Contribution : Les corps feutrés de Lyse Lemieux

La prochaine exposition de Lyse Lemieux A Girl’s Gotta Do What a Girl’s Gotta Do, se tiendra du 23 avril au 3 juillet, vernissage le 29 avril, à Richmond Art Gallery.

Douces et déterminées, dansantes et monolithiques, sensuelles et malicieuses, les dernières oeuvres de Lyse Lemieux, exposées à la Republic Gallery de Vancouver à l’automne dernier, sous le titre collectif de Black is the size of my new skirt, témoignent d’un langage renouvelé, qu’elle appelle « dessins sculptés ». Comme les découpages de Matisse, ces dessins sculptés réconcilient le trait et la couleur, même s’il s’agit surtout ici de noir et blanc. Comme Matisse, ses ciseaux sont devenus pinceau.

Dans la galerie rectangulaire, les pièces en majorité verticales, semblent rescapées d’un fantasque défilé de mode. Recyclage de matériaux, vêtements rapiécés, corps décousus. Surfilés, tracés à l’encre, découpés dans le tissu, ni les mannequins ni leur linge ne sont dans la norme.

« Une constante recherche entre l’abstraction et la figuration »

Skirt Shape 1. | Photo de Republic Gallery

Skirt Shape 1. | Photo de Republic Gallery

Skirt Shape 1, est une oeuvre verticale divisée en son milieu. Noir, blanc, beige, dégradé de gris. Le bas est en mouvement. Le haut plus statique, semble être un agrandissement d’une partie de la section inférieure, avec un cadrage décalé… Mais pas exactement. Si les formes sont bien reprises, elles sont ici pleines, disloquées, jetées hors du dessin, sortant du cadre.

Malgré son abstraction, l’oeuvre ne manque pas d’évoquer le corps et le vêtement. Dans la partie inférieure, une sorte de tutu en plumes d’autruche ondule. S’en échappent deux jambes fines. Ces jambes se croisent, comme celles d’une danseuse en quatrième position de ballet ou exécutant une révérence. Les mouvements des bras sont figurés par les lignes arrondies autour du tutu. Légèreté et grâce, oui, mais en même temps, un certain sourire pourrait nous venir aux lèvres. Cette ballerine ne se prend pas vraiment au sérieux.

La partie supérieure, détail en insert, nous montre ce qui pourrait être des bras levés, tendus et désarticulés. Ce ne sont plus les simples lignes, noeuds coulants, attaches, fils à la patte du bas, mais de la feutrine noire, découpée et collée sur le papier.

Qui appelle le toucher, la caresse. L’un des bras brise le cadre et avec lui, le corps se libère. S’évade. Fait fi des règles et des contraintes.

Une dualité répétée

Le contraste entre le lisse du papier et le moelleux de la feutrine, entre les nuances de l’encre et l’aplat du feutre, entre le trait et le textile, crée une tension. En écho, la composition, avec sa dualité répétée – celle des formes en feutrine, des jambes, des parties du tableau – instaure un autre point de possible rupture entre la délicatesse amusée du bas et la force rebelle du haut. Le corps de la femme serait-il en constante opposition ? Fragile et puissant à la fois. Léger et solide. Souple et rigide. Discipliné et insoumis. Féminin et masculin.

Le vêtement n’est pas un thème nouveau pour Lyse Lemieux. Pendant longtemps, son objet de recherche a été la tunique. Celle que l’on portait dans les écoles catholiques comme uniforme. Uniforme démocratique, puisque que recouvrant tout signe extérieur de richesse ou de pauvreté, mais aussi uniforme carcan, vous forçant à entrer dans le moule. Au cours des années, Lyse Lemieux a réinterprété cette tunique-symbole dans de nombreux matériaux. Puis s’est concentrée principalement sur le dessin de visages et de corps à l’encre. Aujourd’hui, elle revient au textile, alliant feutrine et papier, dessin, collage et sculpture aux ciseaux. Libérant son sujet comme sa technique, elle nous offre dans un nouveau geste une interprétation incarnée et déconstruite, poétique et humoristique, du mouvement, de la forme humaine et du monde de la mode.

Prochaine exposition

Lyse Lemieux a aussi l’art des titres. Sa prochaine exposition monographique et in situ, à la Richmond Art Gallery (C.-B.), A Girl’s Gotta Do What a Girl’s Gotta Do, se tiendra du 23 avril au 3 juillet 2016, vernissage le 29 avril. Le 27 mai à 19h, la danseuse Ziyian Kwan de dumb instrument Dance exécutera une improvisation in situ en réponse aux oeuvres de Lyse Lemieux, suivie d’une discussion entre les deux artistes.

Pour plus d’information :
www.lyselemieux.com
www.republicgallery.com
www.richmondartgallery.org

Lyse Lemieux est une artiste vancouvéroise, d’origine franco-ontarienne. Après des études à l’université d’Ottawa, elle obtient un BFA (Bachelor of Fine Arts) à UBC, Vancouver, en 1980. Elle travaille, depuis 35 ans, dans une constante recherche entre l’abstraction et la figuration, sur le corps humain, le mouvement et le vêtement, à travers le dessin, le collage, la peinture, le découpage sculpté. Au cours de sa carrière, elle a exposé, en solo et en groupe, dans de nombreuses galeries publiques et privées nationales et internationales. Elle est représentée par la Republic Gallery.