Le populisme au Canada : dérive idéologique, danger réel ou forme de démocratie directe ?

Photo par Dr. Case

Le 20 janvier dernier, nos voisins américains ont vécu un moment historique, la prise de fonction d’un nouveau président. Un élu politique dont le discours a été qualifié de « populiste » lors de sa campagne. Ce terme désigne une idéologie, une rhétorique qui vise à mettre en opposition le peuple et les élites. Le politicien se présente comme un sauveur capable de mettre fin à l’inefficacité des élites politiques, à leur illégitimité. « Make America Great Again », tel est son leitmotiv, pour le meilleur ou pour le pire.

Pendant ce temps-là, de l’autre côté de la frontière, certaines provinces canadiennes préparent leurs élections législatives. En Colombie-Britannique, les citoyens seront appelés à voter le 9 mai 2017 pour élire leurs députés. Dans ce contexte, les partis politiques et leurs représentants cherchent à convaincre les électeurs. Seraient-ils tentés par le discours populiste de leur homologue américain ?

De la démocratie directe au populisme institutionnalisé

Depuis 1916, le gouvernement de la Colombie-Britannique a l’habitude d’organiser des référendums sur des questions relatives aux politiques publiques. Voté en 1990, le Referendum Act reconnaît légalement ce procédé démocratique semi-direct. Depuis, de nombreuses municipalités de la province font appel à ce système.
Les habitants de West Kelowna ont par exemple eu la possibilité de voter pour ou contre la construction d’une nouvelle mairie en 2016.

D’après Norman Ruff, professeur de Sciences politiques à l’Université de Victoria, la démocratie semi-directe canadienne trouve ses origines dans les années 1920. Une période profondément marquée par des révoltes populaires (travailleurs agricoles et ouvriers) face aux grandes firmes afin d’obtenir plus de pouvoir sur le plan démocratique.

Les principaux partis politiques actuels ont d’ailleurs été créés dans ce contexte. C’est la raison pour laquelle Norman Ruff et d’autres spécialistes parlent de « tradition populiste » ou de « populisme institutionnalisé » pour qualifier la politique menée par les gouvernements successifs en Colombie-Britannique.

Du populisme aux populismes canadiens

Née dans un contexte protestataire, la « tradition populiste » de la Colombie-Britannique s’inscrit directement dans la lignée des mouvements socialistes et progressistes du début du XXe siècle. Alors qu’elle perdure au sein des institutions politiques de la province, l’idéologie populiste de gauche n’a plus la cote aujourd’hui au sein des partis politiques.

Des politiciens comme Glen Clark – représentant du Nouveau Parti Démocratique (NPD) en Colombie-Britannique dans les années 1990 – tenaient un discours très critique envers les autres partis politiques et leurs relations avec le monde des entreprises et de la finance. Ces orientations ont progressivement été abandonnées, notamment après la défaite du NPD aux élections provinciales de 2001.

Maintenant, c’est communiquer directement avec son électeur ? | Photo par Dorothea Lange

À l’inverse, au fédéral, des partis politiques de droite comme le parti de la Réforme (1987–2000), l’Alliance canadienne (2000–2003) ou le Parti conservateur du Canada (depuis 2003) emploient souvent des discours plus ou moins populistes de type antiétatique, anti-taxe, socialement conservateurs, voire identitaires comme le parti québécois Union nationale (1935–1989).

La Colombie-Britannique étant la championne du multiculturalisme, les discours populistes identitaires trouvent peu d’échos chez les électeurs. C’est du moins ce qu’affirme David Laycock, professeur en Sciences politiques à l’Université Simon Fraser de Vancouver : « Au niveau national, des politiciens comme Kelly Leitch (Parti conservateur du Canada) sont tentés par le discours anti-musulman de Donald Trump. Par contre, cela ne marche pas en Colombie-Britannique où la tolérance prédomine. »

Les réseaux sociaux, une nouvelle voie pour les populismes

Le développement fulgurant des réseaux sociaux et de leur nombre d’utilisateurs a permis aux représentants politiques de « communiquer directement avec les électeurs sans passer par les médias traditionnels ». Comme le souligne Trevor Harrison, professeur de sociologie à l’Université de Lethbridge en Alberta, ce type d’échange correspond parfaitement à l’idéologie populiste, volontairement proche des gens ordinaires et sceptique envers des médias contrôlés par les grands groupes audiovisuels.

C’est sans doute pour cette raison que le populisme protestataire de gauche connaît aujourd’hui un renouveau au sein des groupes écologistes et féministes indépendants de la Colombie-Britannique.

Les réseaux sociaux pourraient donner lieu à un nouveau type de populisme. Avec des groupes internationaux comme les Anonymous, peut-on parler de cyberpopulisme ? Le champ des possibles est ouvert !