Quelle prise en charge pour les réfugiés francophones en Colombie-Britannique ?

21,3 millions. C’est le nombre de réfugiés dans le monde en 2017 d’après les Nations Unies. Cela représente plus de la moitié de la population du Canada. Des hommes, des femmes et des enfants qui ont préféré fuir leur pays plutôt que de subir des persécutions du fait de leur race, de leur religion, de leurs opinions politiques ou de leur appartenance à un certain groupe social. À la veille de la 17e journée mondiale des réfugiés le 20 juin prochain, quelle est la situation des réfugiés originaires de pays francophones ? Quels services leur sont proposés en français dans la région du Grand Vancouver ?

Être réfugié est un statut juridique à part entière défini par le droit international, notamment dans la Convention de Genève. Seul le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) peut accorder ce statut à un individu. C’est aussi l’HCR qui détermine les priorités humanitaires au niveau mondial, place les réfugiés dans des camps et enfin prépare leur transfert dans des pays d’accueil comme le Canada. Les recommandations du HCR ont donc un réel impact sur les politiques migratoires et les quotas d’entrée sur le territoire.

Dans le contexte actuel de crise migratoire en Europe avec une montée des conservatismes anti-immigrants, le Canada fait figure d’outsider en accueillant plus de 30 000 réfugiés depuis 2015. Pour bénéficier d’une prise en charge complète durant la première année suivant l’arrivée sur le territoire, les réfugiés doivent être parrainés par le gouvernement canadien ou bien par un organisme privé. Selon les cas, certains ont aussi la
possibilité de faire une demande d’asile.

Les principales structures d’accueil

Avec des bureaux situés à Vancouver, New Westminster et Victoria, ainsi qu’une quarantaine d’associations membres, la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (FFCB) est l’une des principales institutions francophones de la région. Sa mission est de participer à l’installation et au développement de la communauté francophone en proposant des services totalement gratuits. Certains agents sont spécialisés dans la prise en charge directe des expatriés, des réfugiés et des demandeurs d’asile. Ils proposent des cours de langue, une aide à la recherche d’emploi, à l’inscription des enfants à l’école, etc. D’autres structures comme La Boussole à Vancouver ou le Centre d’intégration pour immigrants africains à New Westminster offrent des services similaires en français.

D’après des agents en immigration de la FFCB, leur travail se fait en collaboration avec deux prestataires de services anglophones. L’Immigrant Service Society (ISSofBC) pour le Grand Vancouver et l’Inter-Cultural
Association
(ICA) pour le Grand Victoria. L’ISSofBC et l’ICA font partie des structures qui reçoivent le plus de réfugiés au sein de la Colombie-Britannique. Lorsque des francophones s’y présentent, ils sont automatiquement redirigés vers les agents de la FFCB.

« Bienvenue » serait le mot que tout réfugié souhaiterait entendre. | Photo par CPGXK

Par ailleurs, certaines organisations non gouvernementales anglophones offrent des services en langue française. C’est notamment le cas de la Croix Rouge, avec son kit multilingue en ligne, et de la Inland Refugee Society avec son équipe d’interprètes. Reste à savoir si tous ces services sont adaptés aux attentes et aux besoins spécifiques des réfugiés. Faute d’enquête qualitative auprès des usagers, cette question restera sans réponse.

Statistiques sur les réfugiés francophones : des chiffres peu communiqués

Depuis 2015, la Colombie-Britannique a accueilli près de 3 000 réfugiés syriens. Afin de financer leur installation, le gouvernement de la province a débloqué plus d’un million de dollars. Ces informations officielles sont consultables en ligne et sont relayées dans la presse. Mais ce souci de transparence ne semble pas concerner les mesures prises en faveur des réfugiés francophones.

La seule source d’information en la matière est la Fédération des francophones de la Colombie-
Britannique. Cette structure n’a visiblement pas l’habitude de communiquer ses chiffres puisqu’aucune information n’est disponible sur le site Internet ou sur les réseaux sociaux. Il faut attendre l’aval de la direction, à Ottawa, pour obtenir des réponses de la part des agents en immigration.

Voici donc en exclusivité les statistiques sur les réfugiés francophones vivant dans le Grand Vancouver et le Grand Victoria pour la période 2016–2017 :
• Sur les 569 migrants qui se sont présentés au cours de l’année, plus de la moitié étaient des réfugiés (347 au total).
• Sur ces 347 réfugiés, 142 étaient Congolais (République démocratique du Congo), 109 Syriens, 19 Camerounais, 15 Iraniens et 14 Ivoiriens. Il y avait aussi des Égyptiens, des Guinéens, des Jordaniens, des Libanais et des Burundais.
• L’âge, le sexe et le niveau de français de ces personnes n’ont pas été précisés.
• Les réfugiés Ivoiriens seraient de plus en plus nombreux en Colombie-Britannique.

Les réfugiés syriens, un public francophone potentiel?

Le fait de retrouver des réfugiés syriens dans des services sociaux francophones peut paraître surprenant au premier abord. Deux facteurs peuvent expliquer ce phénomène. Le premier est le nombre de réfugiés par rapport aux moyens matériels et humains disponibles en Colombie-Britannique. Les services sociaux anglophones sont vraisemblablement débordés et décident de rediriger une partie de leurs usagers vers la FFCB ou La Boussole. Le deuxième facteur est que 95% des réfugiés syriens ne parlent ni français ni anglais lorsqu’ils arrivent au Canada. Cette neutralité linguistique leur donne en quelque sorte la liberté d’intégrer la communauté d’accueil de leur choix.

Audrey LaBrie, candidate à la vice-présidence de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, voit ces nouveaux arrivants comme un moyen pour maintenir le poids démographique des communautés francophones en situation minoritaire.

Le Canada est une grande terre d’accueil pour les populations francophones désignées par le HCR comme la République démocratique du Congo, la Côte d’Ivoire et le Cameroun. La francophonie canadienne semble tirer parti de ce contexte migratoire tout en se faisant très discrète en ce qui touche la promotion et la communication.

Enfin, la journée mondiale des réfugiés pourrait être l’occasion de penser aux populations en danger qui ne font malheureusement pas partie de la liste du HCR. Au Burundi, au Mali, au Vénézuéla, au Mexique, au Birmanie, en Tchétchénie… « Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays. » (Déclaration universelle des droits de l’homme, 1948).