Jour du Souvenir, l’éternel débat

Tous les 11 novembre, on observe deux minutes de silence à 11 heures. | Photo de la Légion royale canadienne

Tous les 11 novembre, on observe deux minutes de silence à 11 heures. | Photo de la Légion royale canadienne

Le 11 novembre marque la fin de la Première Guerre mondiale. La date a été choisie pour rendre hommage aux plus de 110 000 soldats qui, depuis la création du Canada, sont morts en défendant leur patrie. Instaurée en 1931 sous le nom de Jour du Souvenir, cette journée ne reçoit pas le même traitement dans tout le pays. Tandis qu’elle fait l’objet d’un congé payé en Colombie-Britannique ou au Yukon, cette date n’est pas fériée au Québec ou en Ontario. La question se pose donc bien : le Jour du Souvenir devrait-il être congé à l’échelle nationale ?

Il s’agit d’un débat sur lequel beaucoup d’encre a coulé, avec pas moins de six initiatives parlementaires menées depuis 2004, toutes sans succès. L’année dernière encore, et malgré un soutien presque inédit des conservateurs, libéraux et verts, un projet de loi concernant le Jour du Souvenir s’est heurté aux délais de fin de législature et a failli être voté par la Chambre des communes et le Sénat avant leur dissolution.

La nouvelle session parlementaire entamée, le député fédéral pour Nova-Ouest (Nouvelle-Écosse), le libéral Colin Fraser, a relancé le débat en déposant en septembre dernier l’énième projet de loi portant sur le Jour du Souvenir. Le texte est présentement à l’étude du Parlement.

De jour férié à fête légale

En vigueur depuis les années 1970, la loi instituant certains jours de fête légale attribue au 11 novembre le caractère de jour férié. Or, c’est au niveau provincial que sont décrétées la plupart des fêtes donnant droit à un jour chômé et payé. De ce fait, le Jour du Souvenir est congé dans six provinces (Colombie-Britannique, Alberta, Saskatchewan, Terre-Neuve-et-Labrador, Nouveau-Brunswick et Île-du-Prince-Édouard) et dans les trois territoires (Yukon, Territoires du Nord-Ouest et Nunavut). En revanche, le Québec, l’Ontario, le Manitoba et la Nouvelle-Écosse n’ont pas retenu cette date dans leur calendrier de jours fériés. Dans ces quatre provinces, seuls les fonctionnaires fédéraux et les employés des sociétés d’État bénéficient d’un congé payé.

La motion de monsieur Fraser vise à changer le statut du Jour du Souvenir en modifiant la désignation de jour férié pour celle de fête légale, telles la Fête du Canada (le 1er juillet) et la Fête de Victoria (observée le lundi précédant le 25 mai). Le projet de loi prévoit également que lorsque le 11 novembre tombe un samedi ou un dimanche, le jour de fête légale soit observé le lundi qui suit.

Une éventuelle adoption de ce projet de loi n’obligerait pas le Québec, l’Ontario, le Manitoba et la Nouvelle-Écosse à marquer le 11 novembre dans leur calendrier de journées fériées car les provinces auraient toujours le dernier mot. Cependant, il leur deviendrait par la suite difficile de justifier une telle absence.

Ne pas en faire un congé ordinaire

Le coût économique qui serait attaché à l’ajout d’un jour de congé s’avère une des raisons qui expriment le mieux la fermeté qui existe dans ces quatre provinces. Par exemple, l’actuel gouvernement québécois estime que cela entraînerait une perte de productivité de l’ordre de 600 millions de dollars.

Cameron Cathcart fait partie du Comité du Jour du Souvenir de Vancouver qui regroupe 45 organisations. | Photo de Cameron Cathcart

Cameron Cathcart fait partie du Comité du Jour du Souvenir de Vancouver qui regroupe 45 organisations. | Photo de Cameron Cathcart

Mais c’est surtout la crainte que le Jour du Souvenir ne devienne aux yeux des Canadiens qu’un simple jour férié qui génère davantage de réserves, notamment parmi les associations d’anciens combattants. « Si on donne aux Canadiens des vacances, il est possible qu’ils ne prennent pas le temps de se souvenir », souligne Bill Maxwell, officier supérieur de la Légion royale canadienne, une des organisations de vétérans qui s’oppose à un Jour du Souvenir férié dans tout le pays. « Cela n’aiderait pas à incrémenter la prise de conscience autour du Jour du Souvenir », rajoute monsieur Maxwell, pour qui l’éducation et la commémoration doivent rester les spécificités permettant d’honorer les soldats canadiens morts au combat.

Responsable des cérémonies du Jour du Souvenir à Vancouver, Cameron Cathcart est d’un avis différent. Convaincu qu’il y a actuellement une revivification de l’intérêt pour la mémoire de guerre, Cathcart considère qu’un congé à l’échelle nationale contribuerait à « focaliser plus d’attention » sur l’ascendance de cette date. « Je voudrais bien que le Jour du Souvenir soit férié dans tout le pays ; il s’agit d’une date dont le pays entier doit être fier », précise-t-il.