Esprit, es-tu là ?

Prédire l’avenir, communiquer avec les esprits, avoir des pouvoirs surnaturels ? Aujourd’hui, c’est possible. Il suffit de s’inscrire des formations pour devenir chamane. L’enseignement est ouvert aux hommes comme aux femmes adultes du monde entier et il peut même se faire par Internet. Mais d’où vient cette tendance ? Est-ce que le chamanisme est une religion à part entière ? C’est à ces questions que souhaite répondre le café-philo de l’Université Simon Fraser le 4 octobre prochain. En attendant, voici quelques éléments de réponse pour préparer votre participation au débat.

D’après les spécialistes, le chamane est un homme ou une femme qui est reconnu par sa communauté comme étant à la fois un guérisseur, un devin et le dépositaire des traditions ancestrales.

Chaman Hamatsa (nation Kwakwaka’wakw, Colombie-Britannique) en état de transe après avoir passé plusieurs jours dans la forêt dans le cadre d’un rituel initiatique. | Photo de bibliothèque du Congrès, Département des Estampes

Figure spirituelle charismatique, il a le pouvoir de communiquer avec le monde des esprits, ce qui lui permet de guérir les malades et de protéger sa communauté des attaques maléfiques. Pour cela, le chamane doit effectuer des rituels et des cérémonies qui se caractérisent par des incantations, des chants, souvent au rythme du tambour, et la consommation de plantes aux vertus psychotropes. L’objectif est d’entrer en transe pour élargir son état de conscience, voir ce qui est invisible et voyager dans le monde des esprits.

Ce que disent les anthropologues

L’anthropologie est un domaine d’études qui s’intéresse aux modes de vie et pratiques culturelles des êtres humains. C’est à partir des années 1960 que les anthropologues ont commencé à s’intéresser au chamanisme, notamment grâce aux travaux des américains Mircea Eliade et Carlos Castaneda.

La plupart des spécialistes s’accordent sur le fait que le chamanisme n’est pas une religion à proprement parler. C’est un point de vue ou une idéologie parce que, contrairement aux religions abrahamiques et dharmiques, le chamanisme n’est pas un phénomène social organisé et institutionnalisé. Plutôt, c’est un ensemble de croyances et de pratiques que l’on trouve partout dans le monde, dans des sociétés très différentes, chacune avec ses propres cosmologies et concepts religieux.

Un concept à la mode

Pour Mark Stewart, spécialiste de l’histoire des religions et modérateur du café-philo de l’Université Simon Fraser, le chamanisme moderne, ou néo-chamanisme, fait partie d’une culture alternative globale qui s’est développée à partir des années 1960 dans le monde occidental.

Ce phénomène est directement lié à l’essor du mouvement mystique Nouvel Âge, du mouvement écologiste et de la culture hippie. À titre d’exemple, la consommation de champignons hallucinogènes ou d’ayahuasca, un breuvage à base de lianes, s’est banalisée alors qu’elle s’effectue traditionnellement dans le cadre de rituels et de cérémonies sacrées.

Pour l’anthropologue Michael Harner, auteur du livre à succès La voie du chamane, c’est la disparition accélérée des peuples chamaniques traditionnels au cours du 20e siècle et la nécessité de sauvegarder des pratiques en danger d’extinction qui a amorcé un retour du chamanisme en Occident. « C’est un retour aux sources, une réappropriation d’une partie de notre patrimoine culturel qui a survécu à des siècles de répression », indique-t-il.

Le chamanisme en 2017

Traditionnellement, les autochtones du Canada pratiquaient des rituels chamaniques mais ce droit leur a été enlevé dans les années 1870 par le gouvernement. Certaines communautés ont continué en secret malgré les interdictions mais la plupart ont arrêté par peur des représailles. Les Kwakwaka’wakw, en Colombie-Britannique, et les Siksikas, en Alberta, font partie des rares Premières nations à encore compter des chamanes dans leurs rangs.

D’après Sabina Magliocco, professeure d’anthropologie à l’Université de Colombie-Britannique, spécialiste des rituels et des religions païennes, les Occidentaux qui veulent devenir des chamanes ne sont pas comparables aux chamanes des sociétés traditionnelles. En effet, ils ne combattent plus la maladie, la famine ou d’autres problèmes inhérents à leurs communautés : « Ils s’engagent généralement dans un enseignement pour élargir leur propre conscience et atteindre un développement personnel. Ils peuvent accomplir des guérisons sur des personnes mais ils ne sont généralement pas reconnus pour leurs aptitudes sur le plan politique et social comme l’étaient les chamanes des sociétés traditionnelles », précise l’anthropologue.

Si vous souhaitez en savoir plus sur ce sujet ou transmettre vos connaissances en participant à la discussion du café-philo, rendez-vous le 4 octobre à 19h à la bibliothèque municipale du quartier Mount Pleasant, située au 1 Kingsway.

Pour plus d’information

Pour être incollable sur le chamanisme et partager ses connaissances lors du café-philo, voici une sélection d’ouvrages de référence :
• ELIADE Mircea, Le chamanisme et les techniques archaïques de l’extase, 1964.
• CASTANEDA Carlos, L’herbe du diable et la petite fumée, 1968.
• HARNER Michael, La Voie du chamane. Un manuel de pouvoir & de guérison, 1980.
• DOORE Gary, La voie des chamans, 1988.