans le développement d’une intégration respectueuse de leur patrimoine culturel ».

Une richesse à valoriser

Dans la mesure où elles sont correctement prises en charge et ne perdent pas leur culture d’origine dans un processus d’acquisition trop rapide de celle de leur pays d’adoption, les générations 1.5 ont les moyens de façonner leur propre culture, une culture hybride forgée de multilinguisme et de multiculturalisme. Une culture qui fait de ces individus des ponts entre les première et seconde générations mais aussi entre tous, au sein même de la société.

L’augmentation de leur nombre favorise l’acceptation de cette identité hybride qui n’a pas besoin d’appartenir de manière tranchée aux catégories « natifs » ou « non-natifs » du pays hôte. Leur position « entre-deux » est aussi une force : « les générations 1.5 appartiennent en réalité à deux cultures », toujours selon Mariko Takashina. « Elles sont familières de deux sociétés avec tout ce que celles-ci impliquent, ce qui les rend plus capables ».

Qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? Aucune importance. Comme le rappelle Julia McGurk, de l’English Center d’Oakland et du Las Positas Community College de Livermore, aux États-Unis : « ce qui est formidable, c’est notre incapacité à définir ce groupe démographique. Mais au lieu d’essayer de les définir, nous devrions simplement essayer d’apprendre d’eux ».

« Accented Beings : Narratives of the 1.5 Generation », le 17 février à 19h00, librairie municipale de Surrey, Suite 402.