Les défis quotidiens des familles monoparentales

Photo par Stephanie Lamy

Photo par Stephanie Lamy

Le nombre de familles monoparentales s’est envolé lors des cinq dernières décennies. Selon le rapport de Statistique Canada, leur pourcentage aurait doublé. Au recensement de 2011, la Colombie-Britannique en compterait 15,3% et l’ensemble du Canada 16,3% .

Si la proportion est d’un père seul pour 4 mères célibataires, le nombre de familles monoparentales dirigées par les hommes a toutefois quadruplé pour la même période d’analyse. La tendance est plus particulièrement prononcée en Colombie-Britannique. Sur 189 809 familles de parents célibataires, il y aurait environ 36 000 pères de famille célibataires. Le bât blesse davantage dans le cas des familles issues de l’immigration.

Si l’État accorde une aide sociale à ces familles, les critères sont souvent hypothétiques. La problématique des mères célibataires est si épineuse que le YWCA en a fait son cheval de bataille. Les immigrantes qui ont recours à ces programmes-là sont si nombreuses qu’un programme étoffé et taillé sur mesure a été mis au point. On retrouve parmi ces femmes une majorité de ressortissantes du Japon, de la Thaïlande, du Pakistan, des États-Unis et de l’Amérique latine. Nombreuses sont celles qui n’ont pas de statut social. En regardant de plus près, on découvre la profondeur de ce fléau. Si on ne peut avancer des chiffres concernant le nombre des « sans-papiers », c’est parce que la scène se déroule dans un environnement latent pour ne pas dévoiler le pot aux roses.

Dans les cas typiques, ce sont des histoires tristes qui auraient mal tourné. Ces femmes auraient fait des rencontres amoureuses après avoir immigré au Canada avec des visas de séjour. Elles ont eu des enfants avec la promesse de leurs conjoints d’alors qu’ils allaient régulariser leur situation. Hélas, les promesses partent en fumée quand le couple explose. Les femmes se retrouvent alors à la rue, sans aucun recours social.

Si nombre d’entre elles recherchent de l’aide, une partie préfère rester dans l’ombre. Elles ont peur d’exposer leurs situations. Elles se réfugient chez des parents ou des amis. Certaines retournent dans leur pays d’origine et reviennent avec des visas de séjour fraîchement estampillés.

Lisa Rupert, directrice de l’hébergement au YWCA explique : « Plusieurs de ces personnes sont aussi des victimes de violence domestique.

20 % sous le seuil de pauvreté

 

Mur recouvert d’empreintes de mains dans une maison d’accueil pour les mères célibataires et leurs enfants. | Photo par Stephanie Lamy

Mur recouvert d’empreintes de mains dans une maison d’accueil pour les mères célibataires et leurs enfants. | Photo par Stephanie Lamy

En effet, si les femmes représentent quatre-vingt pour cent des familles monoparentales, vingt pour cent d’entre elles vivent sous le seuil de pauvreté. Les deux principales difficultés à affronter à Vancouver sont le loyer et les services de garde d’enfants qui coûtent en moyenne mille dollars par mois. Le loyer absorbe, lui, 30% des revenus. Les femmes n’ont d’autre alternative que de sacrifier le travail et de s’inscrire à l’aide sociale.

Le YWCA dispose, dans le cadre de son programme, de maisons de transition de deuxième étape. Trois appartements sont mis à la disposition des mères célibataires jusqu’à ce qu’elles obtiennent le permis de résidence sur une base humanitaire. Les procédures de régularisation peuvent durer jusqu’à trois ans. Chantelle Krish, directrice des plaidoiries et chargée des Relations publiques au YWCA lance : « en mettant à leur disposition des services de maisons de transitions et de garderie d’enfants, les femmes peuvent se concentrer sur leur indépendance économique. »

Entraide et conseils juridiques

Les femmes sont prises en charge de six mois à deux ans. Beaucoup de ces femmes souffrent de traumatisme et d’isolement social. L’ordre du jour des plaidoyers est chargé. Celui-ci préconise pour ces familles le droit de séjour sur une base humanitaire, et dans certains cas le statut de réfugiés. Souvent, les femmes n’avaient pas conscience qu’elles avaient droit à ce statut.

En équipe ou seules sur le front…

Le Middle Eastern Friendship Centre, organisme socio-culturel, tourne un regard attendri vers les familles monoparentales de foi islamique. Ici, les femmes du Moyen-Orient côtoient leurs sœurs musulmanes du continent nord-africain. Un cercle fermé qui est doté d’une panoplie de ressources, telles qu’une médiathèque, des cours d’anglais et de citoyenneté, l’aide pour la rédaction des curriculum vitae et les fiches d’impôts. Les mères célibataires sont suivies dans leur développement professionnel et académique et sur leur état émotionnel et d’autosuffisance. Adel Masoud, directeur et fondateur de cette organisation se confie : « les femmes sont invitées chez les familles du Centre qui les aident à résoudre leurs problèmes. Nous leur prodiguons des conseils sur la gestion de leur quotidien et comment affronter leurs difficultés. » Elles participent à des sorties récréatives et sont invitées chez les membres de la communauté lors des activités culturelles, ainsi que pour partager des repas.

Si les hommes à la tête des familles monoparentales sont moins nombreux, les obstacles auxquels ils font face diffèrent également. Les difficultés financières sont moins lourdes. En revanche la charge émotionnelle est plus élevée. Les hommes étant plus introvertis, ils gèrent seuls la situation. Les parents bâtissent autour de la famille un cocon de soutien. Fadi Haddad*, originaire d’Egypte, relate avec émotion son parcours. Sa femme de souche canadienne a abandonné le toit conjugal après quinze ans de mariage, suite à une dépression nerveuse. Il a obtenu la garde de leurs deux enfants en bas-âge. Il avoue qu’il n’a pas eu besoin de l’aide de la communauté. « Le soutien de mes parents et de mes beaux-parents nous suffisait. Le plus dur, c’était d’expliquer aux enfants les raisons du départ de leur mère et de sa maladie. Les enfants encaissent le coup le plus dur. L’absence de la maman se fait ressentir lourdement. » Fadi Haddad cumule le rôle du père et de la mère. De son côté, il suit une thérapie de groupe pour remonter la pente. Les émotions et les angoisses sont extériorisées lors des échanges avec les personnes vivant la même situation, hommes et femmes confondus. Fadi Haddad poursuit : « Ma femme et moi avions vendu notre maison avec un profit important et mon employeur m’avait accordé une année de congé sans salaire. La situation s’est régularisée avec le temps mais il y a toujours des hauts et des bas quand le couple est conjugué au singulier. Ma force, c’est mes enfants. La joie de les avoir vaut tous les sacrifices et donne un courage considérable pour affronter la situation. »

 

*Les nom et prénom de Fadi Haddad ont été changés.