Les cours de soutien ont la cote

Une tutrice de Kumon et son élève. | Photo par Vernon Gonsalves de Kumon

Une tutrice de Kumon et son élève. | Photo par Vernon Gonsalves de Kumon

Un après-midi comme tant d’autres, à la sortie d’un cours du soir à Surrey, une ribambelle d’enfants, emmitouflés dans leurs petits manteaux d’hiver, affrontent le froid. Ils se faufilent vite dans la voiture des parents venus les chercher. La journée a été longue, et le soleil s’est couché il y a plus d’une heure. Après les classes, les cours du soir… un devoir que les petits exécutent en fronçant les sourcils !

Deux courants d’école de soutien coexistent en harmonie et répondent aux leitmotivs des parents. Ces derniers sont soucieux de préserver coûte que coûte le patrimoine culturel de leur progéniture, apte à subir tôt ou tard le fort penchant du canadianisme. Le premier niveau, l’école du samedi, offert par les municipalités et les diverses écoles communautaires, assouvit ce besoin. Les cours du soir représentent un point décisif pour le succès scolaire et rejoignent le deuxième niveau, axé sur des vocations purement académiques. Ceux-ci se propagent comme des champignons dans le paysage vancouvérois. Les tuteurs privés, les franchises à l’instar de Kumon, et des organismes bénévoles ont la cote depuis plusieurs décennies. Ils pourvoient aux cas de rattrapage. La parité est de rigueur. Les mathématiques et les langues sont invariablement les matières prisées.

Florence Étienne, traductrice, a exercé comme tutrice pendant quelques années. Elle explique :
« les parents font appel à ce genre d’enseignement supplémentaire pour pallier à diverses carences. Souvent, les enfants sortent de camps de réfugiés. Ils sont peu scolarisés et ont appris la matière selon d’autres formules et dans une autre langue. »

Mentalité élitiste ou divergence de vue ?

 

On retrouve dans ces écoles de soutien une majorité d’élèves de minorités visibles. Les familles canadiennes de souche, non-immigrantes n’auraient pas, soit le réflexe, soit le besoin d’inscrire leurs enfants aux écoles de soutien. Florence Étienne avance : « ces enfants maîtrisent la langue anglaise avec aisance et ont cheminé depuis la petite enfance dans le système canadien. Ils auraient moins besoin d’encadrement. »

Le réseau Kumon affiche l’étiquette de leader et revendique en toute légitimité une part importante du marché. Fondé en 1958 au Japon, il s’est élargi au fil des années. Des antennes sont présentes dans 48 pays de par le monde. Prestige et notoriété à l’appui, cet organisme compte 24 900 centres dans le monde, dont 2 118 en Amérique du Nord. Rien qu’au Canada, 329 centres sont répartis dans les différentes provinces, dont les cinq villes principales, notamment Vancouver, Montréal, Calgary, Toronto et Richmond Hill. Les registres de classe affichent 53 808 élèves sur le territoire canadien, plus de 4 millions dans le monde.

Vernon Gonsalves, directeur de Communication de Kumon Canada affirme: « Nous avons un service de contrôle qualité pour s’assurer de l’homogénéité et maintenir le niveau à travers tous les centres. Le programme est conçu pour renforcer les connaissances tout en respectant l’équilibre de l’enfant, optimisant ainsi les résultats. » L’assiduité et la cohésion sont les secrets de la réussite. Celles-ci sont inhérentes dans les mœurs de certaines cultures. En sus des connaissances académiques, les enfants acquièrent plus de confiance en eux-mêmes et développent des facultés d’analyse, de concentration et d’indépendance dans les cours du soir.

Portrait ethnoculturel

 

Lucie Imano, mère de famille d’origine québécoise et mariée à un Canado-japonais, raconte l’itinéraire de sa famille dans cette aventure linguistique. Tombant sous le charme de l’école japonaise dès son premier contact, elle y inscrit ses deux enfants, Dominic et Saya, alors âgés de quatre ans. Les enfants y suivront tout leur parcours scolaire, de la maternelle jusqu’à la 12ème année. Les cours sont intensifs. Le samedi ainsi que les vacances d’été sont réservés aux devoirs. L’aide parentale est la bienvenue quand les enfants éprouvent des difficultés avec le vocabulaire. Lucie Imano se confie : « Durant l’adolescence, c’était un peu plus difficile de stimuler les enfants. Ils étaient devenus plus récalcitrants. Alors, on leur promettait un cadeau à la fin de l’année. » Toutefois, l’amitié créée avec les autres enfants les incite à poursuivre les cours. Ils comprennent vite l’importance d’une troisième langue. En fait, l’établissement scolaire francophone qu’ils fréquentent accorde un crédit aux étudiants terminant le cycle secondaire avec une langue supplémentaire. De plus, le certificat de l’école japonaise est validé au Japon. Un avantage majeur à ne pas négliger.

La connexion avec la communauté japonaise lors des activités culturelles consolide les liens. Les enfants développent la faculté étonnante d’assimiler trois langues simultanément. Ils abordent avec aisance la communication lors des déplacements au Japon. Toutefois, des moments de doute surviennent parfois au creux de la vague. Les enfants anticipent de décrocher avec la langue ‘culturelle’ dès l’obtention de leur diplôme. Ils se ravisent vite. En devenant plus mûrs, ils se rendent compte que maîtriser la langue est un atout majeur. Un sentiment d’accomplissement rejoint celui de la fierté. La troisième langue apporte du poids au curriculum vitae et ouvre les portes de l’emploi
au Japon!

Photo par Vernon Gonsalves de Kumon

Photo par Vernon Gonsalves de Kumon

Lucie Imano démystifie les dires qu’assimiler plusieurs langues provoque une confusion dans la tête des enfants. « Il est étonnant de voir comment les enfants peuvent parler une minute en anglais, et entamer la minute d’après une conversation en français et encore trente secondes plus tard dialoguer avec un interlocuteur japonais. » La maîtrise simultanée de plusieurs langues se fait tout naturellement, en symbiose. Lucie Imano continue: « Il faut une grande ouverture du côté des parents. Même si l’un ou l’autre ne comprend pas la langue, il faut encourager l’enfant à grandir avec une langue que l’on ne parle pas. Les enfants ressentent tout ceci et ils sont très reconnaissants à l’âge adulte. » Dominic et Saya Imano ont été diplômés respectivement avec une maîtrise en mathématiques et une en économie. S’ils n’ont pas poursuivi la langue japonaise au niveau universitaire, ils sont toutefois reconnaissants envers l’école qui leur a permis de maintenir la culture et la langue ancestrale au sein du foyer familial.