Vers un Sénat réformé

Il y a quelques semaines, le premier ministre Justin Trudeau nommait sept nouveaux sénateurs à la Chambre haute. Cela m’incite à émettre quelques réflexions sur le plan Trudeau sur la réforme du Sénat. Dans un premier temps, quel est ce plan, et comment s’est-il traduit dans la pratique ? Dans un deuxième temps, ce plan est-il une bonne ou une mauvaise chose pour la démocratie canadienne ?

Pour l’essentiel, Monsieur Trudeau compte réhabiliter le Sénat canadien en le vidant de sa partisanerie excessive. Au fil des années, autant pour les libéraux que pour les conservateurs, les sièges au Sénat sont devenus des récompenses pour les fidèles du parti au pouvoir. Par conséquent, la partisanerie a pris le dessus sur la réflexion circonspecte.

Jusqu’à ce jour, le plan Trudeau s’est réalisé en trois étapes

Monsieur Trudeau a d’abord expulsé les 32 sénateurs libéraux du caucus libéral. Depuis janvier 2014, tous les sénateurs nommés par le Parti libéral siègent désormais comme indépendants. Ces derniers ne participent plus aux réunions du caucus, ne sont plus sollicités pour des évènements de financement et n’ont plus accès aux fonds du parti.

Vue intérieure du Sénat. | Photo par Saffron Blaze

Vue intérieure du Sénat. | Photo par Saffron Blaze

La deuxième étape était prévue dans la plate-forme électorale : « Nous mettrons en place un comité non partisan, dont les membres seront nommés au mérite, qui proposera au premier ministre des candidates et des candidats à la Chambre haute ». Depuis leur victoire, les libéraux ont créé le Comité consultatif indépendant sur les nominations au Sénat, pour reprendre son nom officiel. Ce comité est en place depuis décembre dernier et ses membres ont été annoncés à la mi-janvier.

La troisième étape a été lancée il y a quelques semaines lors de la nomination de sept nouveaux sénateurs. Ces nouveaux sénateurs ont été recommandés par le comité sur les nominations et siégeront à titre d’indépendants. L’indépendance a été évoquée à maintes reprises par Monsieur Trudeau et par les nouveaux sénateurs eux-mêmes.

Cette dernière étape se poursuivra au cours des prochains mois, puisque le Sénat compte toujours 17 sièges vacants, dont un en Colombie-Britannique.

Plus fondamentalement, que dire par rapport au plan Trudeau sur la réforme du Sénat ? Est-ce un bon plan ?

Je suis partagé sur la question

Dans la perspective d’un spécialiste des droits et de la reconnaissance des minorités, je pense que le Sénat réformé est une bonne chose. Le Sénat est une institution indispensable pour les minorités francophones et pour les minorités plus globalement. Notre système électoral est défavorable aux minorités dispersées, aux populations qui ne sont pas majoritaires dans une circonscription électorale. Je suis d’avis que les sénateurs libérés de la partisanerie pourront mieux se porter à la défense des intérêts des minorités.

Cependant, dans la perspective d’un spécialiste de la politique canadienne, j’estime que le plan Trudeau ne s’attaque pas au véritable problème : la sous-représentation de certaines provinces au Sénat, notamment la Colombie-Britannique.

La répartition des sièges au Sénat est fondée sur une vision régionaliste du pays qui est dépassée et un amalgame de compromis historiques. La Colombie-Britannique est la troisième province la plus peuplée au pays, mais seulement six des 105 sièges lui sont réservés. Je verrais d’un bon œil une répartition paritaire des sièges, ayant pour objectif de donner un poids égal à chaque province canadienne. C’est notamment la formule étatsunienne et australienne.

En conclusion, le plan Trudeau sur la réforme du Sénat s’attaque à un seul des deux grands problèmes du Sénat : la partisanerie excessive et non pas la représentation égalitaire des provinces.

Rémi Léger est professeur en sciences politiques à SFU.