Gad Elmaleh à la conquête de l’Amérique

Gad Elmaleh en pleine représentation. | Photo par Charles Roussel

Gad Elmaleh en pleine représentation. | Photo par Charles Roussel

Si tu sais comment leur dire que tu es un Marocain en anglais, tu passes pour un Américain ! » Voici comment, il y a quelques années, Gad Elmaleh commençait l’un de ses célèbres sketches sous les rires d’un public déjà conquis. Quelques décennies plus tard, ces paroles ont une allure prémonitoire alors que Gad Elmaleh foule les planches des théâtres nord-américains. Coïncidence ou plan mûrement réfléchi ? Entretien avec l’artiste à quelques jours de sa venue à Vancouver pour son spectacle de stand-up en langue anglaise Oh my Gad.

Inspiré par le modèle américain

Gad Elmaleh a toujours eu un pied entre plusieurs continents. Possédant une triple nationalité marocaine, canadienne et française, il grandit au Maroc avant de poursuivre des études de sciences politiques à l’Université McGill de Montréal. C’est en tant qu’humoriste, scénariste et réalisateur que sa carrière décolle en France et plus largement auprès d’un public francophone international.

Après 20 ans d’une carrière fructueuse, l’ambition de Gad Elmaleh le porte vers un nouveau projet : celui de s’exporter internationalement, de repartir de zéro ailleurs. Le défi est double : faire rire un public anglophone dans la langue de Shakespeare, et réussir ce tour de force en Amérique du Nord, berceau du genre du stand-up. Gad Elmaleh a toujours été attiré par les États-Unis, nous explique-t-il : « Il y a une fascination du stand-up américain, des artistes américains que j’admire, donc c’est un peu une manière de m’approcher de cet univers-là ».

Parmi les différentes écoles du rire, le stand-up (apparu à la fin du 19e siècle en Amérique) est une discipline qui possède des codes précis. Seul sur scène, sans décor ni accessoires, un humoriste prend son public à parti en racontant des histoires et en improvisant au fur et à mesure de sa performance.

Pour les besoins de cet objectif professionnel, Gad Elmaleh s’est installé à Manhattan depuis un an. L’idée a fait du chemin avant d’être concrétisée puisque l’humoriste nous explique qu’elle « germe depuis une vingtaine d’années » car il voulait « vivre à New York depuis très longtemps ».

La recherche du frisson

Se produire à New York, « c’est génial, c’est excitant ». Gad Elmaleh nous décrit ce frisson qu’il ressent et après lequel il court : « C’est ce que l’on cherche à un moment donné lorsque l’on est artiste : de retrouver le désir et l’excitation, les papillons dans le ventre avant un show ».

L’humoriste nous confie volontiers qu’il aime beaucoup jouer en français même si, par la force des choses, les sensations sont moins intenses. Rien ne semble pouvoir remplacer le goût de l’inédit : « C’est important de sortir de sa zone de confort pour donner quelque chose de nouveau. Ça nécessite des ruptures pour être stimulé à nouveau ».

Gad Elmaleh et sa soif de nouveauté nous montrent que la vie est cyclique, que l’accomplissement d’un objectif ne marque pas la fin de la course. « On a beau faire le métier pendant 20 ans, on recherche toujours la confirmation ». La confirmation du talent, la séduction du public quand ce public n’est pas là pour vous faire de cadeau et que vous êtes un artiste inconnu parmi tant d’autres. « La complexité et le challenge viennent du langage, mais j’ai le reste dans les bases. Je suis comme un vieux comique qui est débutant ».

Gad Elmaleh travaille sans relâche sur son écriture et son interprétation lorsqu’il se produit à New York, construisant pierre par pierre un succès américain : « Les soirs où ça ne se passe pas bien, ce n’est pas très grave, je retourne chez moi et je travaille. Mais quand ça se passe bien, ils sont là pour rire, c’est très, très puissant, c’est très fort. Le fait de plaire à des gens qui ne me connaissent pas, c’est exactement comme si on séduit une femme qui ne sait pas qu’on est connu. C’est génial, on se sent aimé. »

Faire rire : une science universelle ?

La langue n’est pas le seul rempart à franchir pour conquérir de l’Amérique. Les publics des différents continents ont des sensibilités propres, que cela soit au niveau des références culturelles ou bien du format attendu de l’humour.

« Le public américain me pousse dans une efficacité dans l’écriture qui est implacable », observe l’humoriste. « Il y a des choses que j’aime là-dedans, cette efficacité et le fait d’être très, très sharp, mais il me manque parfois (quand je vois les comiques américains ou la réception du public) cette forme de charme, de douceur, de jeu, de la théâtralité que nous avons en Europe. Et ce que j’essaie de faire, c’est un mélange des deux. »

Avec le public américain, Gad Elmaleh remarque cette volonté d’aller droit au but et de ne pas utiliser trop de mots : « Sur scène, il y a cette économie de mots, mais j’introduis quand même cet ADN artistique, c’est-à-dire la gestuelle, les expressions du visage, je n’ai pas envie de devenir un comédien de stand-up comme beaucoup d’Américains. »

La tradition française a toujours défendu avec ferveur la place de l’humour dans la société, allant parfois jusqu’à considérer le fait de rire d’utilité publique. Le voyage de l’humour entre différentes cultures passe par la maîtrise d’une nouvelle langue et cette difficulté de taille est certainement la raison pour laquelle peu d’artistes se lancent dans ce défi. « Je pense que c’est très important qu’on ait des humoristes de plein de pays qui viennent raconter leurs histoires, leurs cultures, en anglais ou alors échanger les langues comme Eddie Izzard peut le faire avec l’allemand et le français », rajoute Gad Elmaleh. Il nous confie d’ailleurs avoir le projet de faire un spectacle au Maroc en parlant en majorité le darija (l’arabe marocain).

Gal Elmaleh est ravi de revenir à Vancouver qui est une ville qu’il apprécie pour son « apaisement » et sa « modernité ». Et de conclure : « Nous, les humoristes, dans le monde entier, on a intérêt à vraiment faire le passage aux autres langues pour essayer que ça voyage un maximum ».

Chose promise, chose due puisque l’artiste est actuellement en pleine tournée dans toute l’Amérique du Nord. Un rendez-vous à ne pas manquer !

 

Oh my Gad
Au Vogue Theatre à Vancouver,
le 6 septembre à 20h30.