Eastside Culture Crawl : Dans l’intimité de la scène artistique de Vancouver Est

Le Studio A à la Arts Factory Society, un espace de création partagé. | Photo par Clémence Beurton

Le Studio A à la Arts Factory Society, un espace de création partagé. | Photo par Clémence Beurton

Avez-vous un jour voulu savoir ce qui se passe dans le studio d’un artiste ? Le rencontrer, connaître les détails de son processus créatif et de son propos artistique ? Avoir accès à ce lieu mystérieux, parfois sacré, où l’Art se produit ?

Originellement créé en 1997 par un groupe de 45 artistes de Strathcona intéressés par le contact avec le public, le Eastside Culture Crawl (ECC) fait de ce vœu une réalité. Plus de 475 artistes et créateurs locaux installés dans quelque 80 bâtiments situés entre Columbia Street, 1 st Avenue, Victoria Drive et Waterfront downtown vous ouvriront leurs portes.

Vancouver Est – Un quartier historique, des artistes locaux

Les rues qui relient les ateliers des participants sont parmi les plus anciennes de Vancouver. Une occasion de redécouvrir Strathcona, d’entrer dans les maisons multicolores classées « Heritage House » et dans des bâtiments commerciaux de la fin du 19e siècle pour y rencontrer les artistes qui y vivent et y travaillent. Pour exemple, le 1000 Parker Street, construit en 1913 par la Restmore Manufacturing Company, qui abrite plus de 50 studios d’artistes, est l’un de ces entrepôts. De même, l’une des usines bâties dans les années 1930 près de Terminal Station, lorsque le réseau ferroviaire a été remplacé par le transport routier, accueille aujourd’hui la Arts Factory.

Néanmoins, cette notion de quartier connaît des limites. En effet, « les studios des participants au ECC doivent impérativement se situer à Vancouver Est dans un périmètre bien défini », explique l’artiste Anthony Rolland1. Au contraignant critère territorial s’ajoute la pression immobilière qui menace les studios existants. « Nous faisons malheureusement l’expérience de pertes d’espaces de création », déplore Esther Rausenberg, directrice générale du ECC. « Cette année nous avons perdu l’immeuble du 339 Railway Street qui hébergeait plus de 30 artistes depuis plus de trois décennies. »

Aussi, le ECC, dont le mandat est notamment « de préserver et de promouvoir le développement et l’excellence des arts visuels au Canada », agit pour préserver au mieux ces espaces. « En coulisses », rappelle Esther Rausenberg, « le ECC soutient le développement de studios abordables et sûrs » et offre aux artistes une meilleure visibilité sur la scène artistique. Anthony Rolland confirme « Avant, j’exposais dans mon appartement et parfois dans certaines galeries. Ce n’était pas la même visibilité. »

Des liens plus étroits entre artistes et public

Porter la voix du peuple – Artistes et public s’inscrivent dans une même réalité sociale et partagent des préoccupations identiques. Ainsi, nombreux sont les participants du ECC qui accordent une importance au recyclage, au ré-emploi des matériaux et à la notion de slow movement.

« L’artiste a une place active dans la communauté », déclare la plasticienne Catherine Tableau2. « Je travaille avec des matériaux simples, recyclés si possible. Le fait que je récupère certains matériaux, c’est dans un esprit de slow movement. Ainsi, par mon travail, je questionne la société actuelle. »

Chantal Cardinal3 partage les mêmes considérations. « Je ne travaille qu’avec de la laine naturelle locale, une matière entièrement renouvelable et avec des teintures ayant peu d’impact sur l’environnement. Le gaspillage, la surconsommation et la fabrication de pièces jetables en masse m’ont toujours troublée. Mon travail consiste à rétablir le contact, comme un retour en arrière pour retrouver des valeurs qui on été perdues en chemin. »
Ces préoccupations communes rappellent l’importance de l’existence d’une scène artistique diversifiée dans la société. « L’artiste est aussi là pour porter la voix du peuple (vox populi) et revendiquer une société plus durable », affirme Catherine Tableau.

Le public invité à participer à la création artistique – Une attention particulière est portée au public qui peut intervenir dans le processus de création. C’est le cas des séances de portraits Camera Obscura de Ross den Otter qui a proposé une collaboration aveugle entre lui, le photographe enfermé dans sa boîte, et le public, à l’extérieur, qui devient ainsi le sujet de ses œuvres. True confessions, l’installation de Kate MacDonald vous propose de partager anonymement vos secrets. Collectées durant les derniers mois via le lien internet bit.ly/Confess2016, ces confidences sont recopiées sur des papiers multicolores et exposées au Hamilton Bank Building. Une partie de ces secrets sont rédigés avec des pigments thermosensibles et se révèle à la chaleur de la main. Le public devint ainsi émetteur et/ou récepteur de l’œuvre.

20 ans de transdisciplinarité et de diversité culturelle
Encourageant toutes formes d’arts et de création sans discrimination ni élitisme, le ECC a joué un rôle d’incubateur. Au fil des ans, il s’est étoffé, diversifié et rassemble désormais presque 500 peintres, bijoutiers, sculpteurs, potiers, tisseurs, photographes, souffleurs de verre, dont certains proposeront ateliers et démonstrations. Pour célébrer ses 20 ans, le ECC 2016 rend hommage avec As the crow flies à 70 artistes ayant participé au festival depuis sa création en les exposant à la Arts Factory, au Firehall Centre d’arts et au Cultch jusqu’au 28 novembre. Le Moving Art propose un montage de 6 vidéos à la Galerie Charles Clark jusqu’au 20 novembre. Hot Talks permet à une sélection de 8 artistes, designers et artisans de présenter leur travail le temps d’une soirée, le 9 novembre au 2206 Main Street. Enfin, By night with Torch and Spear le 28 novembre est l’occasion de voir 6 vidéos sélectionnées par Geoffrey Farmer parmi lesquels l’incontournable film expérimental de Chris Marker La Jetée sorti en 1962, ou encore Toute la mémoire du monde d’Alain Resnais sur les Archives nationales de Paris.

 

Le Eastside Culture Crawl se déroulera du jeudi 17 au dimanche 20 novembre dans divers lieux. Consulter la programmation du festival en ligne : www.culturecrawl.ca

1. Anthony Rolland présente The Crow vision dans le cadre de l’exposition As the crow flies.

2. Catherine Tableau présente Autoportrait à l’oiseau dans le cadre de l’exposition As the crow flies.

3. Chantal Cardinal présente Rug Hug dans le cadre de l’exposition As the crow flies.