Quand les services hexagonaux attribuent des emplois… en Colombie-Britannique

Au chômage en France ? Partez donc pour le Canada.

C’est l’histoire d’un boulanger mis au chômage par son entreprise à Paris et à qui Pôle Emploi (le service français chargé d’attribuer du travail aux chômeurs) propose un travail… à Vancouver.

Une histoire pas si rare. Il y a 175 annonces de recruteurs canadiens prêts à offrir un emploi aux personnes vivant en France, et le Canada fait rêver. Selon Statistiques Canada, en dix ans, ce sont près de 60 000 personnes originaires de France qui ont reçu une résidence permanente, dont une très grande part d’actifs. Un nombre important d’entre elles ont trouvé leur emploi ici, sur place, mais désormais elles peuvent effectuer leur recherche depuis la France !

La province de Québec avait commencé un projet pilote en liaison avec Pôle Emploi en mars 2018 en proposant des annonces de travail dans la Belle Province, et devant le succès de la démarche, l’organisme français a décidé d’ajouter dans cette section consacrée à l’emploi au Québec, le reste du Canada.

Si Pôle Emploi précise que le Québec reste la destination privilégiée des francophones, il n’en reste pas moins que la Colombie-Britannique est reconnue comme arrivant en tête des postes à pourvoir dans l’Ouest. Il s’agit parfois de compagnies françaises qui envoient leurs employés en mission de l’autre côté de l’Atlantique, ou dont la participation est majoritairement française (99 422 employés au Canada travaillent pour ce type d’entreprises au dernier recensement en 2016) mais aussi plus souvent d’entreprises purement locales qui recherchent de la main-d’œuvre qualifiée impossible à trouver sur place. Cela peut concerner pêle-mêle les artisans (boulangers, ébénistes, chaudronniers…) mais aussi des métiers beaucoup plus techniques (programmeurs, développeurs, ingénieurs géotechniciens…)

Ainsi, en Colombie-Britannique, on trouve depuis la France des postes de cuisiniers à Kelowna, de technicien aéronautique à Abbotsford, et bien d’autres encore.

Ce que recherchent ces entreprises, ce sont principalement des personnes ayant un savoir-faire qui n’est pas enseigné au pays, mais aussi des regards et des façons de faire nouvelles. Par ailleurs, plusieurs patrons admettent apprécier les Français sur le plan de la productivité, même s’ils redoutent bien souvent le choc culturel et l’attitude parfois inadéquate des nouveaux arrivants.

La question se pose : pourquoi un service de l’État français envoie-t-il des travailleurs, dont certains sont très qualifiés, travailler sur un autre continent ?

À la différence des entretiens traditionnels, l’entretien pour en savoir plus a été entièrement fait en ligne, avec tout de même un coup de téléphone qui a permis d’en apprendre un peu plus.

Nicolas, le conseiller contacté, nous répond : « Il n’y a pas vraiment de cas spécifique. Les raisons sont de tous types. Il peut s’agir d’un conjoint envoyé en mission, et sa compagne qui part avec lui se tourne vers nous (…) Il y a aussi des jeunes qui veulent une expérience internationale, et le Canada est très demandé (…) J’ai eu le cas d’un chômeur de longue durée qui a fait un emprunt à des proches pour financer son départ après avoir trouvé un travail de soudeur dans l’Ouest » Il arrive néanmoins parfois de proposer cette expatriation à certains dossiers délicats « dont on pense qu’ils seraient plus à l’aise à l’étranger ».

Mais ces conseillers français connaissent-ils bien le droit canadien du travail ?

A cette question, il y a eu un silence un peu embarrassé avant une réponse généraliste « Oui, c’est plus ou moins proche du marché du travail aux USA, mais avant tout il faut un permis de travail ». C’est d’ailleurs exactement ce qu’affirme le site internet de Pôle Emploi qui, c’est étonnant pour qui s’est un jour frotté à la complexité du droit français, vante « la souplesse de la législation canadienne (qui) favorise la mobilité professionnelle » sur « un marché du travail dynamique ». Si l’affirmation n’est pas incorrecte, elle aurait gagné à être plus précise et surtout à insister davantage sur les différences qui existent entre la forme (souple et dynamique) et le fond (respectueux et social).

Petit détail amusant, la plupart de ces annonces proposent aux Français… des CDI (contrat à durée indéterminée), un type de contrat bien spécifique en droit français qui prend une toute autre signification ici, dans la législation canadienne !