De crise en crise

Quel bon signe : les grandes manchettes de l’actualité ne lui accordent plus la priorité. La COVID-19 a perdu sa couronne de reine de l’information qu’elle détenait depuis plus d’un trimestre déjà. Non pas que le coronavirus soit vaincu, loin de là, mais pour le moment, en Colombie-Britannique, il est contenu, d’où une certaine perte d’intérêt fort compréhensible. Ne nous réjouissons pas trop vite pour autant car une crise en cache toujours une autre.

Les bruits de bottes des hommes en uniforme. | Photo par Tony Webster

Alors que le déconfinement s’amorçait tranquillement mais sûrement nous sommes passés de la crise du coronavirus, toujours pas résolue, à celle du statut de Hong Kong, le talon d’Achille de la Chine où les autorités de l’Empire du milieu, sous la houlette du tout-puissant berger XI Jinping, ont voté une loi sur la sécurité nationale destinée à priver les résidents de cette enclave, anciennement sous tutelle britannique, de droits qu’ils croyaient acquis, donc immuables. Ce qui devait arriver arriva : manifestations, répressions, arrestations, condamnations et sans doute, à venir, dissolution des privilèges accordés à Hong Kong. Pas de quoi s’étonner : la Chine, sous l’emprise de l’actuel grand timonier, a des visées planétaires pour le moins inquiétantes et désire éviter toute bavure susceptible d’entamer son prestige. L’important est de sauver la face. Hong Kong en aucune manière ne peut devenir le grain de sable dans l’engrenage fort bien huilé de Pékin.

Ce désir de suprématie ne plaît pas à tout le monde. Donald Trump, furieux face au pouvoir contesté des É-U., s’est engagé dans une guerre commerciale et tarifaire avec la Chine dont il ne mesure pas encore les conséquences. Une crise sérieuse et menaçante se profile à l’horizon. La guerre froide aura-t-elle lieu ?
Ce face à face entre le Joker chinois et le bouffon américain ne peut être de bon augure. Au fond, la véritable question qui s’adresse à nous braves Canadiens ainsi qu’aux autres pays dépourvus de tout désir hégémonique se pose en ces termes: par qui préférons-nous être dominés, la Chine ou les États-Unis (la Russie affichant, pour le moment, peu d’intérêt à notre égard) ? Un choix rendu bien difficile.

Trump n’est pas au bout de ses peines. Une autre crise, plus sérieuse celle-là, à mon avis, vient de frapper une fois de plus son pays. La mort violente, aux mains et au genou assassin d’un policier blanc, de George Floyd, un Noir américain, atteste d’une attitude et d’un comportement raciste récurrent et latent à l’encontre de la communauté noire américaine. Chez nous au Canada cette tare ne nous épargne pas, comme l’a rappelé à juste titre Justin Trudeau. Devant l’horrible scène de ce crime commis à Minneapolis en pleine rue, en plein jour, devant des collègues policiers, témoins indifférents et même complices, on ne peut être qu’horrifié, dégouté, effaré, scandalisé. Comment au XXIe siècle de pareils gestes de la part de policiers censés servir et protéger la communauté, qu’elle soit brune, noire ou blanche, puissent-ils être de mise ? Malade, oui, notre société est sévèrement malade. Les racines du mal sont bien trop profondes pour espérer sous peu trouver un antidote, un vaccin à ce fléau qui depuis des siècles, des millénaires, nous frappe et nous divise. La COVID-19 sera un jour ou l’autre éradiquée, nous dit-on. Le racisme, par contre, n’est pas prêt de s’éteindre. Avec des leaders de l’acabit de Trump, la situation a peu de chances de s’améliorer. Loin s’en faut.

Afin de m’éviter une crise de nerfs certaine, suite à ces crises, je me suis plongé le nez dans les étoiles, témoin d’un moment spatial spécial. SpaceX, bébé extra-terrestre d’Elon Musk, l’entrepreneur milliardaire qui sait où placer ses sous, a lancé avec succès dans l’espace sa fusée Falcon 9 et son cargo spatial Dragon avec à bord les astronautes de la NASA Doug Hurley et Bob Behnken. Ce beau monde a rejoint sans grande difficulté la station spatiale internationale où ils doivent demeurer plusieurs mois avant de revenir, j’imagine, sains et saufs. Les États-Unis, après un long silence se relancent dans la course à l’espace grâce, pour la première fois, à une entreprise privée associée à la NASA.

Je me demande, par ailleurs, pourquoi Elon Musk a cru bon de donner à ses bébés spatiaux des noms appropriés, Falcon et Dragon mais a choisi, par contre, de donner à son dernier-né, un garçon, le prénom aussi bizarre et difficile à retenir, pour ne pas dire imprononçable, de X Æ A-12 Musk. Le fiston, une fois l’âge de raison atteint, s’en prendra sans doute, à l’insensibilité de ses parents. De honte et d’amertume, il ira, je peux le comprendre, se réfugier sur une autre planète de notre univers à partir d’une fusée fournie par SpaceX. Pauvre petit qui devra passer d’une crise d’identité à une crise existentielle.