Maître chez soi ! Vraiment ?

On pourrait avancer que Maître chez soi traduit bien la conception imaginée d’indépendance et de souveraineté domiciliaires que se font ceux qui ont réalisé le rêve d’être propriétaire de leur habitation. Ce qui, de l’avis exprimé avec de plus en plus de vigueur, est un objectif de moins en moins accessible pour les résidents de Vancouver.

Alors, qu’en est-il de ce rêve national d’être propriétaire ? Sans refaire le débat sur l’influence perçue par l’opinion populaire que c’est la faute des acheteurs étrangers si le prix de l’immobilier est si élevé à Vancouver, il est indéniable que l’immobilier coûte très cher ici. Malgré tout, la SCHL indique que, de 1991 à 2011, le pourcentage de propriétaires (tous types d’habitation confondus) est passé de 60% à 69% au Canada, alors que ce pourcentage est passé de 57,5% à 65,5% à Vancouver, de 46,7% à 55% à Montréal et de 57,5% à 68,3% à Toronto. Les chiffres de l’Association canadienne de l’immobilier sont comparables. Nous sommes donc de plus en plus de propriétaires à Vancouver et ce sont les logements en copropriété qui sont les plus accessibles.

Être maître chez soi, tout un programme. | Photo de Concert Properties

Être maître chez soi, tout un programme. | Photo de Concert Properties

Mais qu’en est-il de la vie en condo? Maître chez vous, croyez-vous ? En fait oui et non ! La clé de cette contradiction apparente réside dans l’expression même : « copropriété ». La réalité est que la notion de communauté en propriété exerce une influence énorme sur l’autonomie, l’indépendance, voire le libre arbitre que vous aurez de vos faits et gestes. En Colombie-Britannique, c’est la BC Strata Property Act qui régit tous les aspects de ce type de propriété immobilière. Parce qu’il s’agit bien de vivre en communauté et que vous devrez être prêt à faire plusieurs concessions. D’abord sachez que toutes les sociétés en copropriété sont gouvernées. Oui, vous avez bien lu, gouvernées par un conseil élu par ses propriétaires réunis annuellement en assemblée générale. Une fois constitué en conseil, ce groupe devient donc un mini gouvernement, avec le pouvoir conféré par la loi provinciale d’en faire respecter les articles et la réglementation.

C’est ce conseil qui prépare le budget menant ensuite à l ‘établissement des frais mensuels de gestion ainsi que des montants d’imposition en cas de dépenses capitales majeures. Par exemple si la toiture a besoin d’être refaite et que le fonds d’urgence n’est pas assez bien garni, les propriétaires devront mettre la main à la poche pour en défrayer le coût. Il en ira de même pour toutes les dépenses qui ont trait à l’ensemble de l’immeuble, c’est à dire tous les espaces communs, soit le stationnement souterrain, les couloirs, les ascenseurs, les vestibules, les fenêtres et les murs extérieurs, la plomberie, la protection contre les incendies, les jardins et les balcons.

Oui, là encore, vous avez bien lu, les balcons sont des espaces communs, c’est à dire que même si vous en avez l’usage exclusif, ils ne font habituellement pas partie de votre unité et ainsi vous ne pouvez les modifier à votre guise. D’ailleurs la prochaine fois que vous irez à une opération de portes ouvertes, regardez bien le document descriptif et vous verrez tout de suite que les balcons et patios n’y sont généralement pas comptés dans la superficie totale.

Règle générale, ce qui vous appartient en propre est ce qui se trouve de votre côté des murs. C’est aussi ce qui constitue normalement la ligne de démarcation entre ce qui est votre responsabilité et celle de la société. Par exemple, si un des appareils ménagers ou une pièce d’équipement de plomberie de votre unité (toilette, évier ou baignoire) est la cause de dégâts d’eau à vos voisins d’en dessous, les réparations seront à vos frais…d’où l’importance d’être bien assuré, puisque les premiers 5 000$ ou voire 10 000$ de franchise vous seront facturés avant que l’assurance de l’immeuble entre en jeu !

Mais, pensez-vous, au moins vous pourrez agir à votre guise et en toute impunité chez vous. En fait pas vraiment. Si votre société a passé en assemblée générale un règlement d’interdiction de fumer dans l’ensemble de l’immeuble, y compris dans les appartements. Vous devrez vous y soumettre, au risque de devoir payer une amende qui peut vous être imposée par le conseil, pour chaque infraction qui sera retenue contre vous. En moyenne à 200$ l’occasion, le prix de la cigarette grimpe rapidement. Heureusement que le meilleur ami de l’homme peut au moins vous réconforter, à moins que les animaux ne soient aussi interdits, ce qui n’est pas inhabituel. Pas grave, vous dites-vous. Si vous n’avez plus envie d’y habiter et que vous prévoyez de mettre votre bien en location en attendant de le vendre, assurez-vous que cela soit permis par la réglementation, ce qui n’est pas automatique.

Ah ! la vie de commune, que dis-je ? De condo, où vous aurez enfin le loisir de vous étirer les jambes à votre guise…enfin presque.

Caveat emptor (Aux risques de l’acheteur) comme le dit si bien la célèbre locution latine !