La ronde des prénoms (à Joshua)

Photo de l’Office for National Statistics

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La politique m’intéresse moins ces derniers temps. L’arrivée du mois de mai, avec ses magnifiques couleurs, y est définitivement pour quelque chose. Mais aussi, une certaine lassitude et un sérieux découragement, face aux multiples problèmes auxquels le monde se trouve confronté, m’obligent à prendre temporairement congé de l’actualité. J’ai besoin d’un peu de répit. Je m’offre de petites vacances pour m’aventurer dans d’autres domaines. J’en ai d’ailleurs trouvé un qui me tient particulièrement à cœur. Comment choisir le prénom d’un enfant ?

Cette question ne m’est pas tombée dessus, tout à coup, comme un cheval dans la soupe, au détour d’une écurie alors que je rentrais pour le repas du soir. Non, pour tout vous dire, puisque je sens que vous tenez absolument à le savoir, j’ai commencé à me préoccuper de ce sujet lorsque mon fils m’a annoncé, il y a plusieurs mois, que ma belle-fille, sa femme en l’occurence, était enceinte. Rien que de très naturel, vous l’avouerez. La question toutefois s’est immédiatement posée : quel prénom donner à ce futur nouveau-né ? Nous héritons d’un nom et non d’un prénom. De là vient la difficulté. De là surgit l’angoisse. Un nom vous est automatiquement donné. Mais un prénom ça se choisit. Et comment faire ce choix ? De plusieurs manières. Il y a tout d’abord l’embarras, dont il faut se débarrasser le plus tôt possible.

Les je-m’en-foutistes, partisans du bon débarras, vont faire appel au hasard. Vous prenez une liste de prénoms ramassés sur internet, vous fermez les yeux et du doigt vous désignez, au petit bonheur la chance, l’heureux ou le malheureux élu. Cet exercice, il va sans dire, comporte des risques. Vous pouvez tomber sur des prénoms qui pourraient porter préjudice au bien-être de l’enfant. Par exemple vous pourriez piger le prénom de Gaston. À une époque, assez lointaine déjà, ce prénom convenait. Mais dès que le feu chanteur Nino Ferrer s’est emparé du prénom et en a fait une chanson drôle et ridicule, le prénom a été condamné à la risée générale. Ceux qui portaient ce prénom furent couverts de honte. Certains, j’en connais, ont changé illico de prénom. N’importe quoi, sauf Gaston et son téléphon. Paulette, la reine des paupiettes, a subi le même sort. Les Gaston et les Paulette se sont aussi sec fait appeler Arthur, Robert, Antoine, Serge, Richard, Denis, Nathalie, Chantale, Carole, Geneviève ou Hélène.

Alors, lorsqu’il s’agit de choisir un prénom, il faut faire preuve de prudence, de discernement. Nombreux sont ceux qui évitent à tout prix les prénoms archaïques du genre Cyprien, Godefroy, Eustache, Adélaïde, Cunégonde ou Alphonsine. Souvent la mode dicte le choix. Ethan et Emma semblent être deux prénoms au goût du jour. Il y a de fortes chances pour que dans vingt ans plus personne n’en veuille. Quels seront alors les prénoms favoris ? Difficile à dire. J’imagine que quelques uns, empruntés à des habitants imaginaires de galaxies lointaines, feront fureur.

En cas de manque d’imagination, il est toujours possible d’avoir recours à la Bible qui, jusqu’à présent, nous a toujours dépannés. Le Nouveau Testament est une source intarissable de prénoms passe-partout. Les Jean, Pierre, Paul et Cie assurent toujours la relève. Quelle que soit votre appartenance religieuse, vous trouverez prénoms à votre pointure. David, Ismaël, Ali, Élie, Mathias, Marie, Fatima, Raphaël, Pascal et bien d’autres encore. Comme vous le voyez, ce ne sont ni les apôtres, ni les anges, ni les prophètes qui manquent à l’appel. Il suffit de piocher dans la liste pour trouver chaussure à son pied. Les figures historiques sont aussi source d’inspiration. Alexandre le Grand a fait beaucoup de petits. Par contre Adolphe semble, depuis la dernière guerre mondiale, très peu en demande. Il en est de même pour Judas qui a disparu de la circulation depuis l’ère chrétienne.

Pensez aussi aux prénoms hybrides, très pratiques, qui conviennent aux filles comme aux garçons. Je pense notamment à Michel(le), à Daniel(le) ou à Mischa. Et puis, tant qu’on y est, pourquoi ne pas faire appel à des prénoms exotiques (Angélina, Tanouja) ou à des prénoms venus d’ailleurs, appartenant à diverses cultures (Mamadou, Ludovic, Vladimir, Quan, Amin, Leïla, Amita, Amira, Hind, Ying, Poling, Antonio). Des prénoms qui attirent l’attention (Lourdes, Madonna, Chérie). Des prénoms royaux (Louis, Henri, Georges, Elizabeth). Des prénoms héroïques (Jeanne, Nelson, pour ne nommer que ceux-là). Des prénoms qui ne veulent rien dire (Bubba). Des prénoms tirés par les cheveux (Samson) ou qui font rêver (Cléopâtre ou Dalila). Des prénoms anglo-saxons qui prennent des raccourcis (Bill, Ted, Joe, Dick, Don, Len, Liz, Lily, etc…). Et que dire des jolies Julie?

La liste de prénoms mise à la disposition des parents s’avère donc longue, quasi inépuisable. Pour ne pas perdre les pédales devant cette avalanche de possibilités, il faut se concentrer sur l’idée que ce n’est pas le prénom choisi qui va définir l’enfant, mais plutôt l’enfant qui définira le prénom. Alors qui que tu sois, sois toi et tu verras qui tu seras. Qué sera sera aurait aimé chanter Sarah à la place de Sheila.