Vancouver serait-elle la ville où il fait bon vivre ?

Tout frais arrivé à Vancouver, j’ai employé mes premiers mois à tenter de m’établir, de me trouver un boulot et de dénicher un logement convenable et permanent. Et, comme tout touriste ravi, j’ai absorbé ce que la nature avait à offrir. La cime des montagnes de la rive nord au-delà de la baie de Burrard est toujours panoramique. Et si on fait une balade en voiture sur la route Sea to Sky vers Whistler, on est comblé par la beauté des paysages. Pourvu qu’un individu ne colle pas de trop près au parechoc, une habitude dangereuse qui ne paraît que trop répandue en C.-B.

Pour la plupart des immigrants, la quête de travail dans leur profession est bien connue comme un mur plus haut et plus vertical que le Stawamus Chief, avec des dédales plus étroits et escarpés. Un diplôme étranger ne reçoit pas le même respect qu’un diplôme canadien. Je me demande pourquoi, alors que les exploits et les réussites surgissent dans le monde entier, souvent dans des pays non anglophones. Il suffit d’ouvrir n’importe quel exemplaire de la revue Canadian Immigrant pour y lire les déboires des nouveaux arrivants de partout au monde. Le portier ou le garde pourrait être un docteur en médecine. Les critères sont plus stricts pour les diplômés étrangers en médecine et en génie. Pourtant, il suffit de lire les journaux locaux pour y découvrir des erreurs techniques et médicales commises par des diplômés canadiens. Si le reste du monde adoptait une telle attitude, comment les Canadiens pourraient-ils travailler à l’étranger ?

J’ai appris avec surprise qu’il existe un programme de certification pour être concierge, assistant d’un assistant juridique, etc. Pour augmenter ses chances de nettoyer une salle de classe ou un bureau, on peut obtenir après huit semaines de cours ce qu’un collège appelle le Certificat de travailleur d’entretien des bâtiments. Ne serait-il pas préférable que la formation se fasse sur le tas, adaptée à l’équipement et aux produits nettoyants de l’édifice en question ? On pourrait ainsi épargner les frais d’inscription.

J’ai été surpris de voir combien de mères promènent leurs poussettes de bébés dans les transports publics. Je vois rarement ça aux États-Unis. En fait, je ne me souviens pas d’en avoir aperçu une seule. Ce qui m’amène à la cause principale de ce phénomène : les autos sont plus coûteuses ici que là-bas, comme le souligne la télévision canadienne. Là où ça se complique, c’est la rareté relative d’espaces de stationnement à Vancouver, même aux petits centres commerciaux de type linéaire. En plus, le monopole de l’assurance automobile que détient ICBC impose des primes deux ou trois fois plus élevées que dans les autres pays. Cette politique étouffe le mouvement et, par conséquent, l’économie.

Ou c’est peut-être le prix de l’essence ? Ce serait attribuable à la taxe provinciale, au petit nombre de raffineries en opération, ou à la réserve mondiale. Pourquoi, malgré la saturation globale de pétrole, l’essence est-elle beaucoup meilleur marché à Blaine, Washington ? Pourquoi les prix à la pompe à Quesnel, Lillooet ou même à Abbotsford, Chilliwack et Hope sont-ils considérablement plus bas qu’à Vancouver, Surrey ou Burnaby ?

Sous un système de gestion des provisions, un euphémisme pour de justes remboursements aux fermiers par le contrôle des prix du lait, des œufs et de la viande, les comptes d’épicerie plus élevés frappent durement les travailleurs et les familles au salaire minimum. Même si on tient compte du taux d’échange, du kilométrage et des droits de douane, c’est souvent plus économique de faire ses achats outre-frontière. Si vous avez une voiture, bien entendu. Quand les forces du marché sont étroitement contrôlées, les premières victimes sont les pauvres, qui ne peuvent attendre les remboursements de la TPS.

Le Canada prétend être une société polie. Pourtant on entend les mots m…de ! et put..n ! aussi fréquemment que les agaçants tintements des téléphones mobiles. Si la langue parlée est considérée comme une manifestation des bonnes manières, une étude récente a trouvé que les Canadiens ne sont pas plus polis que les Américains. Donc, les États-Unis aussi peuvent se prétendre une société polie selon les normes canadiennes.

Vancouver a souvent été classée l’une des villes les plus vivables par la revue The Economist. Je me demande à qui parle The Economist. Pas à une bonne représentation des salariés moyens, sûrement.