Ukrainiens au Canada, 125 ans d’une histoire mouvementée

Ukrainiens allant travailler dans un champ de fraises près de King George Highway et Colebrook Road, Surrey (1946). | Photo de Surrey Archives

Ukrainiens allant travailler dans un champ de fraises près de King George Highway et Colebrook Road, Surrey (1946). | Photo de Surrey Archives

C’est connu, le Canada est une terre de plusieurs nationalités. En 1971, il devenait le premier pays au monde à adopter une politique officielle de multiculturalisme. Les Ukrainiens, comme bien d’autres nationalités, font partie de cette mosaïque culturelle canadienne. Pour fêter l’anniversaire de l’arrivée des pionniers, une exposition au Surrey Museum leur rend hommage : Ukrainians in Canada : 125 years.

L’anniversaire de leur arrivée au pays est donc un évènement important, d’autant plus que près de 1 300 000 Canadiens sont d’origine ukrainienne, soit 3,7 % de la population (recensement 2011). Cela fait du Canada le troisième pays avec la plus large communauté ukrainienne au monde, après l’Ukraine elle-même et la Russie.

Pourquoi de tels chiffres ?

À la fin du XIXe siècle, la misère et la famine ravagent l’Ukraine, et ses habitants sont les serfs des Empires russe et austro-hongrois. Au même moment, le jeune gouvernement canadien lance une grande campagne de séduction pour attirer de nouveaux habitants dans l’Ouest encore sauvage, et offre le coût du voyage, des terres et quelques outils agricoles à chaque candidat. Environ 170 000 paysans ukrainiens immigrent ainsi dans les Prairies canadiennes. Cette première vague d’immigration sera suivie de trois autres majeures liées notamment à la Seconde Guerre mondiale et à l’effondrement de l’URSS.

Bandar miniature aussi appelée « harpe d’Ukraine ». | Photo de Surrey Museum

Bandar miniature aussi appelée « harpe d’Ukraine ». | Photo de Surrey Museum

Ces travailleurs dévoués ont contribué au développement de l’agriculture, de l’industrie et des chemins de fer canadiens. L’accueil parmi la population canadienne est pourtant plus mitigé. Comme le précise Roman Herchak, leader de l’Ukrainian Community Society de Richmond, « les immigrants ukrainiens étaient parfois méprisés par les Anglo-Saxons. Certains ont dû changer leur nom de famille pour trouver du travail ».

La culture ukrainienne à l’honneur

Ces espoirs et ces débuts difficiles, ainsi que des éléments du folklore ukrainien, sont présentés par le Surrey Museum jusqu’au 9 juillet. Des broderies colorées, des instruments de musique, des œufs peints (Pysanky) et d’autres objets traditionnels sont à voir dans cette exposition trilingue gratuite et ouverte à tous.

L’exposition Ukrainians in Canada : 125 years s’intègre dans le cycle annuel d’expositions nommées Community Treasures qui mettent à l’honneur les différentes communautés de la ville de Surrey. Lynn Saffrey, gestionnaire du Surrey Museum, souligne les bienfaits de cette ouverture : « Notre équipe a le plaisir d’apprendre sur ces cultures et ces objets et, en retour, nous fournissons un espace et les compétences pour partager ce savoir avec nos visiteurs ». Pour cette exposition, la Surrey Ukrainian Society et le Kule Folklore Centre (Université d’Alberta) ont été impliqués.

« Le premier lien est la nourriture »

De nombreuses autres organisations existent en Colombie-Britannique pour faire vivre et partager la culture ukrainienne. Des centres communautaires sont présents dans une multitude de villes, que ce soit à Surrey mais aussi à Langley, Nanaimo, Victoria, Kamloops ou Richmond.

L’Ukrainian Community Society of Ivan Franko de Richmond est une organisation à but non lucratif qui propose un large éventail d’activités. Troupe de danse traditionnelle, club de lecture bilingue sur des thématiques ukrainiennes, ateliers de Pysansky ou encore évènements gastronomiques rassemblent des personnes de toutes origines. Les Friday night suppers sont organisés chaque troisième vendredi du mois (excepté en juillet-août) et rencontrent un franc succès. Ils sont l’occasion de découvrir quelques spécialités typiques préparées par les membres bénévoles. Roman Herchak, président de l’organisation pendant de nombreuses années, ajoute « le premier lien est la nourriture. C’est elle qui réunit les gens en cuisine et autour de l’assiette ».

Roman Herchak rappelle aussi que l’immigration ukrainienne au Canada est toujours d’actualité à cause des difficultés économiques, politiques et sociales du pays. Mais le profil des immigrants a bien changé. « Ils sont jeunes et ont fait des études d’ingénieur ou dans les nouvelles technologies ».

Les liens avec l’Ukraine restent forts et la politique est au cœur des discussions. Le centre de Richmond a par exemple accueilli les réalisateurs du documentaire Babylon 13 sur la révolution ukrainienne de l’hiver 2014. Comme le rappelle une citation dans la bibliothèque du centre : « La nature a été généreuse avec l’Ukraine ; l’histoire non » (Orest Subtelny).

 

Ukrainians in Canada : 125 years

Surrey Museum

Jusqu’au 9 juillet,
du mardi au dimanche

Entrée gratuite

www.surrey.ca

 

Ukrainian Community Society
of Ivan Franko 
(Richmond)

www.ivanfranko.ca

 

 

Première Guerre mondiale : des Ukrainiens canadiens internés

En août 1914, la xénophobie, la paranoïa d’une attaque et le patriotisme exacerbé de la population poussent le gouvernement canadien à adopter la Loi sur les mesures de guerre (LMG). Identifiés comme « sujets d’un pays ennemi », les Ukrainiens canadiens sont alors soumis à des traitements particuliers.

Plus de 80 000 personnes sont alors répertoriées et doivent se présenter régulièrement aux postes de police avec des papiers d’identité spéciaux. Sous couvert de la LMG, environ 5 000 Ukrainiens – principalement des hommes – sont aussi envoyés dans des camps d’internement de 1914 à 1920 et sont privés de leur droit de vote. Ils subissent alors de mauvais traitements et doivent effectuer des travaux forcés pour un salaire dérisoire, comme l’aménagement du parc national de Banff par exemple.

Le gouvernement canadien a reconnu cet épisode noir de son histoire en 2005 sous la pression des associations ukrainiennes. Une dotation de 10 millions de dollars a été attribuée pour éduquer le grand public sur ce sujet longtemps tabou et consolider les valeurs de respect mutuel, de multiculturalisme et d’intégration.

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