MENA : Un regard cinématographique tourné vers le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord

La deuxième édition du festival des films du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, MENA, se tiendra en ligne du 20 au 27 novembre. Le public pourra découvrir une sélection de trois longs métrages et vingt courts métrages originaires de quinze pays. La terre où je me noie des francophones Negin Khazaee, iranienne, et Léa Carbogno, française, en fait partie.

Les deux femmes partagent, en avant-première avec La Source, ce qu’elles ont voulu raconter par le biais de ce film.

Photo de MENA

La présence de l’absence, sous laquelle le personnage principal ploie, est introduite dès la première scène. La terre où je me noie s’ouvre sur une mère de famille à la recherche de son mari disparu juste après la Révolution islamique. Par le jeu cinématographique, un recours au travelling et un cadrage où la caméra se trouve souvent placée près d’elle, le spectateur est invité à ses côtés, comme pour l’aider.

L’inspiration

Le film retrace les années d’attente, de questionnements, d’amour perdu, avec pour toile de fond le désert, miroir de l’âme de cette femme lancée malgré elle dans une exploration mentale profonde, entre présent et passé, vécu et espérance. Negin Khazaee et Léa Carbogno expliquent avoir été inspirées par un film de Patricio Guzmán, Nostalgie de la lumière, vu lorsqu’elles travaillaient ensemble à Paris, qui parle de femmes chiliennes à la recherche de leurs proches dans le désert d’Atacama. Une situation qui a particulièrement fait écho chez Negin Khazaee et qui lui a donné envie de rendre compte de ce qu’elle aussi a connu : « Nous sommes parties de l’histoire des femmes qui ont perdu leurs proches pendant les premières années après la Révolution islamique, et qui cherchent encore des réponses après des années : des femmes qui partent à la recherche de leurs disparus ». Elles émettent l’espoir que le film permette de ne pas les oublier.

Photo de MENA

En travaillant leur scénario, elles ont voulu accentuer le deuil que la mère de famille n’a jamais pu faire, privée d’information. « La rencontre avec la jeune femme mêle passé et présent, pour illustrer cette idée du temps suspendu dans lequel est coincée l’héroïne, qui reste sans réponses ». Le choix de la palette graphique est volontairement très fade, oscillant dans les nuances de beige et de gris, à l’opposé des couleurs éclatantes que l’on connaît de l’Iran. Cela illustre subtilement cette absence de joie et cette vie monotone. Tout au long du film, elles réussissent à porter à l’écran un rituel de clôture de deuil, quoique par substitution, pour toutes celles qui n’en ont jamais eu la possibilité.

Montrer sans dénoncer

Le film ne repose pas seulement sur la qualité de la mise en scène, l’actrice Lily Farhadpour est remarquable de justesse et semble pouvoir estomper elle aussi la douleur de toute femme dans cette situation. Son casting est tout de suite apparu comme une évidence pour Negin Khazaee. Lors de sa rencontre en Iran au cours des repérages, elle dit l’avoir « tout de suite appréciée car c’était une femme volontaire et engagée. Elle a beaucoup fait de suggestions en amont, s’étant très impliquée dans le projet. » Par son jeu, l’actrice réussit également à parler à toute personne en souffrance. Elle offre une portée plus large au message.

Une fleur à la main … une dame à la recherche de l’être disparu. | Photo de MENA

Autre engagement, celui des locaux, exemplifié par cette brève de tournage : « Nous avons adoré tourner et imaginer la vision du mari qui joue de la musique. L’acteur et musicien a interprété cette très belle musique et nous étions très émues d’y avoir assisté. La communauté de Yazd où nous avons tourné nous a beaucoup aidés pour cette scène. Nous avons trouvé un décor à la dernière minute et des gens du voisinage nous ont permis de rendre cette scène possible. »

Nul besoin de connaître les événements de 1979. Les cinéastes réussissent la gageure de transmettre un regard neutre sur cette date charnière de l’histoire du pays. Elles disent sans dire. Le fond politique reste hors-champ. Si l’inspiration est iranienne et sur le deuil, elle n’en est pas moins universelle, sur la perte et la quête de sens. Sujets qui résonnent particulièrement pour tout un chacun dans les troubles actuels.

Le festival est unique en son genre à Vancouver. Les organisateurs ont également prévu des séquences de questions-réponses pour satisfaire leur mandat de plateforme de visibilité pour les cinéastes de cette communauté. À l’unité ou par forfait thématique, achetez votre carte d’admission sur www.menafilmfestival.com