L’image

Une image vaut mille mots. | Photo par Fortune Global Forum

J’ai de la peine à le croire : les élections fédérales se tiendront au mois d’octobre prochain. Déjà ? Je n’en reviens pas. Oui, en cette année 2019 nous y avons droit. J’ai l’impression que c’était hier ou il n’y a pas si longtemps que les Canadiens élisaient Justin Trudeau, 43 ans à l’époque, au poste de premier ministre.

Je revois la scène : Justin Trudeau, fils à papa, présente avec fierté sa nouvelle équipe. Il nous offre un conseil des ministres marqué par la diversité et la parité. Du jamais vu au Canada : autant d’hommes que de femmes, un ministre de la défense sikh né au Pendjab, une ministre de la justice autochtone et d’autres mini-surprises encore. Un moment inoubliable, un instant mémorable. Rappelez-vous : tout ce nouveau beau monde ministériel arrivant, faisant fi de la tradition, à pied, et non à cheval ou en voiture, à Rideau Hall pour être assermenté. Tous radieux affichant un sourire éclatant pour la photo officielle. Quelle belle image.

Tous ravis du résultat des élections qui donnait la majorité aux libéraux. Tous heureux de faire partie d’une équipe jeune, volontaire et dynamique prête à démontrer leur savoir-faire, prête à en découdre avec les aléas de la politique, prête à montrer le droit chemin qui mène au nirvana tel que concocté par Sophie Grégoire, l’épouse spirituelle de notre nouveau premier ministre, qui a sans doute cru, à tort, qu’elle aussi avait été élue au même titre que son mari. Une aire nouvelle s’annonçait. Que d’espoir fondé sur ce nouveau gouvernement après les années sombres passées sous la gouverne des conservateurs de Stephen Harper.

Nous voilà maintenant trois ans et quelques mois plus tard. L’euphorie du début a depuis fait place à une certaine inquiétude, à un scepticisme, justifié ou non, palpable. La cote de popularité de Justin Trudeau n’a fait que baisser à chaque sondage. Rien de surprenant à cela. Tous les gouvernements passent par là. Mais jusqu’où ira la chute ? Surtout : que s’est-il passé ? Faisons marche arrière.

Tout avait bien commencé. À peine arrivé au pouvoir, le nouveau gouvernement s’est immédiatement mis à l’ouvrage en démarrant sur les chapeaux de roues. Leur volonté de ne pas perdre de temps et de prendre le taureau par les cornes fut manifeste dès la ligne de départ. La main tendue aux nations autochtones s’avéra de bon augure et présageait des jours meilleurs.

Le service de communication du bureau du premier ministre mit le paquet. Il misa sur le soi-disant charme et le look de J.T. (Justin Trudeau et non le journal télévisé) pour convaincre les Canadiens et le reste de la planète que le Canada opérait un retour en force sur la scène internationale. Justin devint la coqueluche du monde entier. Cette approche connut un certain succès sous l’ère Obama. Avec l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, la configuration politique et économique vira de bord. Nous n’avions plus à faire avec un allié. Nous faisions face à un adversaire imprévisible, lunatique, haineux, sans scrupule qu’on peut faire chanter mais qu’il est impossible et inutile de charmer.

Avec l’arrivée de cet hurluberlu à Washington, il y a deux ans de cela, les ennuis de Trudeau et du Canada ne firent que commencer. L’éléphant, à court terme, eut raison du castor qui en prit pour son grade.

L’épisode calamiteux du voyage en Inde de notre premier ministre et de sa famille, le manque d’action et l’absence de direction du gouvernement fédéral face à la question de l’oléoduc Trans Mountain de Kinder Morgan, les relations tendues avec la Chine et l’Arabie Saoudite en particulier ainsi que le manque de progrès du projet de réforme de la loi électorale (loi c-33) ont sans doute contribué en partie, peut-être même parfois à tort, au mécontentement reflété dans les sondages et peut expliquer la baisse de popularité du gouvernement Trudeau.

L’image si positive sans cesse projetée de notre premier ministre a pris du plomb dans l’aile, elle s’est ternie. Son charme reluisant a perdu de son lustre. Le look est là mais il a pris des rides et n’opère plus de miracles. Le vernis s’effrite. La forme marque le pas. Le fond s’enfonce. L’électorat recherche la substance : où est-elle ?

Trudeau et ses acolytes risquent donc de prendre une veste le 21 octobre prochain. Pour se rassurer ils peuvent toujours compter sur la faiblesse des différents chefs de l’opposition. En fait, Trudeau et ses libéraux ont encore 9 mois pour accoucher d’une campagne électorale susceptible de les maintenir au pouvoir. La partie n’est pas gagnée d’avance, loin de là. Par contre, s’ils sont sages ils auront droit à une image.