Coup de projecteur sur le volet « French French » au Festival DOXA

À l’heure où certains prônent le repli sur soi, les salles obscures de Vancouver, elles, s’apprêtent à éclairer davantage le monde. Le festival du film documentaire DOXA est de retour du 4 au 14 mai, avec pour la troisième année consécutive une programmation à l’accent français, « French French », qui propose une sélection ouvrant les perspectives cinématographiques et narratives, explorant de nouveaux territoires. Le documentaire, une écriture singulière, du cinéma à part entière et plus encore.

Sept et sept font treize d’après Thierry Garrel, (ancien directeur de la programmation documentaire de la chaîne de télévision franco-allemande Arte). Programmateur et « consultant bénévole des bonnes causes documentaires » comme il se définit, sa sélection de sept films de Chris Marker et un portrait, ainsi que de sept œuvres récentes, constitue cette section « French French », nommée ainsi non sans ironie.

Un documentaire, une écriture, un auteur

« French French » est né de la volonté de Dorothy Woodend, directrice de la programmation du festival, de partager la spécificité documentaire des écoles européennes et notamment françaises. Aller au-delà du documentaire de dossier ou dit de bonne cause, pour dépasser le thème traité, à travers le regard d’un auteur de documentaire. Le concept de « French French » est que les films viennent avec leurs réalisateurs, « un cadeau pour Vancouver », déclare Thierry. Si l’écriture et la singularité sont des critères de sélection pour lui, il s’attarde à proposer un panorama éclectique et représentatif des différentes générations de cinéastes.

Scrutant d’un regard perçant les festivals, les sorties, les nouveaux cinéastes prometteurs, il a retenu sept films pour huit réalisateurs. Parmi eux, Claire Simon, qui tisse une belle histoire avec Vancouver, sera de retour pour la troisième année avec son film Le concours, sur l’entrée à l’école de cinéma de la Fémis. Alice Diop, récemment césarisée, présentera Vers la tendresse, ou comment s’exprime la masculinité dans les quartiers ; Swagger d’Olivier Babinet explorera les rêves adolescents des quartiers ; Brûle la mer de Nathalie Nambot et Maki Berchache traitera de l’exil de jeunes Tunisiens, entre autres. La politique des auteurs, apparue dans les années 50, dans Les cahiers du Cinéma, continue de faire émerger une effervescence artistique : « Un auteur est un être particulier de par son expression et son rapport au monde », dit Thierry.

7 fois Chris Marker

Le plus célèbre des cinéastes inconnus. C’est ce qui revient souvent à propos de Chris Marker, artiste du XXe et déjà du XXIe siècle avant son décès en 2012. Si La jetée et Sans soleil, classés en 2014 troisièmes des plus grands documentaires de tous les temps, sont régulièrement cités, qu’en est-il de son œuvre ? Thierry le décrit ainsi : inventeur de l’essai documentaire, maître du montage, de la narration et du documentaire « il a marqué un tas de générations. Il avait comme auteur une posture extrêmement fraternelle et respectueuse à l’égard du spectateur avec qui il établissait une relation par le cinéma forte d’intelligence, d’émotion, d’imaginaire, d’humour et d’extrême conséquence sur les questions essentielles de la vie ». La rétrospective de son travail commencera avec Chris Marker, Never Explain, Never Complain, de Jean-Marie Barbe et Arnaud Lambert, un portrait à travers sept témoignages de personnes ayant travaillé avec lui, dont Thierry Garrel.

Plus encore que son travail, c’est le partage de ses œuvres avec le public, dans un pays de culture nord américaine qui enthousiasme : Une journée d’Andrei Arsenevitch, Le fond de l’air est rouge, ou encore Chats perchés, intègrent ce volet cinématographique. Cette curiosité existe pour l’ensemble de la programmation « French French ». « Ça fait bouillonner les esprits » des réalisateurs comme du public, indique Thierry. L’utilisation des mots et de la puissance des images est le propre de l’auteur de cinéma pour illustrer le monde. Préoccupé par ce même monde, Thierry Garrel affirme qu’il ne peut pas s’empêcher « d’être un agitateur culturel là où je peux l’être ».

Le film documentaire, c’est la Bonne Nouvelle du 21e siècle déclare-t-il, c’est une démarche humaine et artistique totale, travaillant à la fois sur l’émotion et l’intelligence. « Un cinéaste de documentaire c’est avant tout un cinéaste, un citoyen du monde et un humaniste », à l’image de Chris Marker et des cinéastes explorateurs de l’humain présentés avec la sélection « French French, »décidemment une Bonne Nouvelle que le festival DOXA.

Festival DOXA
Du 4 au 14 mai 2017
www.doxafestival.ca