La ruée vers l’ouest, en quête d’une nouvelle vie au Canada

Autobiographie d’Eve Zaremba | Photo d’Insomniac Press

Autobiographie d’Eve Zaremba | Photo d’Insomniac Press

Ce 10 février 2016, une séance de signature à la libraire Little Sister’s marquera le lancement officiel de l’autobiographie d’Eve Zaremba, The Broad Side. Écrivaine canadienne encensée par la critique et militante des droits LGBT, Eve Zaremba reviendra sur son parcours mouvementé et unique, inscrivant à l’encre indélébile son récit dans l’histoire du pays.

Eve Zaremba, un parcours anticonformiste

« Une autobiographie ne doit rien à la mode. On n’y cherche que la vérité humaine ». Ces quelques mots d’Anatole France résument admirablement le projet mené par Eve Zaremba avec The Broad Side. Adieu aux autobiographies dont l’écriture est menée par un égocentrisme indigeste et bonjour au travail littéraire d’utilité publique, celui qui a pour vocation d’apporter un éclairage sur la société.

Les mémoires d’Eve Zaremba sont celles d’une femme qui est née en Pologne en 1930 et qui s’en enfuit quand les nazis envahissent son pays lors de la Seconde Guerre mondiale. Après avoir trouvé refuge en Angleterre, elle émigre finalement au Canada en 1952 où elle obtient ses diplômes d’études supérieures à l’université de Toronto en 1963. Dans les années 70, Zaremba est un membre actif des communautés lesbiennes et féministes de Toronto, co-fondant le journal Broadside et l’Organisation lesbienne de Toronto. Romancière à succès, elle est notamment l’une des premières à avoir une héroïne ouvertement homosexuelle dans ses écrits. Son talent sera reconnu unanimement, allant jusqu’à être félicité par Margaret Atwood.

Cette autobiographie est une contribution à l’histoire du féminisme canadien et voici ce que la spécialiste de l’Université de Toronto Maureen Fitzgerald en dit : « Ce récit est […] une lecture fascinante ». En effet, Zaremba propose un regard aiguisé et honnête sur la société de son époque, apportant un témoignage de l’intérieur à une période critique du mouvement canadien des femmes. Elle décrit avec beaucoup d’acuité les pensées et les personnes qui ont forgé cette période charnière.

Little Sister’s, une librairie au passé agité

Il n’est pas étonnant d’apprendre que Little Sister’s est le lieu où va se dérouler ce lancement lorsque l’on connaît sa forte prégnance sur la sphère LGBTQI de Vancouver. La Source a rencontré Ken Boesem qui travaille à la librairie depuis plus de onze ans. Lorsqu’on lui demande quel est le poste qu’il occupe, Ken répond avec humour qu’il est l’incarnation physique d’un libraire, d’un porte-parole, d’une assistante sociale et de bien d’autres choses. Ces mots d’humour prennent tout leur sens dès qu’il nous en dévoile un peu sur l’histoire de Little Sister’s.

Ouverte en 1983, cette librairie à thématique homosexuelle rencontre dès ses débuts de violentes oppositions. À trois reprises, elle a été victime d’attaques terroristes, des bombes artisanales ayant été lancées à travers les vitres de la devanture. Un incendie détruira également une partie du magasin. Plutôt que d’intimider les propriétaires, Jim Deva et Bruce Smythe, ces événements finiront de les convaincre de poursuivre leur lutte pour la visibilité.

« Il n’y avait pas Internet, à l’époque », nous explique Ken Boesem. « Little Sister’s offrait de l’information quand les ressources étaient limitées, on ne pouvait pas se procurer des livres aussi facilement qu’aujourd’hui ». Les informations les plus à jour étaient des « magazines importés des États-Unis ». Or, parmi les détracteurs de la librairie, le gouvernement fédéral se montrera un ennemi farouche en censurant systématiquement ces arrivages de livres, les considérant comme des ouvrages pornographiques. Régulièrement, les commandes arrivaient avec des pans entiers déchirés ou cachés, ou n’arrivaient pas du tout. « Nous devions appeler quelqu’un aux États-Unis qui nous disait ce qu’il y avait d’écrit sur telle ou telle page pour ensuite pouvoir réécrire par-dessus et faire des photocopies afin d’avoir quelque chose de concret à vendre et à diffuser à nos clients », raconte Ken Boesem.

Une librairie généraliste et réputée de Vancouver, Duthie Books, a montré son soutien à Little Sister’s en prouvant cette censure excessive. En commandant les mêmes magazines considérés comme pornographiques et en voyant ses colis arriver intacts, Duthie Books put démontrer clairement que les douanes menaient une chasse aux sorcières contre sa consœur.

Un point de repère pour toute une communauté

Maintenant qu’Internet existe et qu’il est devenu facile de se procurer des livres, Little Sister’s a diversifié son activité et continue de jouer un rôle prépondérant pour la communauté homosexuelle. « J’ai fait face à toutes sortes de situations ici », dit Ken Boesem avec sérieux. Des « jeunes filles en pleurs n’ayant pas d’autres endroits où aller » aux « parents venant d’apprendre la sexualité de leur enfant et cherchant des réponses à leurs questions », on comprend mieux l’importance que revêt la librairie pour cette communauté.

On apprendra également que le quartier gay du West End, communément surnommé Davie Village, s’est en quelque sorte rassemblé autour de Little Sister’s. « À l’époque [dans les années 80], il y avait quelques endroits gays dans le coin, d’où l’implantation de Little Sister’s ici. Au fur et à mesure, toute la communauté s’est construite autour de ce point de rassemblement, et on peut dire que c’est comme ça qu’est né Davie Village ! »

À n’en pas douter, Little Sister’s est le lieu parfait pour qu’Eve Zaremba vienne partager ses mémoires à Vancouver !

 

Lancement :
The Broad Side par Eve Zaremba

Le 10 février à 19 h

Little Sister’s Book & Art Emporium

1238 rue Davie, Vancouver