L’imparfait du subjectif

Le monde n’est pas parfait. Désolé de vous l’apprendre et surtout de commencer ma chronique par une aussi déprimante banalité. D’habitude j’essaie de soigner mes entrées. Cette fois-ci, je dois l’admettre, c’est raté. Je vous promets de faire mieux à l’avenir.

Toujours est-il, comme bêtement je l’avançais, la perfection n’existe pas. Si elle existait tout serait parfait et l’imparfait ne serait pas conjugable. Ceci, facile d’en convenir, doit expliquer l’adage : il faut de tout pour faire un monde. Il y aurait donc des touts parfaits et des touts imparfaits; des touts qui conviennent et d’autres touts dont on pourrait facilement se passer. Mais ce n’est pas tout car il y a aussi des touts que l’on trouve un peu partout, dont on ne connaît pas tout.

Prenons par exemple, histoire de commencer gentiment, par le monde de la nature. On pourrait croire en admirant les couchers de soleil, les arcs-en-ciel, les aurores boréales, les clairs de lune que la nature fait bien les choses, que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. Vraiment ? C’est oublier les tornades, les ouragans, les raz-de-marée, les tempêtes de sable, les éclairs, la foudre et toutes autres sortes de phénomènes météorologiques qui entraînent sur leur passage catastrophe, désastre, détresse, désolation et autres calamités. La nature, à moins qu’elle ne soit champêtre, je préfère l’envoyer paître.

Il en est de même avec le monde des animaux. Il faut vraiment être bête pour penser que nous sommes en face d’un monde parfait. Je veux bien croire que le chien soit le meilleur ami de l’homme. Je peux aussi comprendre que l’on puisse s’attacher à un chat. Après tout ce sont des animaux domestiques. Qui ne désire pas avoir un domestique chez son chez-soi (appréciez au passage le tongue twister) ?

Le monde de la nature n’est pas parfait. Il y a des tornades et des éclairs, par exemple.

J’apprécie de même le travail des abeilles qui, sans qu’on leur demande quoi que ce soit, nous approvisionnent en miel. Elles représentent un exemple de générosité que l’on ne retrouve pas chez les guêpes qui n’ont d’autre raison d’être que de nous empoisonner la vie et dont on peut se demander, non sans un certain sarcasme, quelle mouche a bien pu les piquer ?

En contrepartie on ne peut que s’émerveiller devant la majesté d’un paon et la grâce d’un cygne ou autres oiseaux aux magnifiques couleurs. Mais alors que dire des loups, des hyènes, des crocodiles, des requins, ces prédateurs dont l’existence, d’un point de vue humain, peut être remise en question ? Ce n’est pas impossible que ces bêtes à leur tour puissent me répliquer : « Et l’homme, dans votre liste, vous l’oubliez ? ». Je reconnais, un peu gêné, la légitimité de la question.

Viennent les reptiles, espèce dont on doit continuellement se méfier. Du boa constricteur au python, du cobra à la vipère, pas un de ces animaux ne m’inspire confiance. Dans la foulée je questionne la raison d’être des serpents à sonnette objets de tant de sornettes.

La présence des espèces d’insectes, pour lesquels je n’éprouve aucun attachement ni lien de parenté, me convainc du mal fondé du monde auquel j’appartiens. Je ne vois pas l’intérêt que représentent les moustiques ou autres maringouins qui passent leur temps à nous enquiquiner à longueur de journée les soirs d’été. Qu’est-ce qu’on serait bien sans eux. Au jardin d’Éden je suis convaincu qu’ils brillent par leur absence.

Passons au monde des sports. Il serait possible de penser qu’avec la victoire des Raptors de Toronto nous avons enfin touché le Nirvana et atteint la perfection. Provisoirement c’est sans doute vrai mais les débordements qui ont suivi, coups de feu et vandalisme, démontrent jusqu’à quel point toute satisfaction ne peut être qu’éphémère. À Vancouver, où l’idée même d’une équipe locale victorieuse ne nous traverse même pas l’esprit, nous nous contentons de savoir que la perfection n’est pas de ce monde et qu’il n’y a aucune raison de se plaindre puisqu’il en est ainsi (soit-il).

Le monde de la politique n’échappe pas à la règle de l’imparfait. J’y décèle des erreurs de jugement, des problèmes d’éthique, des calculs sournois, des mensonges éhontés et des discours démagogiques indignes. En matière d’imperfections nous sommes donc servis. Les dictatures, les monarchies sont des aberrations dont on pourrait se passer. Les démocraties malgré les éloges dont on les pare ne peuvent satisfaire les besoins de tous. Qu’on le veuille ou non, c’est triste à dire, il n’existe pas de système politique parfait. Nous n’élisons pas les meilleurs mais les moins mauvais et, trop souvent, les plus mauvais parce que nous sommes imparfaits, craintifs et ignorants. Imperfection, quand tu nous tiens, tu ne nous lâches pas.

J’aurais dû écrire cette chronique à l’imparfait. Il est d’ores et déjà trop tard pour bien faire.