À Notre-Dame qui est encore sur terre (Il n’est jamais trop tard pour rendre hommage à une grande Dame)

Aux larmes, citoyens ! Notre-Dame de Paris s’est enflammée, la semaine passée, victime d’un incendie dévastateur. Les dégâts sont importants mais heureusement la structure de la cathédrale a tenu le coup, nous dit-on. Les images du brasier, diffusées sur toutes les chaînes de télé et à la une des journaux, furent impressionnantes, bouleversantes, déchirantes. Elles m’ont fait mal au cœur et m’ont atteint jusqu’aux entrailles.

Difficile de rester indifférent face à la destruction d’un chef-d’œuvre du Moyen-Âge tant admiré, tant fréquenté, tant identifié, tant remarquable. Nous sommes des millions à lui avoir, un jour de notre vie, rendu visite. Pour ma part je n’ai jamais manqué l’occasion de venir la saluer lors de mes nombreux passages à Paris. Que de souvenirs gravés à tout jamais dans ma mémoire. Il me suffit de regarder les gargouilles de la cathédrale pour qu’immédiatement me viennent à l’esprit Esméralda et Quasimodo, les personnages du roman Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, œuvre qui avait marqué mon enfance.

N’aie crainte Belle Dame, les preux chevaliers galopent à ton secours.

Très jeune, n’étant pas de Paris, je tenais absolument à voir la Tour Eiffel. Une fois fait, j’en fus vite blasé, mais de Notre-Dame de Paris je ne me suis jamais lassé. Elle était comme une amie, une connaissance à qui j’aimais par pur plaisir rendre visite à chacun de mes séjours. L’Île de la Cité, sa demeure qui lui va à ravir, m’a toujours bien accueilli. Il m’arrivait souvent de faire plusieurs fois le tour de la cathédrale pour l’admirer et surtout pour être certain de ne rien manquer de ses atours. À chaque ronde je remarquais des détails dans son architecture qui m’avaient échappé les fois précédentes. Raison de plus qui me poussait à revenir.

Pour un athée ou agnostique (choisissez) comme moi, Notre-Dame de Paris représente plus qu’un symbole religieux. Il n’est pas nécessaire d’être un fervent catholique pour être impressionné par sa beauté, sa splendeur. Face à elle nous contemplons un monument d’une telle ampleur qu’on ne peut rester que bouche bée, appréciatif. Elle réussit à faire sortir en nous, c’est du moins mon expérience, des sentiments nouveaux, des émotions fortes, des plaisirs inconnus. À cela s’attache l’importance historique que nul autre monument parisien, pourtant si nombreux dans la Ville Lumière, ne nous révèle avec autant d’intensité et de passion. Souvent négligée, même parfois abandonnée, cette œuvre de l’art gothique bâtie entre 1163 et 1345, donc dans la seconde partie du Moyen-Âge, impressionne aussi par sa permanence.

Même aujourd’hui après avoir subi les ravages de ces flammes qui auraient pu entièrement la détruire, et bien qu’affaiblie et meurtrie, elle demeure majestueuse malgré ses profondes blessures. Elle a subi de sérieuses pertes; quelques uns des trésors qu’elle abritait sont à tout jamais disparus. D’autres, dont la Sainte Couronne qui par miracle ou plutôt grâce aux centaines de sapeurs-pompiers de Paris combattant l’incendie, ont pu être épargnés, sauvés. Heureusement pour le patrimoine français, voire mondial, peut-on sans crainte ajouter. Notre-Dame, tenace et résistante, a survécu tant bien que mal et demeure là, j’insiste, pour rester.

Emmanuel Macron, le président de la République française, au cours de son allocution télévisée, avait le feu sacré. Il a promis de rebâtir en cinq ans la cathédrale. Même si ce vœu pieux frise un optimisme exagéré on ne saurait lui en tenir rigueur: Paris ne s’est pas fait en un jour. Après tout il est possible de se consoler en sachant que la Sagrada Familia de Barcelone n’est toujours pas finie.

Les travaux de reconstruction seront de toute évidence très onéreux ou devraient coûter la peau des fesses comme préfère l’exprimer mon voisin de palier, qui ne compte pas verser un sou pour la bonne cause. Déjà trois des plus grands milliardaires de France dont les fortunes vous donnent le tournis se sont engagés à verser d’énormes sommes pour sauver Notre-Dame. Les gilets jaunes et autres individus qui vivent dans la précarité auront sans doute leur mot à dire face à cette générosité dont on les épargne et dont on peut douter la gratuité. Ce n’est pas en étant généreux que l’on fait fortune, me susurre à l’oreille la compagne de mon voisin de palier.

À l’inverse de l’Église catholique qui fait des pieds et des mains pour se sortir de l’ornière des scandales de pédophilie qui la hantent, Notre-Dame de Paris, malgré ses brûlures que l’on s’apprête à panser, s’en sort avec tous les honneurs et les hommages, parfaitement mérités, qui lui sont dûs.