Les Premières Nations sur le terrain médiatique

Photo par Seniwati

Photo par Seniwati

Avec une population de 1,4 million de personnes réparties au sein de 630 Premières Nations, les communautés autochtones du Canada sont souvent sous-représentées dans les médias. Pourtant, les choses semblent évoluer dans le bon sens, avec plusieurs initiatives destinées à soutenir la couverture des enjeux autochtones.

Au mois d’août, le magazine bilingue français-anglais Ricochet Média a ainsi lancé avec succès une campagne sur Kickstarter pour financer un fonds spécial dédié aux reportages autochtones. Ce même mois, CBC Radio a ajouté à sa programmation nationale l’émission hebdomadaire de nouvelles autochtones, Unreserved, une première en 15 ans pour le diffuseur public. L’association nationale des radios étudiantes et communautaires (NCRA) peut quant à elle se féliciter du succès de Resonating Reconciliation, un projet destiné à aider à réconcilier les Canadiens avec l’histoire des pensionnats autochtones, tout en formant des radiodiffuseurs basés dans leurs communautés.

Traitement des enjeux autochtones par des journalistes autochtones

Ces initiatives ont en commun de promouvoir la couverture des problématiques autochtones par des journalistes autochtones. Un enjeu de taille, puisque d’après Ricochet Média, en 2014, seuls 14 journalistes en avaient fait leur mission principale.

Leena Minifie, responsable du fonds de reportage autochtone pour la rédaction anglophone de Ricochet, déclarait lors du dernier Media Democracy Day qu’il est vital de soutenir le reportage autochtone à l’intérieur des communautés afin d’obtenir un traitement de l’information plus profond et nuancé.

Il s’agit aussi de s’assurer que les journalistes sont au fait du paysage politique et de l’histoire complexe des personnes qu’ils interviewent. Minifie estime ainsi qu’encore aujourd’hui, les journalistes sont mal équipés pour traiter de ces sujets qui ne sont que rarement abordés en profondeur dans les cursus scolaires et en école de journalisme. Certains étudiants rapportent d’ailleurs s’être vu refuser de traiter d’enjeux relatifs aux Premières Nations, ceux-ci étant jugés sans grand intérêt par leur professeurs.

Gunargie O’Sullivan, productrice radio.

Gunargie O’Sullivan, productrice radio.


Un besoin de financement particulier

Pour pouvoir soutenir et développer le journalisme auto-
chtone, il est nécessaire de pouvoir rémunérer correctement et régulièrement les journalistes.

Gunargie O’Sullivan, l’instigatrice de Resonating Reconciliation, n’a pu consacrer son temps à ce projet que grâce à une subvention accordée par la Commission de vérité et réconciliation et les Affaires autochtones et du Nord Canada. L’argent obtenu a permis de la rémunérer pour son travail de liaison avec les stations de radio. Il a aussi financé la création de 50 documentaires et la formation de nouveaux radiodiffuseurs issus des communautés autochtones.

Aujourd’hui, alors que le travail est achevé, O’Sullivan et la plupart des programmeurs qui ont participé au projet sont revenus à la case départ : bénévoles à la recherche de nouveaux financements pour poursuivre leur mission. O’Sullivan déclare que beaucoup ont déjà baissé les bras et abandonné la radio.

Un changement de mentalité nécessaire

D’après O’Sullivan, Minifie et d’autres acteurs du secteur, il ne faut cependant pas réduire le problème du manque de journalistes autochtones à un problème d’argent. O’Sullivan, qui produit bénévolement plusieurs émissions de radio, dit qu’il est difficile de trouver de nouvelles recrues car beaucoup de jeunes autochtones refusent de s’identifier comme tels de peur d’être victimes de discrimination. Minifie admet quant à elle que plusieurs des personnes embauchées par Ricochet pour traiter des enjeux sur le terrain ont déjà rendu leur tablier, victimes de pressions de la part de leur communauté.

Les mauvaises réactions ne se limitent pas, comme on pourrait le croire, au traitement de sujets vus comme négatifs. Ainsi, Kerry Benjoe, reporter au Regina Leader-Post, déclarait récemment sur les médias sociaux que le public serait étonné du nombre de courriels négatifs qu’elle reçoit de la part de lecteurs autochtones à la suite de sujets pourtant positifs. Elle a parfois l’impression que dans ce secteur, quoi que l’on fasse– ou que l’on ne fasse pas –, on est condamné.

Des signes encourageants permettent cependant de penser que la visibilité des Premières Nations dans les médias, qu’ils soient locaux ou nationaux, indépendants ou commerciaux, va en s’améliorant.

Depuis le lancement du mouvement de protestation Idle No More (Jamais plus l’inaction), en 2012, les Canadiens semblent s’intéresser plus à l’histoire et aux enjeux autochtones. Les autochtones eux-mêmes sont quant à eux plus présents sur les terrains politiques et organisationnels. Ce qui, à terme, ne peut qu’être bénéfique pour se débarrasser des clichés et faire mieux connaître et comprendre les cultures autochtones.

 

NCRA, Resonating Reconciliation www.ncra.ca/resonating
Ricochet Média
www.ricochet.media/en/Indigenous
CBC Radio, Unreserved
www.cbc.ca/radio/unreserved