Les Inuits, passionnément !

Journaliste indépendante installée au Canada depuis 1998, trés au faite des enjeux autochtones en C.-B., Anne Pélouas est une amoureuse du Grand Nord et des communautés qui l’habitent. Dans son dernier livre, elle brosse un portrait des Inuits canadiens d’aujourd’hui, un peuple à la force intérieure inégalée selon elle.

La Source : Comment est né ce livre ?

A.P. : L’éditeur Henry Dougier m’a approchée il y a deux ans. Il lançait une nouvelle collection sur les peuples du monde. Il m’a demandé ce qu’on pouvait faire sur ceux du Canada. J’ai tout de suite pensé aux Inuits. J’ai rencontré plusieurs obstacles pour écrire ce livre qui m’a demandé un an et demi de travail. Chaque chapitre a la même construction et commence par un grand entretien. Sur les six au total, quatre ont été réalisés avec des Inuits. Ça n’a pas été facile de les avoir. Les voyages dans le Grand Nord aussi ont été difficiles à organiser, car ils coûtent cher.

Chaque fois qu’Anne Pélouas se rend dans le Grand Nord canadien, elle s’émerveille devant sa nature grandiose et la lumière « d’une intensité rare » qui y règne, été comme hiver. | Photo par Diane Turcotte

Chaque fois qu’Anne Pélouas se rend dans le Grand Nord canadien, elle s’émerveille devant sa nature grandiose et la lumière « d’une intensité rare » qui y règne, été comme hiver. | Photo par Diane Turcotte

L.S. : Les Inuits sont-ils en danger aujourd’hui ?

F_p5_inuits_1A.P. : Pas du tout. Je suis très optimiste sur leur sort. Ils ont cette faculté de faire face pour répondre aux défis auxquels ils sont confrontés, qu’ils soient économiques, éducatifs ou environnementaux. Beaucoup de choses me font penser qu’ils sont capables de trouver les moyens de conserver leurs traditions et d’embarquer dans la modernité. Vous trouvez dans les communautés des jeunes qui jouent à des jeux vidéo et dans le même temps qui apprennent des chants de gorge, qui partent pêcher et chasser avec leur père.

L.S. : L’évolution est-elle souhaitable pour eux ?

A.P. : Ce n’est pas à moi de me prononcer sur cette question. L’évolution est là. Ils ne peuvent pas ne pas aller de l’avant. Le titre du livre, Les Inuits résistants !, n’est pas seulement en référence à leur résistance au froid. Ils ont une force intérieure qui leur permet de s’adapter à toutes les situations. Ils ne peuvent pas faire autrement. Certains ont vécu dans un igloo, ils affrontent au quotidien des conditions climatiques extrêmes. Leur résistance est à la fois physique et mentale.

L.S. : On connaît l’épisode tragique d’acculturation et d’assimilation des Inuits après la Seconde Guerre mondiale. Son souvenir est-il douloureusement présent au sein des communautés ?

A.P. : Ils n’ont pas de ressentiment, pas de rancune par rapport à ça. Mais ils mentionnent la façon dont le gouvernement les a déplacés pour asseoir la souveraineté canadienne. Ils le font comme on aborderait la bataille des Plaines d’Abraham. Ça fait partie de leur histoire. La résilience*, ils la portent en eux. Ce sont des victimes, mais ils s’organisent.

L.S. : Votre livre est-il un message d’espoir, un cri d’alarme ou un simple constat sur la situation des Inuits ?

A.P. : Ce n’est certainement pas un cri d’alarme. Je voulais raconter des histoires de gens en action et retracer leur parcours, afin de dresser le portrait d’une région du monde où il y a des difficultés – on sait que l’Arctique sera la plus touchée par le réchauffement climatique –, mais où ses habitants continuent à vivre.

Les Inuits résistants !, publié aux éditions Ateliers Henry Dougier dans le cadre de la série Ligne de vie d’un peuple, vient de paraître en France. Il sera disponible en librairie au Canada à partir du 21 avril.

*La résilience désigne la capacité d’un corps ou d’un organisme à retrouver ses propriétés initiales après une altération. En psychologie, elle symbolise l’aptitude d’un individu affecté par un traumatisme à se reconstruire.

 

Captivant, instructif et dépaysant

À travers les six chapitres qui composent son livre Les Inuits résistants !, Anne Pélouas pose avec humilité son regard de journaliste sur la vie quotidienne d’Inuits du Nunavut et du Nunavik. Elle salue leurs valeurs humanistes, développe les défis auxquels ils sont confrontés, sans oublier les enjeux géopolitiques que ces régions où ils vivent représentent.Un ouvrage captivant dans lequel des personnalités aussi diverses que Peter Taptuna, le premier ministre du Nunavut, le cinéaste Zacharias Kunuk, l’avocate et designer de mode Aaju Peter et bien d’autres ont la parole.

L’auteure raconte également son excursion à Quttirnipaaq sur l’île d’Ellesmere, le parc le plus éloigné du pays à la frontière avec le pôle Nord. Pendant sept jours, elle a accompagné des gardes-parcs en mission d’inspection et de relevés scientifiques, parcourant 120 km. Son récit est digne de celui des grands explorateurs.

Les Inuits, résistants ! est à la fois instructif et dépaysant.