Howie Tsui ou l’émancipation d’un Hongkongais au Canada

L’artiste Howie Tsui en plein travail de création.

L’artiste Howie Tsui en plein travail de création.

Howie Tsui était à la Contempory Art Gallery de Vancouver, mardi 12 janvier. Non pas pour dévoiler ses dernières créations, mais pour commenter l’exposition du Sud-Coréen Kim Beom. L’artiste vancouvérois s’est accordé cette pause alors qu’il prépare sa prochaine présentation, Les Tenants de l’anarchie (Retainers of Anarchy), programmée au printemps 2017 à la Vancouver Art Gallery. Entre deux séances de travail, il nous a livré quelques confidences. Rencontre avec une personnalité multiculturelle.

La Source : Vous êtes né à Hong Kong, avez grandi au Laos, puis étudié au Canada. Comment combinez-vous toutes ces influences, tous ces héritages culturels ?

Howie Tsui, artiste hongkongais. | Photo par Rémi Thériault

Howie Tsui, artiste hongkongais. | Photo par Rémi Thériault

Howie Tsui : Je ne me suis pas posé la question jusqu’à ce que j’intègre l’université (il a suivi une formation en peinture à l’Université de Waterloo, en Ontario, d’où il est ressorti diplômé, NDLR). Je me sentais plus inspiré par l’art asiatique que par ce qu’on m’enseignait. J’ai alors ressenti le besoin de m’autocensurer et de rentrer dans le moule. Ce que je montrais à mes professeurs était différent de ce que je conservais dans mon carnet de croquis. Je craignais que mes esquisses soient méprisées et incomprises. J’avais peur qu’elles soient réduites à d’enfantines bandes dessinées – je suis un aficionado de mangas –, peu élaborées et sans poésie. C’est plus tard que j’ai découvert des courants de pensée, ici en Amérique du Nord, dans lesquels je pouvais me reconnaître. Les magazines Giant Robot et Tokion m’ont beaucoup aidé pour ça.

Les toiles d’Howie Tsui mélangent réalité et fantastique, dans un style à la fois asiatique et populaire.

Les toiles d’Howie Tsui mélangent réalité et fantastique, dans un style à la fois asiatique et populaire.

L. S.Vous vivez et créez à Vancouver, ville connue pour être animée par diverses communautés. Dans le même temps, l’art asiatique est très présent dans votre œuvre. Pensez-vous qu’elle ne s’adresse qu’à un public asiatique ?

H. T. : Je comprends pourquoi vous me demandez ça. Si c’est le cas, je ne le fais pas intentionnellement. Pour tout vous dire, je ne crée pas en pensant à un public en particulier. Si je renvoie cette impression de me concentrer sur la culture asiatique, c’est uniquement causé par le fait que je suis originaire de cette partie du globe et que j’y ai vécu mes premières années. C’est aussi le résultat de tout ce temps où je me suis focalisé sur mon assimilation. À peine arrivé au Canada, je voulais m’intégrer. J’ai mis entre parenthèses des aspects de ma personnalité et ce qui m’a façonné. C’est comme si tout ça rejaillissait en moi et dans mon art sans que je n’y puisse rien.

 

L. S.Dix ans après votre première exposition au Canada – c’était à la Gallery 101, à Ottawa –, vous serez à nouveau à l’affiche, mais cette fois à la Vancouver Art Gallery au printemps 2017, pour Les Tenants de l’anarchie (Retainers of Anarchy). Que pouvez-vous nous dire à ce propos ?

H. T. : Je ne veux pas trop en parler. Cela tournera autour de deux tableaux que j’ai déjà peints et présentés par le passé. L’un fait référence au livre de Jin Yong, La Légende du héros chasseur d’aigles (The Legend of The Condor Heroes), que j’ai lu et qui m’a marqué. Avec cette exposition que je prépare, j’explorerai, entre autres, les guerres que se livrent les pays pour s’approprier des territoires, que ce soient celles d’hier ou d’aujourd’hui. Je mettrai en scène différents personnages imaginaires. Les représentations de batailles s’inspireront des combats d’arts martiaux. Ces écoles de pensée, pour ne pas dire ces écoles de vie, me fascinent depuis que je suis adolescent. Les styles, les tenues, les armes aussi. Mon exposition tournera autour des concepts de la nation, du tribalisme et de la géopolitique. Elle mêlera fantastique et réalité.

F_p8_howie_tsui_4L. S.Considérez-vous que c’est votre devoir d’artiste d’aborder ce genre de sujets ?

H. T. : Chaque artiste est libre d’agir comme bon lui semble, je n’ai pas la prétention d’avoir voix d’autorité à ce chapitre. Je me préoccupe avant tout de ce que je fais et de ce que je peux apporter aux débats de société.