Des réseaux sociaux aux centres d’art : portrait du collectif de femmes indigènes « ReMatriate »

Photo de ReMatriate

Photo de ReMatriate

Les femmes des Premières Nations forment une population unique sur les plans démographique, culturel et socioéconomique. Tout en ayant des intérêts, des préoccupations et des défis en commun avec les femmes non autochtones, les femmes des Premières Nations ont des revendications spécifiques : obtenir plus de respect et de reconnaissance au sein de la société canadienne moderne tout en préservant les langues et les traditions ancestrales.

Le centre culturel vancouvérois Western Front a apporté son soutien à cette cause en invitant l’artiste et activiste autochtone Jeneen Frei Njootli. En résidence du 12 septembre au 24 novembre 2016, Jeneen mène une recherche sur les femmes autochtones qui s’illustrent dans le domaine politique, intellectuel ou artistique. Les portraits, une fois rédigés, sont publiés au fur et à mesure sur Internet et les réseaux sociaux.

Une artiste pluridisciplinaire engagée

Jeneen Frei Njootli est d’origine Vuntut Gwitchin et a vécu dans le Yukon et l’Alberta avant de faire ses études à l’université Emily Carr à Vancouver. Ses créations portent sur l’identité, la représentation et l’activisme politique des peuples autochtones.

Artiste reconnue dans le milieu institutionnel, ses œuvres ont intégré les collections permanentes de l’Aboriginal Affairs and Northern Development Canada Art Gallery. Elle a aussi participé à de nombreuses expositions collectives et la GAM Gallery lui a consacré une exposition individuelle à Vancouver en 2015.

« Les images sont porteuses de sens. Il y a quelques années, je faisais surtout des vidéos. Puis j’ai commencé à créer des performances et des enregistrements sonores et je continue dans cette voie. L’espace joue un rôle important dans mon travail. »

Un membre fondateur du collectif ReMatriate

Au centre d’art Western Front, elle bénéficie d’un espace pour mener à bien ses recherches sur les femmes autochtones. Dans la continuité de sa démarche artistique, ce projet est aussi directement lié aux activités de ReMatriate, un collectif féministe autochtone qu’elle a cofondé en 2015.

« Il y a des designers, des artistes, des architectes, des mannequins, des chanteuses, des spécialistes du droit. Nous venons des quatre coins du Canada, de groupes autochtones très différents, et nous restons en communication grâce aux réseaux sociaux », explique Kelly Edzera-Bapty, l’une des fondatrices de ReMatriate.

Tout a commencé au printemps 2015, lorsque la marque de prêt-à-porter Dsquared2 a présenté D-Squaw, une collection inspirée par les habits traditionnels et cérémoniels des Premières Nations. La campagne publicitaire a suscité de nombreuses interrogations et critiques. Beaucoup y ont vu une accumulation de stéréotypes racistes et sexistes. D’autres, une énième usurpation des traditions et des codes vestimentaires autochtones à des fins commerciales.

D’après Kelly, « c’est à ce moment-là que l’on s’est posé la question de l’image des femmes autochtones véhiculée dans les médias. Comme le constat n’était pas très positif, on a décidé de s’unir pour créer une campagne où des femmes s’expriment sur leur parcours, leur culture et leur identité. C’est aussi une manière de montrer la diversité des Premières Nations du Canada. »

Le collectif ne cesse de s’agrandir et espère attirer des femmes de tous les âges. Pour Jeneen, « la présence des anciennes, leurs témoignages, sont essentiels. Nous espérons en avoir plus dans le futur. » Sa résidence prend fin le 24 novembre et une soirée de clôture gratuite et ouverte à tous aura lieu à partir de 19 h dans le Grand Lux Hall de Western Front (303 East 8th Avenue). Une belle occasion de rencontrer l’artiste et les membres du collectif ReMatriate.

https://www.facebook.com/ReMatriate-403804606447923/

Le retour au pouvoir des femmes

Voici ce qu’annonce la porte-parole du collectif ReMatriate : « Le fait d’appeler le collectif ReMatriate n’est pas anodin. C’est une manière de critiquer le système patriarcal et machiste que les colons ont imposé à nos ancêtres. Avec ReMatriate on retrouve le pouvoir et la fierté originelle des femmes autochtones. » En effet, la plupart des sociétés autochtones de la côte ouest du Canada sont traditionnellement basées sur le modèle matriarcal. La transmission du nom de famille, de l’héritage et du patrimoine est censée se faire par les femmes. Leur pouvoir décisionnel est très important dans les cérémonies. Elles peuvent, par exemple, bannir des personnes de leur communauté.