Aucun des films candidats à remporter l’Oscar du meilleur long-métrage ce 26 février n’est réalisé par une femme. Il en va presque de même pour les prix Écrans canadiens, où seulement un des 10 films nommés dans la principale catégorie a une femme comme auteur. Loin d’être un élément anecdotique, ce déséquilibre existant au sein de l’industrie du film s’avère entièrement structurel. Tous les points sur les « i » à l’occasion de la 12e édition du Vancouver International Women in Film Festival (VIWIFF), qui se tient du 8 au 12 mars prochain.
Aujourd’hui, l’égalité hommes-femmes va ou, en tout cas, devrait aller de soi. Toutefois, le cinéma et l’ensemble de l’industrie de l’audiovisuel continuent à être soupçonnés de sexisme et de discrimination envers les femmes. Peu importe les statistiques auxquelles l’on se rapporte ou les données des pays que l’on passe au crible, un constat inébranlable en émane toujours : les femmes sont toujours moins nombreuses, systématiquement reléguées à un second plan.
Compte tenu de cette réalité, et afin d’accroître la sensibilisation et d’y trouver remède, un festival diffusant des œuvres cinématographiques réalisées ou écrites par des femmes se tient tous les ans depuis 2006 à Vancouver. Il s’agit du VIWIFF qui est, conjointement avec ceux de Toronto et de Saint-John, un des trois rendez-vous canadiens mettant en valeur la production cinématographique sous l’emprise féminine.
Emploi et représentation à l’écran
Selon le rapport de janvier 2017, publié par l’Association canadienne des producteurs médiatiques, les femmes réalisent 17 % des films produits au Canada. En ce qui concerne les postes de direction de photographie ou écriture de scénario, ce pourcentage est de 12 % et 22 % respectivement. « Les femmes sont vues comme un risque, pas comme un avantage » affirme la productrice et réalisatrice Sharon McGowan, qui, dans le cadre du VIWIFF, modérera une table ronde sur les initiatives de promotion de la parité lancées par l’Office national du film du Canada.
Également professeure au département de Théâtre et Film de l’Université de la Colombie-Britannique, Mme McGowan constate la « terrible position » des femmes qui, une fois diplômées « ont plus de difficultés que leurs collègues masculins pour décrocher un travail au sein de l’industrie du film ». « L’emploi n’est pas la seule problématique liée au manque de parité », expose la directrice exécutive du VIWIFF Carolyn Combs, qui soutient que cette situation « mine le potentiel de richesse de l’industrie et a un impact négatif sur la représentation de filles et de femmes à l’écran ». « En réponse à cela, les films de notre festival offrent des rôles modèles pour les femmes », rajoute Mme Combs.
Présence francophone
La présence francophone au VIWIFF est confiée cette année à un long métrage français et deux courts métrages belge et québécois. Lutine est le projet très personnel de la Française Isabelle Broué, qui propose une exploration sur la polyamorie, concept qui renvoie au fait d’avoir plusieurs relations amoureuses dans un cadre consensuel. Il s’agit également de son deuxième long métrage, dix-ans après Tout le plaisir est pour moi, qui avait fait plus de 200 000 entrées en France. Selon Isabelle Broué, l’épreuve la plus difficile pour une femme cinéaste est « le décrochage » ayant lieu après la maternité. « Quand on essaie de revenir dans l’industrie après avoir eu des enfants, les producteurs se demandent si vous pourrez être dans un tournage pendant deux ou trois mois, souvent loin de vos enfants », témoigne Mme Broué.
« Je ne trouve pas qu’en Belgique ce soit plus dur pour moi qui suis une femme de mener des productions cinématographiques », concède la directrice Emmanuelle Nicot dont le court métrage À l’Arraché sera diffusé à Vancouver après avoir récolté de nombreuses récompenses dans différents festivals européens. Dans À l’Arraché, Emmanuelle Nicot aborde la bienveillance comme forme de pouvoir à travers l’histoire de deux amies dont l’amitié est en train de se briser. Mme Nicot assure s’entourer de beaucoup de femmes dans son travail de cinéaste. « J’aime donner des postes clefs à des femmes pour des questions de sensibilité respective », assure la réalisatrice belge, qui conçoit ses films « quasi toujours du point de vue féminin ».
La représentante québécoise au VIWIFF sera Noémie Brassard avec son court métrage Enjambées, un documentaire qui met en scène une jeune fille de 10 ans avec un pied dans l’enfance et l’autre dans l’adolescence. Avec ce film, Mme Brassard a voulu aborder de manière franche ce qu’est l’entrée dans l’adolescence pour une fille. « Il y a quelque chose de particulièrement troublant dans l’arrivée des seins, du poil, des menstruations chez la jeune fille. Je trouve important que nous en parlions », indique cette cinéaste québécoise qui s’intéresse essentiellement aux personnages féminins pour une question d’identification. « Je m’y reconnais dans toutes leurs ambiguïtés et leurs doutes, ainsi que leur force », exprime-t-elle.
Reste à voir maintenant si de telles initiatives, comme le Vancouver International Women in Film Festival, conduiront les femmes à se tailler une place plus importante dans le monde audiovisuel !