Les murs

Le 12 juin 1987 à Berlin-Ouest, Ronald Reagan, le président des États-Unis, s’adressant à son homologue soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, lui intima cet ordre passé depuis dans l’histoire : « Tear down this wall ». Deux ans plus tard son vœu était exaucé. Ce fut le début de la fin de la guerre froide. S’ensuivit la chute du mur de Berlin en 1989 qui entraîna la réunification de l’Allemagne et le déclin de l’empire soviétique.

De nos jours, à la veille de cet anniversaire, le mur de Berlin ne reste qu’un vague souvenir. Par contre, la question des murs demeure d’actualité. Ils font partie de nos vies. À tort ou à raison, pour le meilleur ou pour le pire, nous ne pouvons nous en passer.

Face, contre, au pied... du mur. | Photo par qbac07

Face, contre, au pied… du mur. | Photo par qbac07

Les murs, ce n’est pas ce qui manque. Il y en a, en veux-tu en voilà. Les murs courent les rues. On s’y est fait. Le mal est fait. Que de méfaits. Pensez-y : les murs nous cloisonnent, nous divisent, nous zizolent (j’aurais pu écrire nous isolent mais je tenais tellement à ce que l’on fasse la liaison). Ils nous enferment. Pris entre quatre murs, impossible de tourner en rond en les longeant. Et puis, surtout, les murs ont des oreilles. Une fois à table ils se mettent à l’écoute.

Dans les demeures et lieux hantés, les murs, m’a-t-on dit, murmurent. Que disent-ils ? Aucune idée. Face à ces sornettes, je me bute à un mur.

Autre éventualité, cauchemardesque celle-ci : vous êtes acculé au pied du mur, dos au mur, piégé. Vous devez faire face à la situation. Elle n’est pas brillante. Comment vous en sortir ? « En faisant le mur mon adjudant ».

Certains murs sont imprégnés de haine. On les surnomme les murs de la honte. Ils séparent : Israël de la Cisjordanie; les communautés grecques et turques à Chypre; les catholiques et protestants irlandais à Belfast; l’enclave espagnole Melilla du Maroc; la Corée du sud de la Corée du Nord. Ils ne sont pas beaux à voir, littéralement et figurativement. Qu’attend-on pour les abattre ? Si le mur de Berlin, qui faisait partie, jusqu’à sa destruction, de cette triste équipe, est tombé, pourquoi pas ceux-là ? Et que dire de ce mur, ou plutôt, de cette muraille diplomatique de Chine devant laquelle le gouvernement canadien vient de courber l’échine ? De quoi aller se lamenter au mur des lamentations.

Mais il y a un mur, pas encore construit, dont il est beaucoup question par les temps qui courent. Un projet mûri par l’esprit tordu de Donald Trump, le présumé candidat républicain à la présidence américaine. Il compte ériger un mur, je ne vous apprends rien, tout au long de la frontière entre son pays et le Mexique. L’idée, en apparence loufoque pour toute personne saine d’esprit, lui a servi de tremplin pour sa victoire quasi certaine à l’investiture républicaine. C’est à se taper la tête contre les murs. Qui plus est, l’idée d’avoir recours à ce même type de barrière le long de la frontière avec le Canada, ne semble pas le chagriner outre mesure. Au contraire, il y est très favorable et aimerait l’entériner dès sa prise de pouvoir. Je ne suis généralement d’accord sur aucun point avec les idées avancées par Donald Trump, mais, cette fois, je suis prêt à faire une exception. Si jamais ce milliardaire éhonté devient président, il a mon aval pour ériger un mur entre nous et son peuple. Cela nous empêchera d’être contaminés par l’insipidité et l’insanité de ceux qui l’auront élu. Mister Trump, please «Raise this wall ».

Si vous regardez les matchs de l’Euro 2016 vous constaterez qu’il y a des murs humains. Les joueurs, en position défensive, lors d’un coup-franc, dressent un mur dans le but d’éviter de prendre des buts. L’idée, peu originale, a du mérite. À la Chambre des communes à Ottawa, on ne peut en dire autant. Il y a quelques semaines de cela, souvenez-vous, les députés de l’opposition ont tenté d’imiter les footballeurs. Ils ont, néo-démocrates en tête, dressé un mur barrant le passage au whip conservateur. Une manœuvre préméditée, enfantine, née d’une alliance déshonorante entre deux partis qui sont politiquement aux antipodes. Le premier ministre, à tort, s’est emporté (en cela il tient plus de Jean Chrétien que de son père).

L’affaire a dégénéré pour tourner au ridicule. Ce ne fut pas beau à voir. Le piège tendu par les membres de l’opposition fut absolument pitoyable pour ne pas dire minable. L’opposition à la Chambre des communes a, avec éclat, franchi le mur du çon (qu’est-ce qu’elle fait là cette cédille ?).

Depuis, de honte, car je les trouve indignes de nous représenter, je rase les murs.