Bande dessinée : l’après-Charlie discuté à Vancouver

Photo de Vancouver Comic Arts Festival

Photo de Vancouver Comic Arts Festival

Organisé depuis 2012 par une association à but non-lucratif, le Vancouver Comic Arts Festival (VanVAFF) se tient les 23 et 24 mai au Roundhouse Community Arts & Recreation Centre de Yaletown. Destiné à tous les publics, le festival rassemble cette année plus de 260 exposants et offre notamment des lectures et des ateliers. Parmi les évènements au programme, une discussion animée par Kevin Wilson avec Matt Bors et J.J. McCullough, tous trois dessinateurs, portera sur « l’après Charlie ».

« Le débat sur ce qu’est la satire, où la limite peut être placée (si elle doit l’être), et la responsabilité du travail comique est une pagaille dont j’ai envie de discuter avec d’autres personnes. Tout particulièrement avec des gens aussi qualifiés et sérieux que Matt Bors et J.J. McCullough, » explique Kevin Wilson, qui réside à Portland, Oregon et fera le déplacement pour le festival.

Deux des dessinateurs participent à la discussion sur l’après Charlie : Kevin Wilson (haut) et J.J. McCullough (bas). | Photo de Vancouver Comic Arts Festival

Deux des dessinateurs participent à la discussion sur l’après Charlie : Kevin Wilson (haut) et J.J. McCullough (bas). | Photo de Vancouver Comic Arts Festival

« Les controverses modernes dans la bande dessinée et le dessin portent principalement sur la représentation : genre, orientation sexuelle, différents types corporels. Pour faire court, nous sommes assez mauvais dans ce domaine, » admet-il. « Une chose qui a changé (depuis l’attentat de Charlie Hebdo, NDLR) est la façon dont je retranscris les ethnicités. Le débat qui a suivi ces morts m’a fait ré-examiner la longue histoire d’exagération de la caricature. La façon dont vous choisissez de dessiner quelqu’un a une signification, donc vous devez être vigilant quand vous créez un personnage. Je suis devenu très sensible, jusqu’à la couleur que j’utilise pour les carnations. »

Émotion (inter-)nationale
Les évènements qui se sont déroulés en France du 7 au 9 janvier, débutant par l’attaque contre l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo et le meurtre des dessinateurs Cabu, Charb, Honoré, Tignous et Wolinski, « coupables » d’avoir dessiné le prophète Mahomet, ont fait 17 morts.

Dès le soir du 7 janvier, des manifestations spontanées de soutien ont eu lieu dans la plupart des villes de France, où l’on pouvait voir de nombreuses pancartes « Je suis Charlie » et des stylos brandis : Charlie Hebdo est immédiatement devenu le symbole de la liberté d’expression qu’il faut défendre. Le dimanche 11 janvier s’est tenu une marche historique, rassemblant non seulement les principaux partis politiques français, mais aussi quarante-quatre chefs d’État.

Le dessinateur vancouvérois J.J. McCullough déclare, pour sa part, « ça m’a personnellement touché, car j’étais en fait un fan de Charlie Hebdo avant cela, donc ils n’étaient pas juste une vague publication étrangère pour moi. » Pour autant, ces évènements n’ont pas influencé sa façon de travailler : « mon sens de l’humour et ma sensibilité générale sont assez différents de ceux des dessinateurs de Charlie Hebdo, » précise-t-il, mais « il reste très, très peu de caricaturistes, en tout cas dans ce pays. L’épisode Charlie Hebdo a rappelé à beaucoup de gens que cette forme d’art existe toujours, qu’elle a une histoire derrière elle, et qu’elle vaut la peine d’être prise au sérieux. Je veux saisir toutes les occasions que je peux pour plaider en sa faveur. »


E
ditorial Cartoons : After Charlie
Le samedi 23 mai à 15h,
Roundhouse Community Arts & Recreation Centre de Yaletown

Luz boycotte Mahomet

Parmi les survivants de Charlie Hebdo, le dessinateur Luz est l’auteur de la couverture de l’édition du 14 janvier 2015 du magazine satirique, où l’on voit le prophète Mahomet tenant une pancarte « Je suis Charlie » et au-dessus de lui la mention « Tout est pardonné.»

Dans une récente entrevue au magazine les Inrocks, Luz annonce qu’il ne dessinera plus Mahomet, « le personnage ne m’intéresse plus », a-t-il expliqué. Le dessinateur revient également sur l’après-Charlie, le deuil impossible de ses amis abattus, la présence policière permanente, et le dessin comme outil thérapeutique. Ses œuvres sont regroupées dans Catharsis, un ouvrage à paraître le 21 mai.