Racisme et discrimination : quelle réalité pour les francophones de Colombie-Britannique ?

« Where is your accent from ? » Si vous êtes francophones et que vous venez d’arriver en Colombie-Britannique, vous ne manquerez pas d’entendre cette question bienveillante, parfois taquine, voire même un tantinet sournoise. Nos accents nous trahissent, mais peuvent-ils jouer en notre défaveur lors d’un entretien d’embauche ou d’une rencontre ? Problèmes d’intégration, discrimination, racisme, quelle est la situation des francophones du Canada, d’Europe et d’Afrique au pays du vivre ensemble ?

Ximena Londoño est chargée de l’accueil des immigrants au sein du Programme d’immigration francophone de la Colombie-Britannique. Son rôle est d’aider les nouveaux arrivants francophones à s’installer dans la région et à s’intégrer sur le plan social et professionnel. Aucun cas de discrimination ou de racisme ne lui a été signalé depuis son entrée en poste en 2014. Par contre, elle reconnaît que la personnalité et la langue font la différence dans le processus d’intégration. « Être extraverti est un plus, la connaissance de l’anglais aussi. La culture, même si elle est différente, n’est pas une barrière en soi ».

Cette opinion est aussi partagée par Pauline Gobeil, originaire du Lac Saint-Jean au Québec et présidente de la Société francophone de Victoria : « La connaissance de la langue anglaise est indispensable pour s’intégrer à tous les niveaux en Colombie-Britannique. La langue est la première chose à maîtriser afin de se trouver un emploi, ce qui assure une intégration à long terme. »

Espoir et Marie-Pier sont deux jeunes francophones qui se sont récemment installés à Vancouver. Leurs expériences confirment les propos de Ximena Londoño et Pauline Gobeil.

Espoir : « J’ai grandi au Burundi jusqu’à mes 14 ans puis je suis allé vivre en Belgique. Je suis arrivé au Canada il y a quatre mois et je n’ai pas vécu des situations de racisme ou de discrimination. Je ne connais pas de francophone à qui c’est arrivé non plus. J’ai pu trouver du travail et me lier d’amitié avec des Canadiens anglophones parce que je parlais déjà bien l’anglais avant mon arrivée. »

Deux mains jointes en symbole de paix, rappelant une colombe. | Illustration par Arthur Bayard

Marie-Pier : « J’ai grandi dans la région de Québec et avant d’arriver à Vancouver, j’étais stressée par le milieu anglophone. J’ai trouvé un poste dans les effets visuels pour le cinéma et ça se passe très bien !
Dans ce milieu, les gens sont patients, ils ne vont pas essayer de te corriger ou de te mettre de côté parce que tu n’es pas anglophone. C’est peut-être parce qu’ici tout le monde vient de partout et il y a beaucoup d’accents différents. À Vancouver, les gens sont contents d’en apprendre plus sur les Québécois. Mais c’est vrai que parfois des anglophones me taquinent sur mes origines. Certains me disent que je suis Française et je dois leur expliquer que je me sens avant tout Canadienne. »

« Le syndrome de l’immigrant »

Annie est originaire du Cameroun. Installée au Canada depuis plus de 25 ans, elle constate que certains de ses compatriotes ont le syndrome de l’immigrant. Ils adoptent, à tort, une attitude défaitiste et négative. Ils ont le sentiment que leur statut d’étranger ou leur couleur de peau causent leur échec en termes de
recherche d’emploi.

D’après Annie, « Les immigrants doivent accepter que leurs diplômes ne sont pas reconnus ici comme ils étaient reconnus dans leur pays d’origine. Il faut accepter que dans la société d’accueil les choses se passent autrement. Il faut accepter de recommencer pour mieux s’adapter et mieux réussir. »

Plus facile à dire qu’à faire pour Débora. Belge d’origine ivoirienne, elle habite au Canada
depuis plus de trois ans. Ses tentatives d’équivalence de diplômes ayant échoué, Débora a essayé de travailler dans des écoles en tant que bénévole. Là encore rien n’était simple, elle devait monter un dossier de candidature et fournir de nombreux documents. Malgré tous ses efforts, ses demandes sont restées sans réponses. Sa volonté d’intégration s’est heurtée au silence des administrations. À tel point, qu’elle a fini par se demander si c’était à cause de sa couleur de peau.

La Fédération des francophones de la Colombie-Britannique doit agir plus pour lutter contre le racisme et les discriminations

D’après le recensement de 2011, la communauté francophone de la Colombie-Britannique comptait 70 655 personnes ayant le français comme première langue officielle parlée. 30 % de ces francophones sont issus de l’immigration, ce qui fait de cette communauté la population francophone la plus plurielle au pays. Il est donc difficile de proposer des services sociaux qui conviennent à tout le monde. Un Québécois n’aura pas les mêmes besoins qu’un réfugié de la République
Démocratique du Congo.

C’est la raison pour laquelle La Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (FFCB) développe depuis plus de dix ans des services et des événements pour lutter contre les discriminations raciales, religieuses et identitaires.

Il existe aujourd’hui trois centres d’aide aux immigrants francophones dans la province. Un à Vancouver (Maison de la francophonie, 1555, 7e Avenue Ouest, bureau 228), un à Victoria (531 rue Yates, bureau 301) et un centre d’intégration pour immigrants africains à New Westminster (720 12e rue). Celui de Victoria organise d’ailleurs La journée d’accueil des nouveaux arrivants le 19 mars prochain.

Même si l’immigration dans une région anglophone n’est pas toujours facile sur le plan social et professionnel, les francophones de Colombie-Britannique semblent moins sujets au racisme et aux discriminations par rapport à d’autres communautés. Mais, faute de sondages, d’enquêtes sociologiques et d’appel à témoins, ces phénomènes restent difficiles à analyser. À bon entendeur.