« Flower Statement series » ou l’art de revêtir la nature

Imaginez que le design de mode et les éléments de la nature se rencontrent au travers de peintures sur toiles dans un délicat mélange d’influences. C’est ce que la mairie de Richmond propose actuellement de découvrir en plongeant dans l’univers de l’artiste Wu Yang. Son exposition Flower Statement Series, organisée par la Galerie d’Art de Richmond, sera visible gratuitement jusqu’au 28 août.

Au cœur d’un dédale de bureaux, six grandes toiles longent le corps principal de la mairie de Richmond. Lumineuses, colorées, les œuvres de Wu Yang font preuve d’un subtil éclat et d’une poésie rythmée qui offrent une réponse chaleureuse à l’environnement épuré qui l’accueille. Et pour cause, l’artiste présente ici des huiles sur toiles qui sont le fruit de son héritage culturel et de sa vision très personnelle de la réalité. Originaire de Beijing où elle a été diplômée de la Central Academy of Fine Art and Design, Wu Yang a débuté sa carrière dans l’industrie du textile. Se spécialisant dans l’univers de la mode à l’occasion de cinq années passées en Angleterre, elle se perfectionne et travaille pour différentes entreprises sur place. De retour en Chine, elle fonde sa propre marque avant d’entrer à l’Art Academy de l’université de Ren-Min où elle devient également professeur.

Le Canada à l’origine du tournant artistique

C’est en 2006 que l’artiste arrive dans la région de Vancouver accompagnée de sa famille. Frappée par la diversité des paysages et la beauté qui s’en émane, ce voyage aura un impact fort sur sa création artistique et signera son passage à la peinture, sans pour autant rompre avec son intérêt pour le textile : « Mon inspiration vient du paysage naturel que j’ai vu après mon arrivée en Amérique du Nord, combinée à mon intérêt pour le design textile ».

Photo par Léa Tricoire

Requiem, huile sur toile, 2013, 50 po x 43 po.
Photo par Léa Tricoire

Dans cette exposition, le visiteur pourra reconnaitre des paysages familiers tels qu’un bord de mer, l’eau d’un lac, ou même le pont Granville. Au cœur de ces décors variés, l’image du tissu tient le rôle principal dans les tableaux de l’artiste sous forme de drapés fluides agrémentés de motifs fleuris ou de formes vaporeuses. Dans ce gracieux assemblage d’influences entre la mode et le paysage canadien, l’harmonie tend à être perturbée par l’omniprésence de pierres lourdes et imposantes. La tension entre le tissu et la pierre mis en lumière par la cohabitation des couleurs froides et chaleureuses, ainsi que l’opposition des lignes et des motifs imaginaires révèlent un remarquable travail sur la matière. Le recouvrement des pierres par les tissus, en écho direct à la mode, est un thème de prédilection chez l’artiste : « Couvrir et immerger les roches dans les motifs floraux et les tissus est ma principale source d’intérêt ».

Une ambivalente symbolique

Produites au cours de ces dix dernières années, les œuvres de Wu Yang sont ainsi plus allégoriques que représentatives d’une certaine réalité, malgré leur source d’inspiration au cœur de la nature : « Je ne veux pas représenter un monde que je vois, je veux seulement représenter un monde que j’imagine. […] Je n’ai aucun intérêt à tirer un portait de la réalité ».

Granville Bridge, huile sur toile, 2011, 45 po x 35 po.
Photo par Léa Tricoire

Grâce à l’image de l’enveloppement des pierres dans des tissus, l’artiste crée une métaphore de son vécu et de son statut d’artiste, tous deux façonnés par son passé dans l’univers de la mode, ses divers déménagements à travers le monde et ses choix professionnels. « Ma vie personnelle a influencé mon travail. Par exemple, mes travaux illustrent des imageries florales sur des roches qui symbolisent mon entreprise risquée de me servir de la beauté comme moyen de survie ».

Parallèlement, et au-delà de son propre parcours, Wu Yang met plus largement en avant une dichotomie symbolique. En effet, on peut voir de manière explicite « le contraste entre la douceur du tissu et la dureté de la pierre », et de façon plus implicite « le conflit entre yin et yang », voire les problèmes dans « la société ».

L’équilibre comme ligne directrice

Plus qu’une réelle opposition, les concepts de légèreté et de lourdeur – représentés respectivement par les tissus et les pierres – demandent à être perçus selon leur complémentarité, l’un n’existant que par rapport à l’autre. De la même façon, la délicatesse des motifs, l’éclat des couleurs, ou encore la profondeur de la matière qui se dégage des toiles est le fruit d’une composition équilibrée basée sur les contrastes, à l’instar des deux tableaux River Styx et Requiem qui semblent prendre toute leur ampleur en binôme.

Par le biais de ces œuvres présentées à la mairie de Richmond, illustrant des pierres recouvertes de tissus souvent sophistiqués, c’est toute la question de l’équilibre qui se dégage, rappelant que toute réalisation revêt sa part de lumière et d’ombre. Et à l’artiste de conclure : « À la surface, de tels modèles exaltent le bonheur, mais sous la surface, je veux transmettre les sentiments de solitude ».

Banquet, huile sur toile, 2011, 46 po x 35 po. | Photo par Léa Tricoire