La culture de la sourde oreille

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Les sourds et les malentendants ont leur propre culture. Et elle ne se distingue pas seulement par la langue des signes. Visite guidée dans un monde à la fois silencieux et tonitruant.

Le rêve de Forrest C. Nickerson s’est réalisé. Près d’un demi-siècle plus tard, il rayonne plus que jamais. Cet artiste originaire de Richfield, en Nouvelle-Écosse, avait la particularité d’être sourd. Loin de considérer cela comme un handicap, il souhaitait mettre sur pied un organisme national, à but non lucratif, dédié aux personnes comme lui et ouvert à l’ensemble de la population.

En 1970 est née la Société culturelle canadienne des sourds (la SCCS). Celle-ci s’est rapidement développée. Elle compte désormais plusieurs antennes dans les différentes provinces et territoires. Celle de la Colombie-Britannique a été l’une des premières à voir le jour : elle a été fondée en 1972 et demeure active.

La culture des sourds et des malentendants ne s’illustre pas que dans l’apprentissage du langage des signes.

La culture des sourds et des malentendants ne s’illustre pas que dans l’apprentissage du langage des signes.

Chaque année, de nombreux événements sont proposés : des pique-niques au Queen Elizabeth Park pour célébrer la Journée internationale de la langue des signes (fin septembre), des expositions, des projections de films avec rencontres de réalisateurs ou de comédiens, des soirées poésie, etc. Autant d’activités qui ont pour but de faire perdurer la mission que s’était fixé Forrest C. Nickerson.

Préserver, encourager et faire progresser

« La Société culturelle canadienne des sourds a pour vocation d’améliorer la vie culturelle des sourds au Canada. Elle préserve, encourage et s’efforce de faire progresser leurs champs d’intérêts culturels. Nous intervenons dans le cadre des arts de la scène, de la langue, de la littérature, de l’histoire, des arts visuels et de la documentation patrimoniale », décrit Joanne Cripps.

La directrice considère que la SCCS représente 450 000 Canadiens, qu’ils soient touchés ou non par des problèmes d’audition. « Et cela ne comprend pas les personnes qui bénéficient directement ou indirectement de nos programmes. Nous sommes très impliqués dans la conception de programmes scolaires de référence et de jeux », poursuit la responsable.

S’intéresser à la SCCS, c’est mettre en lumière une culture silencieuse, mais riche et foisonnante. Au fond, qu’est-ce que la culture des sourds ? Est-elle différente de celle des entendants ? Comment se définit-elle ? « Ce sont des questions qu’on me pose souvent », affirme Joanne Cripps en souriant.

Elle l’affirme, l’univers de celles et ceux qui n’entendent pas (ou mal) se distingue de celui des autres. « Une culture est indissociable d’une langue. Les sourds et les malentendants parlent la langue des signes. C’est ce qui nous différencie. » Un monde à part, donc, mais pas coupé des autres.

« S’accepter en tant que sourd ou malentendant, se montrer fier de son héritage est la clé de notre identité. Au-delà de ça, vous comme moi, nous sommes tous pareils. » Être différent ne signifie pas exclusion.

Du sport et un restaurant… fermé

Pour se divertir, les sourds et les malentendants de la Colombie-Britannique n’ont pas seulement les animations proposées par l’antenne provinciale de la Société culturelle canadienne des sourds. Ils peuvent également pratiquer une activité physique en s’inscrivant auprès de la BCDSF (British-Columbia Deaf Sports Federation).

Elle rassemble plusieurs disciplines, telles que le golf, le hockey ou le bowling. Jusqu’à récemment, ils pouvaient aussi dîner au DeaFined, un restaurant dont l’ensemble du personnel présentait des troubles de l’audition. Ouvert à tous, l’établissement était situé dans le quartier de Kitsilano, à Vancouver.

Moe Alameddine, à l’origine de ce projet, entend parfaitement. En se lançant dans cette aventure, il disait vouloir simplement donner du travail à des personnes souffrant de surdité. DeaFined a fermé ses portes mi-novembre. « Nous n’avions pas assez de clients pour maintenir le restaurant », informe celui qui fut le gérant.