Maman au travail et papa… à la maison

Photo de Personal Creations

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« Moi, quand je me lève le matin, c’est pas maman qui me fait à déjeuner et qui s’occupe de ma sœur et moi pendant la journée. Non, c’est mon papa ! ». Préparez-vous, il se pourrait fort bien que vous entendiez de plus en plus de telles paroles d’enfants dans votre entourage. Pourquoi ? Parce que le profil du parent au foyer a évolué au Canada au cours des 40 dernières années : il est de plus en plus masculin ! Voilà ce qui ressort d’une récente enquête de Statistique Canada.

Depuis des décennies, le modèle familial change au Canada. À la famille nucléaire viennent maintenant s’ajouter la famille recomposée, la famille monoparentale, la famille élargie et l’homoparentalité. Bien que la famille nucléaire, composée d’un couple avec enfant(s), demeure le modèle de famille traditionnelle le plus répandu, certains changements ont été remarqués au sein de celui-ci. Pendant que maman regarde ses courriels du travail et assiste à des meetings qui se terminent en 5 à 7, c’est papa qui fait le lavage, conduit les enfants à l’école et change les couches.

Troquer le crayon pour le biberon

Que peut bien pousser un journaliste, par exemple, à laisser son crayon de côté pour manipuler le biberon toute l’année ? Eh bien, la raison économique semble arriver en tête de liste. « De manière générale, on constate que les pères au foyer ont très souvent un revenu inférieur à la conjointe (…). Aujourd’hui, je pense que 30 % des femmes au Canada ont un revenu supérieur à leur conjoint, donc cela peut conduire à ce type de changement, soit un renversement des rôles traditionnels », lance Diane-Gabrielle Tremblay, professeure à l’École des sciences de l’administration à la Télé-université du Québec et auteure de diverses publications liées, entre autres, à la conciliation travail/famille.

Diane-Gabrielle Tremblay, s’intéresse au phénomène des pères au foyer. | Photo de TÉLUQ

Diane-Gabrielle Tremblay, s’intéresse au phénomène des pères au foyer. | Photo de TÉLUQ

Il semble que le chômage et les récessions pourraient également expliquer une telle hausse des pères s’occupant des enfants à plein temps. « Pour le Canada anglais, c’est un peu plus difficile à expliquer si ce n’est que lors des périodes de crises économiques, comme celle de 2008-2012, il y a peut-être un peu plus de pères qui ont perdu leur emploi, en Ontario par exemple. Les hommes, issus souvent des secteurs industriel et manufacturier, sont plus touchés par une récession que les femmes, qui elles se trouvent majoritairement dans le secteur des services qui progresse au Canada », ajoute-t-elle.

De plus, l’augmentation du niveau de scolarité des femmes et la croissance de leur activité sur le marché du travail au cours des dernières décennies a provoqué ainsi une hausse du nombre de familles à un soutien ayant un parent au foyer, notamment le père.

Papa à la maison pour de bon ?

Bénéficier d’un congé de paternité pourrait aussi conduire à exercer le métier de père au foyer. Le Québec, et les pays nordiques comme la Suède et la Norvège, sont les seuls endroits au monde à offrir un congé réservé aux pères et non transférable à la mère lors de la naissance d’un enfant. « Aujourd’hui, près de 80% des pères québécois prennent ce congé de paternité de 3 à 5 semaines. Et l’expérience des pays nordiques nous montre que lorsque les pères interviennent à la naissance, ils auront tendance par la suite à s’impliquer davantage. Donc, pour le Québec, ce même phénomène peut se produire. Cela devient donc plus naturel et plus normal pour eux – de devenir pères au foyer – puisqu’ils l’ont fait lors de leur congé de paternité », tente-t-elle d’expliquer.

À ces motivations poussant les pères à demeurer à la maison s’ajoute également le changement de mentalité que connaît le pays ; on pointe de moins en moins l’homme optant pour le métier de père au foyer. De plus en plus, les pères accompagnés de leurs enfants se font présents dans les parcs, les théâtres et les piscines municipales. Donc, ne soyez pas surpris de voir de plus en plus de salles familiales dans les lieux publics, permettant par exemple aux papas de changer la couche de fillette, en toute intimité !

Quelques statistiques
Statistique Canada définit un parent au foyer comme étant une personne dans une famille comptant un couple ayant au moins un enfant de moins de 16 ans à la maison, qui n’avait pas d’emploi ni d’entreprise, n’était pas à la recherche de travail, ne fréquentait pas l’école et ne souffrait pas d’une incapacité permanente durant la semaine de référence de l’enquête; les parents en congé de maternité ou en congé parental ne sont pas considérés comme des parents au foyer s’ils ont un emploi qu’ils reprendront après leur congé – ils sont considérés comme ayant un emploi et étant absents du travail.

10 % : Parmi les familles canadiennes ayant un parent au foyer, le père reste à la maison dans 10 % des cas en 2015, comparativement à 1,4 % en 1976.
32 000 : Le nombre de familles canadiennes ayant un père au foyer a augmenté de 32 000 entre 1976 et 2015.
18 % : 18 % des familles comptant un couple avec enfants ont un parent au foyer en 2015, comparativement à 53 % en 1976.
10 % : De 1976 à 2015, la proportion des pères au foyer a augmenté d’environ 10 % en Colombie-Britannique, plaçant la province au troisième rang, après les Provinces de l’Atlantique (18 %) et le Québec (13 %).
44,5 : L’âge moyen des pères au foyer canadiens est de 44,5 ans.
35,8 % : 35,8 % des pères au foyer ont un diplôme d’un collège ou d’une école de métier, 30 % un diplôme d’études secondaires, 22,3 % un diplôme universitaire, et 11,9 % un niveau inférieur à des études secondaires.
Source : Mégatendances canadiennes de Statistique Canada, Enquêtes sur la population active, 1976 à 2015